Métrique en Ligne
GRS_1/GRS10
corpus Pamela Puntel
Charles GRANDSARD
L'ANNÉE MAUDITE
1870-1871
1871
LE DÉPART
Le soleil descendait sous les Vosges lointaines, 6+6 a
Et ses reflets mourants, de rougeurs incertaines, 6+6 a
Doraient le grand Strasbourg, 6 b
Quand la locomotive à l'haleine de flamme 6+6 c
5 M'entraîna bruyamment, triste et la mort dans l'âme, 6+6 c
Loin du dernier faubourg. 6 b
De son Dôme, pourtant, la gigantesque flèche, 6+6 a
Comme un léviathan qui se dresse, et qui lèche 6+6 a
Le pâle azur des cieux, 6 b
10 M'apparaissait encore au fond du crépuscule, 6+6 c
Spectre qui vous poursuit, et, plus on s'en recule, 6+6 c
Plus il grandit aux yeux ! 6 b
Puis, de sa pointe aiguë à ses larges assises, 6+6 a
L'impassible colosse aux formes indécises 6+6 a
15 Se fondit lentement ; 6 b
Il n'en resta bientôt qu'un point noir dans l'espace ; 6+6 c
Puis il s'évanouit, comme un rêve qui passe, 6+6 c
Au fond du firmament ! 6 b
Les Vosges, au couchant, dessinaient leurs arêtes, 6+6 a
20 Et les vieux burgs perchés sur leurs massives crêtes, 6+6 a
Dans le pâle reflet ; 6 b
Et ma vue y restait sans relâche attirée, 6+6 c
Comme au dernier lambeau de la chère contrée 6+6 c
D'où le sort m'exilait ! 6 b
25 Tout à coup, la machine, en sa course puissante, 6+6 a
Atteignit les vieux monts, s'engouffra, rugissante, 6+6 a
Sous le sombre tunnel ; 6 b
Ainsi donc, la sentence était bien consommée ! 6+6 c
Je quittais sans retour la terre bien-aimée 6+6 c
30 Adieu morne, éternel ! 6 b
Et des regrets, alors, je vidai le calice ; 6+6 a
Mes souvenirs lointains, doux et triste délice, 6+6 a
M'étaient tous revenus ; 6 b
Et j'évoquais en moi ma cité chère et sainte, 6+6 c
35 Les grands cœurs qui battaient dans sa vaillante enceinte 6+6 c
Et que j'avais connus ! 6 b
Tout un monde enfoui d'images, de pensées, 6+6 a
De l'abîme des temps me remontaient, pressées, 6+6 a
Comme pour me navrer : 6 b
40 Instants doux ou cruels, jours de paix ou d'alarmes ! 6+6 c
Et je bénis la nuit qui dérobait mes larmes ; 6+6 c
Du moins, je pus pleurer ! 6 b
Puis, le train s'arrêta : j'étais à la frontière. 6+6 a
La frontière ! à ce mot, mon âme tout entière 6+6 a
45 Frémit et se troubla, 6 b
Car ce lieu fut jadis en plein cœur de la France. 6+6 c
Ainsi, sa plaie horrible, ô mortelle souffrance ! 6+6 c
Toute vive, était là ! 6 b
Et je crus voir l'image en deuil de la patrie ; 6+6 a
50 Redemandant sa chair, son Alsace meurtrie : 6+6 a
Vœux, hélas ! superflus ! 6 b
Ainsi Rachel pleurait ses fils dans la vallée ; 6+6 c
Elle ne voulait pas en être consolée, 6+6 c
Parce qu'ils n'étaient plus ! 6 b
55 Nous, du moins, qui restons aux bras de notre mère, 6+6 a
En plaignant ses douleurs, plaignons l'angoisse amère 6+6 a
De son enfant volé ! 6 b
Sachons bien qu'elle n'a pas un fils plus fidèle, 6+6 c
Pas un qui se soit vu, jamais, séparé d'elle 6+6 c
60 D'un cœur plus désolé ! 6 b
Oui ! nous avons perdu de bons et nobles frères, 6+6 a
Qui nous ont plus aimés dans nos destins contraires, 6+6 a
Bien loin de nous trahir ! 6 b
Oui ! dans nos rangs, Français ! il s'est fait un grand vide ! 6+6 c
65 Serrons-nous donc : la Mort cherche d'un œil avide 6+6 c
Par où nous envahir ! 6 b
Que fait-on, quand s'en va le fils de la famille ? 6+6 a
Quand il a disparu derrière la charmille, 6+6 a
Au plus prochain détour, 6 b
70 Près du foyer désert, alors, on se rassemble ; 6+6 c
En se prenant les mains longtemps on pleure ensemble ; 6+6 c
Puis, on songe au retour ! 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 12(aabccb)
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