Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GRS_1/GRS6
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
AUX ALLEMANDS
Germains ! vous nous avez | vaincus,… C'est bien ! l'histoire 6+6 a
Vous doit, dans l'avenir, | un brevet de victoire, 6+6 a
Et vos petits-enfants, | buvant à vos succès, 6+6 b
Chanteront : « Nos aïeux | ont battu les Français ! » 6+6 b
5 Pourtant, ne soyez pas' |trop vains de nos défaites ! 6+6 a
La guerre à la machine, | et comme vous la faites, 6+6 a
N'a rien à démêler | avec les fiers exploits 6+6 b
Qui nous ont illustrés, | nous, les fils des Gaulois ! 6+6 b
Et comment voulez-vous | que nul les assimile ? 6+6 a
10 Vous étiez un million, | nous étions deux cent mille ; 6+6 a
Vous aviez des engins | terribles, un canon 6+6 b
Dont nous ignorions, nous, | l'existence et le nom. 6+6 b
Puis, vous aviez des chefs | dont la grande science 6+6 a
Est d'abîmer, de loin, | leur monde en conscience, 6+6 a
15 D'écraser de boulets | l'adversaire impuissant, 6+6 b
Le tout pour ménager | Votre précieux sang ! 6+6 b
Car vous n'entendez pas, | par ce grand mot de guerre, 6+6 a
Ce que le monde entier | y comprenait naguère : 6+6 a
Une lutte acharnée | et loyale, un duel 6+6 b
20 Où le désir de vaincre, | héroïque et cruel, 6+6 b
Fait deux bandes de loups | de deux grandes armées ; 6+6 a
Où toutes les fureurs | dans l'homme renfermées 6+6 a
Montent du fond de l'âme | et la poussent à bout, 6+6 b
Comme fait le limon | de l'eau quand elle bout ; 6+6 b
25 Où chacun, pâlissant | de rage, l’œil en flamme, 6+6 a
Présente sa poitrine | à la tranchante lame, 6+6 a
Prêt à donner la mort, | tout comme à la souffrir… 6+6 b
Car c'est là le dilemme : | ou tuer, ou périr ! 6+6 b
Non ! non ! vous n'avez pas, | pour l'héroïque orgie, 6+6 a
30 Dans votre fibre assez | de nerf et d'énergie ; 6+6 a
Dans vos veines le sang | coule trop lourdement 6+6 b
Pour s'élever jamais | à ce bouillonnement ! 6+6 b
La guerre, comme vous | la pratiquez, ressemble 6+6 a
A ces chasses de l'Inde | où, bien groupés ensemble, 6+6 a
35 Cent hommes bien armés, | à grand renfort de chiens 6+6 b
Qui hurlent de fureur | et mordent leurs liens, 6+6 b
Vont cerner avec art | le tigre en sa broussaille. 6+6 a
Et quand le monstre, au bruit, | de colère tressaille, 6+6 a
Bondit de son fourré, | devant leurs rangs s'abat, 6+6 b
40 Et, leur montrant les dents, | les défie au combat, 6+6 b
Au dos d'un éléphant | abritant son courage, 6+6 a
Le chasseur, à loisir, | raille sa vaine rage, 6+6 a
D'un coup bien dirigé | sur le sable l'étend, 6+6 b
Puis, retourne au logis, | car son dîner l'attend ! 6+6 b
45 Eh bien ! cette prudence | exquise et méritoire, 6+6 a
C'est la votre, ô Germains ! | Aussi, votre victoire 6+6 a
Peut en deux simples mots | se résumer fort bien : 6+6 b
Vous aviez tout pour vous… | et nous, nous n'avions rien ! 6+6 b
Nous n'avions rien !… Pourquoi, | ma France infortunée, 6+6 a
50 Confiais-tu, dis-moi, | ton sang, ta destinée 6+6 a
A des hommes sans âme, | et qui n'avaient pour eux 6+6 b
Que les illusions | de ton cœur généreux ? 6+6 b
Ton or et tes sueurs, | ils en faisaient litière ; 6+6 a
Et quand leur honte allait | être mise en lumière, 6+6 a
55 Ils ont fait choir sur toi | la foudre, froidement, 6+6 b
Pour cacher leurs larcins | sous ton écroulement ! 6+6 b
Ainsi, pour éviter | la peine légitime, 6+6 a
L'assassin met en feu | le toit de sa victime, 6+6 a
Croyant anéantir | dans l'immense brasier, 6+6 b
60 Avec le corps raidi, | son crime tout entier ! 6+6 b
Oui ! n'est-ce pas, Germains ! | que la France trahie, 6+6 a
Et par vos bataillons | jusqu'au cœur envahie, 6+6 a
Après ces coups mortels : | Froeschwiller et Sedan, 6+6 b
Vous semblait tout de bon | perdue ! Et cependant 6+6 b
65 Elle n'oublia pas | qu'elle avait nom : la France ! 6+6 a
Que, son écrasement | fût-il sans espérance, 6+6 a
Chassant bien loin la crainte | au conseil suborneur, 6+6 b
Elle devait combattre | et mourir pour l'honneur ! 6+6 b
C'est alors que sa voix, | sa grande voix sacrée 6+6 a
70 Poussa cette clameur | âpre et désespérée : 6+6 a
« On m'égorge ! Au secours, | mes enfants ! ou je meurs ! » 6+6 b
Alors on entendit | de confuses rumeurs, 6+6 b
Comme un sourd bruit d'acier | sortir de dessous terre ; 6+6 a
Le vent d'automne avait | un accent militaire ; 6+6 a
75 Les champs semblaient s'ouvrir | d'eux-mêmes ; leurs sillons, 6+6 b
Au lieu d'épis dorés, | portaient des bataillons ! 6+6 b
Honorez-les, Germains ! | même dans leur misère, 6+6 a
Ces enfants accourus | du Rhône et de l'Isère, 6+6 a
Du Rhin déjà conquis, | de la Moselle en deuil, 6+6 b
80 De partout ! Les voilà | rangés en un clin d’œil, 6+6 b
Ayant pour tout bagage | et pour toute science 6+6 a
Leurs braves cœurs, avec | leur inexpérience ! 6+6 a
Hélas ! pauvres enfants ! | sous leurs maigres haillons, 6+6 b
Le vent zébrait leur peau | de bleuâtres sillons ; 6+6 b
85 Leurs pieds endoloris, | à travers leur chaussure, 6+6 a
Des glaces, des cailloux | ressentaient la morsure ; 6+6 a
La viande leur manquait | toujours ; le pain, souvent ; 6+6 b
Sur le lieu du bivouac, | le soir, en arrivant, 6+6 b
L'arbre chargé de neige, | et que la bise agite. 6+6 a
90 Leur offrait ses rameaux | dépouillés pour tout gîte ; 6+6 a
Et la plupart d'entre eux, | pour la première fois, 6+6 b
Se sentaient un fusil | en main !… Et toutefois, 6+6 b
Vous, solides Germains | à la haute stature, 6+6 a
Chargés de vêtements, | gorgés de nourriture, 6+6 a
95 Contre les froids d'hiver | munis' de chauds abris, 6+6 b
Aux fatigues des camps | dès longtemps aguerris, 6+6 b
Il vous fallut six mois | de luttes, de constance, 6+6 a
Pour lasser, à la fin, | leur fière résistance ; 6+6 a
Et l'on sait que vingt fois | vos brillants bataillons 6+6 b
100 Reculèrent devant | ces enfants en haillons ! 6+6 b
Ah ! si votre pays | eût connu la souffrance, 6+6 a
Les désastres sanglants | qui frappèrent la France, 6+6 a
Dites-moi : l'auriez-vous | aussi bien défendu ? 6+6 b
Auriez-vous… mais l'histoire | a déjà répondu ! 6+6 b
105 Et maintenant, allez | sur votre territoire 6+6 a
Parmi les brocs fumeux | chanter votre victoire ; 6+6 a
C'est un beau jour pour vous ; | mais j'en lève la main 6+6 b
Ce jour fameux n'aura | jamais de lendemain ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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