Métrique en Ligne
GLA_1/GLA17
Albert GLATIGNY
Le Fer rouge
1870
XVII
À L'ÎLE DE JERSEY
Île charmante et douce, ô Jersey ! Qu'en dis-tu ? 6+6 a
Voilà vingt ans, ton port par les vagues battu, 6+6 a
Accueillait des proscrits qui t'arrivaient de France. 6+6 b
Leurs fronts plissés mais non courbés par la souffrance, 6+6 b
5 Convenaient aux soldats de notre liberté. 6+6 a
Ils ne t'abusaient pas. Leur fière pauvreté 6+6 a
Demandait au travail de payer ton asile. 6+6 b
À ces vaillants, la vie ardue et difficile, 6+6 b
La lutte sous le ciel et l'exemple donné ! 6+6 a
10 Beaucoup sont morts avant, hélas ! Que n'ait sonné 6+6 a
L'heure de la justice au cadran redoutable. 6+6 b
Tels qu'un troupeau de bœufs ayant perdu l'étable, 6+6 b
Voici d'autres proscrits maintenant, mais ceux-là, 6+6 a
Hormis leur lâcheté, rien ne les exila ; 6+6 a
15 Ceux-là sont des fuyards, des filous, des escarpes, 6+6 b
Des maires dont la boue a souillé les écharpes, 6+6 b
De vils banqueroutiers esquivés nuitamment, 6+6 a
Que l'extradition réclame. Sottement, 6+6 a
Ils se sont dénoncés eux-mêmes par leur fuite. 6+6 b
20 Ce sont les proscripteurs d'autrefois et leur suite ! 6+6 b
Ô Jersey ! N'est-ce pas fait pour te bafouer ? 6+6 a
Où vinrent des martyrs, voir débarquer Rouher ; 6+6 a
Après Victor Hugo divinisant ta roche, 6+6 b
Voir pousser le bedon risible de Baroche ; 6+6 b
25 Voir Lebœuf, voir Drouin De Lhuys, voir ces valets 6+6 a
Dont pas un n'a payé même les faux mollets 6+6 a
Qu'il mettait pour aller aux bals des tuileries ! 6+6 b
Sans doute, composant leurs mines attendries, 6+6 b
Ils te diront qu'ils sont ruinés, malheureux, 6+6 a
30 Que l'échafaud était déjà dressé pour eux, 6+6 a
Et qu'on les poursuivait, et qu'on voulait leur tête ! 6+6 b
Ne les écoute pas. Ils mentent. La tempête 6+6 b
Peut-elle s'attaquer à de pareils goujats ? 6+6 a
C'est par le mépris seul que tu les replongeas, 6+6 a
35 Ô France ! Dans leur ombre et leurs louches ténèbres. 6+6 b
Tacher tes mains du sang de ces gredins funèbres, 6+6 b
Lever le fer des lois pour abattre un goret, 6+6 a
La tête de Baroche à prix ! On en rirait. 6+6 a
Pourquoi tuer Baroche, ô dieux ! La guillotine 6+6 b
40 Hésiterait devant ce tas de gélatine 6+6 b
Que Napoléon Trois avait fait sénateur ! 6+6 a
Mais ces gâteux tombés de toute la hauteur 6+6 a
De leur chaise-percée, ont l'amour-propre encore 6+6 b
D'être furieux si le peuple les ignore, 6+6 b
45 Et tout en se tenant prudemment à l'abri, 6+6 a
Ils aimeraient à voir l'horizon assombri 6+6 a
Les menacer, de loin, d'un tout petit nuage 6+6 b
Modestement chargé de foudres de louage ; 6+6 b
Cela les poserait auprès de leur portier ; 6+6 a
50 « Oh ! Pauvres gens ! « diraient les bonnes du quartier. 6+6 a
Non, le silence froid et digne des commères 6+6 b
Doit faire évanouir ces frivoles chimères. 6+6 b
On ne les plaindra pas ces sacs à millions, 6+6 a
Ajaxs en qui Daumier voit des tabellions 6+6 a
55 De village, échappés vivants des funambules, 6+6 b
Proscrits dont la patrie était les vestibules 6+6 b
De la chambre à coucher du héros de Sedan ; 6+6 a
Ils doivent tous aller où les neiges d'antan, 6+6 a
Où les pantins vidés, l'eau sale des cuisines ! 6+6 b
60 Mais pourtant, ô Jersey ! Si poussant des racines 6+6 b
Dans ton sol généreux, ces hideux champignons 6+6 a
Osent parler d'honneur et font les compagnons, 6+6 a
Conduis-les brusquement devant le cimetière 6+6 b
Où ceux qui n'ont jamais courbé leur tête altière 6+6 b
65 Sont morts pour la justice et pour le droit sacré ; 6+6 a
Entr'ouvre un seul instant le tombeau vénéré, 6+6 a
Et poussant de la main ces ombres solennelles, 6+6 b
Confronte-les avec tous ces polichinelles ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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