Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GUE_1/GUE3
Charles GUÉRIN
Le Cœur Solitaire
1895
I
III
Soirs de stérilité | qui font l'âme plus sèche 6+6 a
Qu'une route où le vent | de décembre a soufflé ! 6+6 b
Soirs où sous la douleur | âcre le coeur gelé 6+6 b
Fait le cri d'une terre | aride sous la bêche ! 6+6 a
5 On se sent seul, on se | sent las, on se sent vieux, 6−6 a
Avec des mains sans foi | pour lever le calice. 6+6 b
On attend vainement | qu'une larme jaillisse 6+6 b
Des paupières de plomb | qui pèsent sur les yeux. 6+6 a
Il fait si froid vraiment, | vraiment si froid dans l'âme, 6+6 a
10 Si froid. On tourne en rond | dans un grand pays noir, 6+6 b
En rond, toujours en rond, | et sans même l'espoir 6+6 b
De voir, là-bas, surgir | la colonne de flamme. 6+6 a
Il fait noir, il fait froid, | car les dieux sont partis, 6+6 a
Emportant l'idéal | foyer et la lumière. 6+6 b
15 L'humanité s'endort | en pleurant, et la terre 6+6 b
Reste sourde aux profonds | sanglots de ses petits. 6+6 a
Dieu qu'on a descendu | des croix, dieux qu'on exile, 6+6 a
Ignorez-vous pourquoi, | d'un coeur débile, au soir, 6+6 b
Le poète, mauvais | jardinier, va s'asseoir 6+6 b
20 Et se croise les bras | devant le sol stérile ? 6+6 a
C'est que malgré la femme, | hélas ! On est trop seul. 6+6 a
Et l'orgueil souffle à l'homme | écrasé qui succombe : 6+6 b
« Prends le lit nuptial | pour mesurer ta tombe ; 6+6 b
Découpe, dans tes draps | de noces, ton linceul. 6+6 a
25 Tout est vain ; laisse là | le labeur et la lutte. 6+6 a
Rêve ; épuise ta vie | en baisers inféconds. 6+6 b
Regarde s'iriser | le vin dans les flacons. 6+6 b
Souris ; chante ta peine | en mineur sur la flûte. 6+6 a
Le conclave hideux | des péchés capitaux 6+6 a
30 Chuchote sous le dôme | altier du temple : écoute 6+6 b
Dans un bris de vitrail | craquer la clef de voûte 6+6 b
Et les piliers s'ouvrir | du sol aux chapiteaux. 6+6 a
L'hostie a déserté | son refuge de verre. 6+6 a
Sois athée, et regarde, | en face de la mort, 6+6 b
35 Les empires crouler | sous les sabots du sort 6+6 b
Et le temps aiguiser | sa faux sur le calvaire. » 6+6 a
Ainsi, sans l'espérance | éternelle, sans dieux, 6+6 a
L'humanité vieillie | et lasse des étreintes, 6+6 b
Avec des aboiements | d'épouvante et des plaintes, 6+6 b
40 Tourne en rond dans un champ | aride et ténébreux ; 6+6 a
Champ qui restera noir, | à moins qu'une foi fraîche, 6+6 a
Vive rosée, y trace | un chemin lumineux, 6+6 b
Ou que l'amour tombant | en étoiles des cieux, 6+6 b
Divine manne ardente, | embrase l'herbe sèche. 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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