Métrique en Ligne
GRS_1/GRS11
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
LE VAMPIRE
Or, je vis une femme en sa couche étendue 6+6 a
La chambre était splendide ; aux lambris appendue 6+6 a
Flottait une tenture épaisse de brocard, 6+6 b
Où mille franges d'or s'enlaçaient avec art. 6+6 b
5 Les meubles étalaient une magnificence 6+6 a
Qui révélait aux yeux et richesse et puissance ; 6+6 a
Mais tout ce luxe était flétri, rompu, souillé, 6+6 b
Comme si les voleurs l'avaient déjà pillé. 6+6 b
Une lampe, brûlant sous un globe d'opale, 6+6 a
10 Versait aux alentours sa lueur faible et pâle ; 6+6 a
Sur la scène planait un silence de mort, 6+6 b
Ce silence absolu qui vous serre et vous mord ! 6+6 b
Et je voyais la femme en sa couche étendue. 6+6 a
Sa chevelure d'or, au hasard répandue, 6+6 a
15 Déroulait ses anneaux fauves sur l'oreiller, 6+6 b
Et jusque sur les draps allait s'éparpiller. 6+6 b
A la rigidité de sa face glacée, 6+6 a
Sans peine on aurait pu la croire trépassée ; 6+6 a
Et puis, la plaie ouverte à la gauche du sein 6+6 b
20 Dénonçait hautement l'arme de l'assassin. 6+6 b
Mais le souffle léger qui gonflait sa poitrine 6+6 a
Et faisait palpiter l'aile de sa narine, 6+6 a
Dans sa froide pâleur je ne sais quel éclat, 6+6 b
Attestaient que la vie était encore là ! 6+6 b
25 Et cette femme avait une beauté de reine ; 6+6 a
Sur son front pur, un air de grandeur souveraine, 6+6 a
Une franche bonté, semblaient lutter entre eux, 6+6 b
Signes d'un noble cœur, vaillant et généreux. 6+6 b
Mais, entre les sourcils, la peau s'était plissée 6+6 a
30 Sous l'effort continu d'une sombre pensée ; 6+6 a
Et les sillons creusés sous les yeux par les pleurs 6+6 b
Disaient éloquemment un passé de douleurs ! 6+6 b
Tout à coup, dans la chambre obscure, sépulcrale, 6+6 a
Et derrière le lit où cette femme râle, 6+6 a
35 Je vis surgir un spectre odieux, repoussant 6+6 b
Et sa vue, en mon corps, faisait figer le sang ! 6+6 b
Un poil roux, tout autour de sa face puissante, 6+6 a
Formait une auréole étrange, incandescente ; 6+6 a
Et ses yeux verts lançaient le farouche regard 6+6 b
40 Que sur l'agneau mourant lance le loup hagard ! 6+6 b
On voyait resplendir sur sa bouche lippue 6+6 a
La sensualité qui n'est jamais repue ; 6+6 a
Son teint couleur de brique, et de sang injecté, 6+6 b
Disait la convoitise et la voracité ! 6+6 b
45 Et ses yeux verts couvaient la femme agonisante. 6+6 a
Et voilà : tout à coup, sa bouche reluisante 6+6 a
Par un hideux rictus toute grande s'ouvrit ; 6+6 b
Et, comme doit sourire un démon, il sourit ! 6+6 b
Ce rictus découvrit de longues dents d'hyène 6+6 a
50 Flairant par ses barreaux la chair quotidienne ; 6+6 a
Et, sur son râtelier passant et repassant, 6+6 b
Sa langue dégustait, par avance, le sang ! 6+6 b
Et voilà que soudain il fondit sur sa proie. 6+6 a
De son muffle béant, la hideuse lamproie 6+6 a
55 Quelques instants chercha la place, près du cou, 6+6 b
Par où le sang du corps s'échappe d'un seul coup. 6+6 b
Mais son regard s'allume : il a trouvé l'artère ! 6+6 a
On entend trépigner ses deux pieds sur la terre ; 6+6 a
Il prend à belles dents la peau, déchire, mord, 6+6 b
60 Et se rue, en suçant, à son banquet de mort ! 6+6 b
Et la femme sembla ressentir la blessure, 6+6 a
Car elle s'agitait sous l'atroce morsure ; 6+6 a
Mais elle était si faible, en son épuisement, 6+6 b
Que son corps retomba, bientôt, sans mouvement ! 6+6 b
65 De pâle qu'elle était, elle devint livide ! 6+6 a
Lui, se dressait parfois, et, d'une langue avide, 6+6 a
Léchait avec un air d'ignoble volupté 6+6 b
Quelque grumeau de sang dans sa barbe arrêté. 6+6 b
Ensuite, il reprenait sa tâche interrompue ; 6+6 a
70 Et l'aspiration de sa bouche lippue 6+6 a
Produisait dans la nuit un petit sifflement, 6+6 b
Comme un enfant qui rêve, et qui tette en dormant ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite périodique
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