Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GUE_1/GUE1
Charles GUÉRIN
Le Cœur Solitaire
1895
I
I
Ô mon ami, mon vieil | ami, mon seul ami, 6+6 a
D'entre tout ce passé | déjà mort à demi 6+6 a
Rappelle-toi nos soirs | de détresse commune, 6+6 b
L'été, dans un jardin | public baigné de lune. 6+6 b
5 Après avoir de rue | en rue longtemps erré, 6+6 a
Nous nous asseyions là, | le coeur désespéré, 6+6 a
Sous le feuillage noir | entouré de nuit claire. 6+6 b
Il faut croire, être bon, | sourire, admirer, plaire, 6+6 b
Aimer, soupiraient l'ombre | et l'eau, toutes les voix 6+6 a
10 Nocturnes, qui parlaient | et chantaient à la fois. 6+6 a
Il faut aimer, venez, | nous avons d'enlaçantes 6+6 b
Caresses, murmuraient | près de nous des passantes ; 6+6 b
Et la brise, à travers | les fleurs et les rameaux, 6+6 a
Faiblement répétait | encor les mêmes mots. 6+6 a
15 Il faut aimer, disaient | les bouches sur les bouches ; 6+6 b
Mais leurs tendres conseils | nous rendaient plus farouches, 6+6 b
Et nous restions crispés | par un orgueil pervers. 6+6 a
Un air léger glissait | sur nos yeux entr'ouverts, 6+6 a
La lune bleuissait | les bosquets immobiles, 6+6 b
20 Et, dans l'obscurité | des berceaux, les idylles 6+6 b
chuchotaient.
ô railleur, | nous aurions dû pleurer, 6+6 a
Nous laisser vivre enfin, | tressaillir, respirer 6+6 a
L'arôme sensuel | du foin coupé, des roses ; 6+6 b
Avec avidité | jouir de toutes choses, 6+6 b
25 Et répondre à la chair | qui nous cherchait ce soir. 6+6 a
Mais les coeurs trop subtils | savent mal s'émouvoir. 6+6 a
En regardant passer | les formes vaporeuses 6+6 b
Des amants suspendus | aux bras des amoureuses, 6+6 b
Nous ricanions, les poings | levés contre le ciel ; 6+6 a
30 Tu tendais à ma soif | des paroles de fiel, 6+6 a
Et j'offrais à ta faim | des mots pétris de cendre. 6+6 b
Ah ! Pourquoi donc toujours | en soi-même descendre ? 6+6 b
Pourquoi prétendre aller | au fond de ses douleurs 6+6 a
Ou saisir les raisons | de la grâce des fleurs ? 6+6 a
35 Pourquoi dans un creuset | jeter l'âme et le monde 6+6 b
Et dans l'être infini | laisser tomber la sonde ? 6+6 b
Nous n'aurions donc pas pu | sentir plus simplement, 6+6 a
Et, livrés sans pensée | au charme du moment, 6+6 a
Obéir au destin | qui veut parfois qu'on vive, 6+6 b
40 Pleins d'ivresse, en suivant | la nature naïve ? 6+6 b
Hélas ! Dans la langueur | de ces longs soirs d'été 6+6 a
Où tant d'amants depuis | l'éden ont sangloté, 6+6 a
Nos veines ne roulaient | qu'un sang libre de fièvres ; 6+6 b
Un dur orgueil scellait | le baiser sur nos lèvres 6+6 b
45 Et réprimait les pleurs | qui nous venaient aux yeux. 6+6 a
Au milieu des massifs | d'arbres mystérieux 6+6 a
Une pâle clarté | flottait sur les pelouses. 6+6 b
L'air était doux. Amants | et pensives épouses, 6+6 b
Tout être s'en allait | sur un autre penché. 6+6 a
50 Seuls, mon coeur solitaire | et ton coeur desséché, 6+6 a
Gorgés de désespoir, | d'amertume et de haine, 6+6 b
Reniaient cette nuit | si saintement humaine. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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