Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GRS_1/GRS23
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
MES CHEVEUX GRIS
Quand le Prussien, ravi d'infliger une offense, 6+6 a
De Strasbourg tout saignant ordonna mon départ, 6+6 b
Je me souvins, alors, qu'il était quelque part, 6+6 b
Dans les Vosges, un lieu berceau de mon enfance. 6+6 a
5 Je résolus d'aller me retremper le cœur 6+6 a
Dans l'air vivifiant de la terre natale, 6+6 b
Et de l'Alsace, enfin, quittai la capitale, 6+6 b
Où mille adieux touchants m'escortèrent en chœur ! 6+6 a
Bientôt, j'étais au but ; mais là, quelle surprise ! 6+6 a
10 Et comme, en me voyant, tous reculaient d'un pas ! 6+6 b
Mais non ! mes bons amis ; vous ne vous trompez pas : 6+6 b
C'est bien moi, toujours moi, malgré ma tête grise ! 6+6 a
Oui ! pendant ces huit mois mes cheveux ont blanchi, 6+6 a
Et ressemblent assez à vos chaumes arides ; 6+6 b
15 Mon front est sillonné par de précoces rides ; 6+6 b
Mon corps, sous la douleur, avant l'âge a fléchi ! 6+6 a
Mais ma douleur, du moins, ne tient pas, je le jure, 6+6 a
De ces vulgaires peurs, de ces lâches regrets, 6+6 b
Qu'éveillent le péril ou de vils intérêts : 6+6 b
20 De le croire, jamais, ne me faites l'injure ! 6+6 a
Non ! captif volontaire en leurs murs belliqueux, 6+6 a
J'adoptai le destin de mes frères d'Alsace, 6+6 b
Prêt, si mon toit brûlait, à prendre la besace, 6+6 b
Et, s'il fallait mourir, à mourir avec eux ! 6+6 a
25 Ainsi donc, si la fleur de ma chair s'est flétrie, 6+6 a
Amis, épargnez-moi le sourire moqueur : 6+6 b
Les douleurs de la France en sont cause ; et mon cœur 6+6 b
N'a souffert d'autres maux que ceux de la patrie ! 6+6 a
Eh bien ! le croirez-vous ? malgré moi je suis fier, 6+6 a
30 (Et tout vrai cœur français le serait à ma place), 6+6 b
Quand je vois, au reflet de ma petite glace, 6+6 b
Mes cheveux grisonnants, si bruns encore hier ! 6+6 a
Ces débris, du passé traces révélatrices, 6+6 a
Avec ceux d'un vieux brave ont de secrets accords : 6+6 b
35 Par l'âme j'ai souffert comme lui par le corps, 6+6 b
Et mon crâne argen vaut bien ses cicatrices ! 6+6 a
Aussi, je n'envierai jamais aux. jeunes gens 6+6 a
L'éblouissant éclat de leurs belles années ; 6+6 b
Et je me targue plus de mes mèches.faes, 6+6 b
40 Qu'eux de leurs cheveux noirs aux vifs reflets changeants ! 6+6 a
Je me dis qu'en portant ainsi dans sa personne 6+6 a
Le deuil de la patrie, on peut s'enorgueillir, 6+6 b
Et qu'il est beau d'avoir commencé de vieillir 6+6 b
Le jour où, du malheur, pour elle l'heure sonne ! 6+6 a
45 Pour transmettre mon nom à nos derniers neveux, 6+6 a
Je ne demande pas d'épitaphe plus fière. 6+6 b
Oui ! quand je serai mort, qu'on grave sur ma pierre : 6+6 b
« Les douleurs delà France ont blanchi ses cheveux ! » 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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