Métrique en Ligne
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C = clitique
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F = "e" féminin
| = césure
GLA_1/GLA19
Albert GLATIGNY
Le Fer rouge
1870
XIX
CEUX QUI RESTENT
Approchez-vous. Ceci c’est le tas des dévots.
Victor Hugo, Châtiments.
I
Les hauteurs du ciel pur et clair 8 a
Sont lugubrement enfumées ; 8 b
La marseillaise embrase l'air, 8 a
Comme au temps des quatorze armées ; 8 b
5 Sa voix dit : « l'Étranger est là ! » 8 a
Et voici que la France entière, 8 b
À cette voix qui l'appela, 8 a
Court purifier la frontière. 8 b
Au premier et vibrant appel, 8 a
10 L'étudiant quitte son livre, 8 b
L'étude austère, le scalpel ; 8 a
Le pays veut qu'on le délivre ! 8 b
L'ouvrier railleur qui chantait 8 a
Comme un moineau franc à l'aurore, 8 b
15 A senti son cœur qui battait 8 a
Au rhythme du tambour sonore. 8 b
Aujourd'hui nul recul bâtard, 8 a
La campagne est avec la rue ; 8 b
Le sillon s'ouvrira plus tard 8 a
20 Aux morsures de la charrue. 8 b
Adieu, famille ! Adieu, foyer ! 8 a
Ardents, pleins d'une mâle joie, 8 b
Ils vont où l'on voit flamboyer 8 a
Les yeux du noir oiseau de proie. 8 b
25 Ils portent tous au front le sceau 8 a
Des vaillants sans peur ni reproche ; 8 b
Ils ont ta jeunesse, ô Marceau ! 8 a
Ils ont le dévoûment de Hoche ! 8 b
Ceux que l'on croyait engloutis 8 a
30 Dans l'imbécillité des filles, 8 b
Criant : « Liberté ! » sont partis 8 a
Avec les preneurs de bastilles. 8 b
On voit, plein de fraternité, 8 a
L'habit marcher avec la blouse, 8 b
35 Sous ta lumineuse clarté, 8 a
Ô soleil de quatre-vingt-douze ! 8 b
Rangs confondus, tous citoyens, 8 a
Un cœur pour tous, rien qu'une fibre, 8 b
Qu'une voix pour dire aux anciens : 8 a
40 « Nous vous rendrons votre sol libre ! » 8 b
II
Regardez ces maisons hautes, aux sombres murs, 6+6 a
Si calmes au milieu du fracas des tonnerres, 6+6 b
Pleines de beaux jardins où pendent des fruits mûrs, 6+6 a
Tout est silencieux : ce sont les séminaires. 6+6 b
45 Là, pendant que la femme, acceptant le devoir, 6+6 a
Reste au logis pleurant, attendant des nouvelles, 6+6 b
Et fait de la charpie, et regarde sans voir 6+6 a
Le pavé qu'en volant rasent les hirondelles ; 6+6 b
Pendant que le vieillard dit à l'enfant : « Grandis ! » 6+6 a
50 Et lui conte comment jadis les volontaires 6+6 b
Entraient, tambour battant, chez les rois interdits, 6+6 a
En sabots, et brisaient les jougs héréditaires ; 6+6 b
Oui, pendant que brisés et mordant leurs chevets, 6+6 a
Les malades, songeant à la sainte patrie, 6+6 b
55 Disent en agitant leurs bras : « Si je pouvais ! » 6+6 a
Et retombent vaincus sur leur couche meurtrie ; 6+6 b
Quand le glas du tocsin emplit l'air frissonnant, 6+6 a
Quand la France à nos cœurs jette le cri d'alarme ; 6+6 b
Pour chasser l'ennemi trop vite rayonnant, 6+6 a
60 Quand on se sert partout de n'importe quelle arme ; 6+6 b
Derrière ces grands murs, roses, gaillards, dispos, 6+6 a
Des hommes de vingt ans, vêtus de robes noires, 6+6 b
Reprennent doucement de ravissants propos 6+6 a
Interrompus pendant l'heure des offertoires. 6+6 b
65 Oh ! Les chastes discours ! « Dimanche, Monseigneur 6+6 a
Officiait avec d'admirables dentelles. 6+6 b
— Il dîne ici jeudi. — Vraiment ! — Ah ! Quel honneur ! » 6+6 a
C'est comme un gazouillis de jeunes demoiselles. 6+6 b
Leur oreille est fermée aux clameurs du dehors. 6+6 a
70 On leur crie au secours : ils chantent des cantiques. 6+6 b
On meurt à leurs côtés : ils restent, sages, forts, 6+6 a
Cloîtrés dévotement dans leurs ardeurs mystiques. 6+6 b
Ils n'ont donc pas de cœur, ils n'ont donc pas de sang, 6+6 a
Ces êtres patelins aux figures placides, 6+6 b
75 Et la dévotion, cet agent tout-puissant, 6+6 a
Les a donc tous fondus en ses mielleux acides ! 6+6 b
Le seigneur leur défend d'ensanglanter leurs mains, 6+6 a
Disent-ils, en baissant les yeux vers les guipures 6+6 b
De leur surplis. Ô vous ! Martyrs des droits romains, 6+6 a
80 Croient-ils que Mentana leur fasse les mains pures ? 6+6 b
Ils ont horreur du sang ! Pourquoi donc, quand il faut 6+6 a
Protéger les chiffons dont leur orgueil s'affuble, 6+6 b
Les temples, les trésors qu'ils gardent en dépôt, 6+6 a
Leur dais et son panache et leur lourde chasuble, 6+6 b
85 Sont-ils donc les premiers à crier : « Guerre ! Mort ! » 6+6 a
Ils ont horreur du sang qui coule de leurs veines, 6+6 b
Mais font verser celui des autres sans remord, 6+6 a
Ô bûcher de Jean Huss ! Ô gorges des Cévennes ! 6+6 b
Quoi donc ! Ils resteront priant, croisant les bras, 6+6 a
90 Sans vouloir secouer leur torpeur animale ! 6+6 b
Tartufe ne saurait imiter, n'est-ce pas ? 6+6 a
L'exemple fier donné par l'école normale. 6+6 b
Restez donc, prolongez vos pieux nonchaloirs, 6+6 a
Capucins, cordeliers, jésuites, lazaristes ! 6+6 b
95 Qu'on puisse voir mêlés les uniformes noirs 6+6 a
Des agents de police et des séminaristes. 6+6 b
Et plus tard, n'est-ce pas ? Quand nos loyaux enfants, 6+6 a
Ayant fait devant eux évanouir la horde 6+6 b
Des esclaves du nord, reviendront triomphants, 6+6 a
100 Ramenant parmi nous l'éternelle concorde, 6+6 b
Ô fuyards de la lutte ! ô fuyards du forum ! 6+6 a
Dans votre église alors, superbe de lumières, 6+6 b
Vous direz, en chantant un hardi te deum : 6+6 a
« Si vous avez vaincu, c'est grâce à nos prières ! » 6+6 b
mètre profils métriques : 8, 6+6
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