Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GUE_1/GUE9
Charles GUÉRIN
Le Cœur Solitaire
1895
I
IX
Le soleil disparu rayonne sur la mer, 6+6 a
Le navire propage un remous d'émeraude, 6+6 b
Le sable garde empreint le rampement du ver. 6+6 a
Ève est nue, et derrière Ève le serpent rôde. 6+6 b
5 Déjà l'étoile errante éclaire d'autres cieux 6+6 a
Quand son sillage encor nous éblouit les yeux. 6+6 a
Le soir l'ombre de l'arbre est plus longue que l'arbre. 6+6 a
La source s'élargit dans le ruisseau, le marbre 6+6 a
Jette au vent son manteau de lierre souple et noir. 6+6 a
10 La douleur sur un sein meurtri berce l'espoir, 6+6 a
La volupté nourrit pour fille la tristesse, 6+6 a
Et la femme qui marche, harmonieuse, laisse 6+6 a
Après elle un sillon d'amour et de parfum. 6+6 a
Ainsi tout se survit dans un écho, dans un 6+6 a
15 Reflet ou dans une ombre, hélas ! Quand l'homme est seul 6+6 a
À ne pas rayonner à travers son linceul. 6+6 a
L'aile agile du temps obscurcit sa pensée 6+6 a
D'une ride à l'instant par une autre effacée, 6+6 a
Et ses rêves, au coeur des races qui viendront, 6+6 a
20 Ne feront même pas le bruit lointain que font 6+6 a
Les chutes de cailloux dans l'eau d'un puits profond. 6+6 a
Aussi, lorsque, épuisant nos âmes inquiètes, 6+6 b
Nous, les plus douloureux des hommes, les poètes, 6+6 b
Les doigts entrelacés sur le front, nous songeons 6+6 a
25 Que les élans plaintifs de nos coeurs vers la gloire 6+6 c
Tariront comme l'eau qui pleure entre les joncs, 6+6 a
Que nos livres détruits pleuvront en cendre noire 6+6 c
Sur la terre féconde et les bois toujours verts, 6+6 d
Que le temps laissera mourir dans sa mémoire 6+6 c
30 Le son de plus en plus affaibli de nos vers. 6+6 d
Alors le spectre amer du doute nous visite, 6+6 a
La stance suspendue à notre plume hésite, 6+6 a
Et, devant la croisée ouverte sur le ciel 6+6 a
Dont l'azur sans écho nous dicte le silence, 6+6 b
35 Nous mêlons nos sanglots au soupir fraternel 6+6 a
Que forme le feuillage ému qui se balance 6+6 b
Dans l'ombre des jardins profonds, obscurément. 6+6 a
Le vent fait palpiter au bord de la fenêtre 6+6 b
Nos strophes où le sens dans les mots s'enchevêtre : 6+6 b
40 Qu'il les balaie au loin pour que notre tourment 6+6 a
Sublime n'aille pas divertir un moment 6+6 a
L'ennui d'un siècle impur en qui rien ne réveille 6+6 a
L'intérieur écho de la divinité ! 6+6 b
Tel, chanteur inutile à l'époque trop vieille, 6+6 a
45 Le poète, pesant enfin sa vanité, 6+6 b
Prie et pleure, le coeur gonflé comme une voile, 6+6 c
Jusqu'à l'heure où, baignant les toits de la cité, 6+6 b
L'aube naissante éteint l'étoile après l'étoile. 6+6 c
mètre profil métrique : 6+6
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