Métrique en Ligne
GRS_1/GRS27
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
LE LION BLESSÉ
Il ne rugit donc plus, le vieux lion de France ! 6+6 a
Aux lieux où sa voix a tonné, 8 b
Ce grand silence tient les peuples, dans la transe ; 6+6 a
L'écho muet songe, étonné ! 8 b
5 Et, demandant d'où vient ce calme redoutable, 6+6 a
Tous se disent, irrésolus : 8 b
« Comment donc se taît-il, lui, le fort, l'indomptable ? 6+6 a
Est-il mort ?… » Non ! ne cherchez plus ! 8 b
Son âme de lion n'a pas quitté la terre ; 6+6 a
10 Mais dans sa caverne,, là-bas, 8 b
Il se repose enfin, farouche solitaire, 6+6 a
De ses effroyables combats ! 8 b
L'autre jour, il dormait sous son roc séculaire, 6+6 a
Au fond d'un épineux fourré, 8 b
15 Quand tout à coup, des cris d'injure et de colère 6+6 a
Jusqu'à son antre ont pénétré. 8 b
Il se leva d'un bond, frémissant sous l'outrage 6+6 a
Sa peau, de frissons se tordit ; 8 b
Son œil phosphorescent se dilata de rage ; 6+6 a
20 Un rouge éclair y resplendit ! 8 b
Il secoua dans l'air sa crinière enflammée, 6+6 a
Sauvage et splendide ornement ; 8 b
Sa gueule immense, avec un torrent de fumée, 6+6 a
Vomit un sourd rugissement ! 8 b
25 Tout à coup, il bondit. Les broussailles, les branches 6+6 a
Sous lui craquaient, se fracassant ; 8 b
Il arrachait aux troncs leur écorce par tranches 6+6 a
Avec son ongle tout-puissant, 8 b
Et ses dents y' gravaient leur trace meurtrière. 6+6 a
30 Ah ! comme, entendant .s'approcher 8 b
Son pas lourd, les chasseurs détalent en arrière ! 6+6 a
Comme ils cherchent quelque rocher 8 b
Où, derrière le bloc qu'il a marqué d'avance 6+6 a
Chacun d'eux se poste à l'abri ! 8 b
35 Cependant le lion, tout frémissant, s'avance ; 6+6 a
Et là, sous le bois assombri, 8 b
Tournant aux alentours sa jaunâtre prunelle, 6+6 a
Il découvre les insulteurs 8 b
Derrière, leurs abris, debout, en sentinelle, 6+6 a
40 Avec leurs engins destructeurs. 8 b
Et le fauve, déjà, s'apprête aux sombres luttes ; 6+6 a
Et sa queue, autour de ses flancs, 8 b
Un moment tranche l'air d'orageuses volutes, 6+6 a
Puis, les fouette de coups sifflants. 8 b
45 Puis, bientôt, de son ventre effleurant la poussière, 6+6 a
Courbé' sur ses jarrets d'acier, 8 b
Il cherche la victime à broyer la première 6+6 a
Sous son terrible râtelier. 8 b
Et voilà qu'il bondit, grondant, contre la roche, 6+6 a
50 De ses bras musculeux l'étreint, 8 b
A ses aspérités, à ses angles s'accroche, 6+6 a
Y plonge ses ongles d'airain 8 b
Et déjà d'escalade, écumant de colère ! 6+6 a
Tout à coup, au fond du fourré, 8 b
55 D'une rouge lueur l'ombre noire s'éclaire ; 6+6 a
De cent coups l'air est déchiré. 8 b
Sous la grêle de fer le grand fauve tressaille ; 6+6 a
L'orage qui sur lui s'abat 8 b
Le jette, au bas du roc, dans l'aride broussaille, 6+6 a
60 Sanglant, niais non hors de combat ! 8 b
Car il s'est redressé sur sa couche de ronce ; 6+6 a
Sur l'ennemi plongent, ardents, 8 b
Ses yeux jaunes ; son front de colère se fronce ; 6+6 a
Ses lèvres découvrent ses dents. 8 b
65 Et pour lui, cependant, nulle chance propice : 6+6 a
Ils sont là, bien postés, nombreux ! 8 b
Comment résister seul, du fond du précipice, 6+6 a
A ses bourreaux ligués entre eux ? 8 b
Comment résister seul à l'effroyable orage 6+6 a
70 De leurs maudits engins, de fer ! 8 b
Lui, pauvre ! pour toute arme il n'a que son courage, 6+6 a
Ses dents et ses ongles de fer ! 8 b
Mais quand on est lion, mais quand, dans sa poitrine, 6+6 a
On a le fier rugissement, 8 b
75 Et l'haleine de feu sortant de la narine ; 6+6 a
Mais quand on a si vaillamment 8 b
Livré, par le désert, mainte sombre bataille 6+6 a
Aux fauves des monts et des bois, 8 b
Sans rencontrer jamais d'adversaire à sa taille, 6+6 a
80 Peut-on ainsi fuir, aux abois ? 8 b
Non pas ! on a son nom glorieux à défendre ! 6+6 a
Et dut sous leurs balles d'acier 8 b
La peau roussir, la Chair saigner, les os se fendre, 6+6 a
Qui donc voudrait s'en soucier ! 8 b
85 A l'assaut ! — Le voilà, soudain, qui recommence 6+6 a
A bondir contre leurs abris ; 8 b
Et ce fut, quelque temps, un sabbat en démence 6+6 a
D'éclairs, d'explosions, de cris, 8 b
De bonds désespérés, d'attaques toujours vaines ! 6+6 a
90 Enfin, son jarret languissant 8 b
Mollit et se refuse à l'effort ; de ses veines 6+6 a
S'échappent des ruisseaux de sang. 8 b
Et ses yeux égarés, nageant dans le vertige, 6+6 a
Voient danser en un vaste rond 8 b
95 Les arbres du fourré vacillant sur leur tige ; 6+6 a
Son cerveau tourne dans son front ! 8 b
Pourquoi lutter encor sans but, sans espérance ? 6+6 a
Il est plus faible à chaque effort ! 8 b
Il doit se résigner, ô mortelle souffrance ! 6+6 a
100 A fuir, à regagner son fort ! 8 b
Voyez-le, ce vaillant ! accablé sous le nombre, 6+6 a
Voyez-le, honteux, reculant ! 8 b
Du lion d'autrefois il n'est qu'une vaine ombre ; 6+6 a
Et pourtant, que son pas est lent ! 8 b
105 Comme sa noble tête, énergique ; irritée, 6+6 a
Parfois se retourne en grondant ! 8 b
Comme on sent que, chez lui, la chair seule est domptée, 6+6 a
Mais le cœur, toujours fier, ardent ! 8 b
Chaque fois qu'en arrière il retourne la face, 6+6 a
110 Regardez comme le chasseur, 8 b
Au front duquel, soudain, le triomphe s'efface, 6+6 a
Des fourrés cherche l'épaisseur !… 8 b
Maintenant, le voilà rentré dans sa tanière ; 6+6 a
Sous la roche il gît étendu ; 8 b
115 Et le poil hérissé de sa jaune crinière 6+6 a
Sur le sable s'est répandu. 8 b
Sa peau, de mille trous, comme un crible est percée ; 6+6 a
Il en suinte, un flot rougissant 8 b
Qui va, le long du. corps, sur la terre gercée 6+6 a
120 S'étaler en mare de sang ! 8 b
Ses yeux couleur de feu, cachés sous leurs paupières, 6+6 a
Semblent ceux d'un mort au tombeau ; 8 b
Ses griffes de devant, qu'arrachèrent les pierres, 6+6 a
Pendent en informe lambeau ; 8 b
125 Et, spectacle hideux ! l'un des pieds de derrière, 6+6 a
Par une balle fracassé, 8 b
Comme un chiffon sanglant traîne sur la poussière !… 6+6 a
Et pourtant, rompu, harassé, 8 b
Si les cris du chasseur, acharné sur sa proie, 6+6 a
130 Si de ses pas le faible bruit, 8 b
Celui d'un rameau sec que son pied ferré, broie 6+6 a
Vient le troubler là, dans sa nuit, 8 b
Il dresse encor sa tête alanguie et chagrine ; 6+6 a
Un éclair jaillit de ses yeux ; 8 b
135 Un rugissement part du fond de sa poitrine 6+6 a
Et fait trembler l'audacieux ! 8 b
Puis il lèche le sang qui sort de ses. blessures, 6+6 a
Parfois crispé par un frisson, 8 b
Quand sa langue râpante, aux piquantes morsures, 6+6 a
140 Dés coups ravive la cuisson. 8 b
Puis il reste immobile ; et sa fauve prunelle 6+6 a
Dans les ombres, fixe, reluit : 8 b
C'est qu'il songe, sans doute, à l'heure solennelle 6+6 a
Où doit venir son tour, à lui !… 8 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
forme globale type : suite de strophes
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