Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GIL_1/GIL7
Charles GILL
Le Cap Éternité
1919
LE CAP ÉTERNITÉ
Chant VI
Aurore
Règne en paix sur le fleuve, ô solitude immense ! 6+6 a
Ô vent, ne gronde pas ! ô montagnes, dormez ! 6+6 b
À l’heure où tout se tait sous les cieux blasphémés, 6+6 b
La voix de l’Infini parle à la conscience. 6+6 a
5 Entre ces deux géants dont le roc éternel, 6+6 a
Surgi du gouffre noir monte au gouffre du rêve, 6+6 b
La pensée ennoblie et plus grande s’élève 6+6 b
De l’abîme de l’âme à l’abîme du ciel. 6+6 a
Quel monde vois-je ici ! d’où vient la masse d’encre 6+6 a
10 Qui baigne sur ces bords le granit et le fer ? 6+6 b
Sur quelle nuit, sur quel néant, sur quel enfer 6+6 b
Frémit cette onde où l’homme en vain jetterait l’ancre ? 6+6 a
Du haut des sommets gris, l’ombre comme un linceul 6+6 a
Tombe sur la tristesse et sur la solitude ; 6+6 b
15 Mon cri trouble un instant la morne quiétude : 6+6 b
Dans l’ombre qui descend l’écho me répond seul. 6+6 a
Rien de ce qui bourdonne et rien de ce qui chante 6+6 a
Ou hurle, ne répond : ni le loup ni l’oiseau ; 6+6 b
Rien de ce qui gémit, pas même le roseau, 6+6 b
20 Ne répond en ces lieux que le mystère hante. 6+6 a
Ô Baie Éternité, j’aime tes sombres flots ! 6+6 a
Ton insondable lit s’enfonce entre des rives 6+6 b
Dont les rochers dressés en cimes convulsives, 6+6 b
Gardent tragiquement l’empreinte du chaos. 6+6 a
25 Désormais, l’art m’attache au bord du fleuve abîme ; 6+6 a
Je le voudrais chanter dans mes vers, mais en vain 6+6 b
Je tente d’exprimer ce qu’il a de divin 6+6 b
Et d’infernalement effrayant et sublime. 6+6 a
Les accents que mon âme évoque avec effroi, 6+6 a
30 Expirent sur ma lèvre en proie à l’épouvante 6+6 b
Ton esprit n’est pas loin de ce spectacle, ô Dante ! 6+6 b
Ô Dante Alighieri !! mon maître, inspire-moi ! 6+6 a
Poète des mots brefs et des grandes penes, 6+6 a
Toi qui sais pénétrer les humaines douleurs 6+6 b
35 Et dans le Paradis cueillir les saintes fleurs, 6+6 b
Qu’au souffle de tes chants mes strophes soient bercées ! 6+6 a
Apprends-moi comme il faut monter, le front serein, 6+6 a
Vers les sommets sacrés qui conduisent aux astres, 6+6 b
Et, le cœur abî dans la nuit des désastres, 6+6 b
40 Faire sur le granit sonner le vers d’airain ! 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Mais déjà l’aube terne aux teintes indécises 6+6 a
Révélait des détails au flanc du grand rocher ; 6+6 b
Je voyais peu à peu les formes s’ébaucher, 6+6 b
Et les contours saillir en lignes plus précises. 6+6 a
45 Bientôt le coloris de l’espace éthé 6+6 a
Passa du gris à l’ambre et de l’ambre au bleu pâle ; 6+6 b
Les flots prirent les tons chatoyants de l’opale ; 6+6 b
L’Orient s’allumait à son foyer sacré. 6+6 a
Le gris matutinal en bas régnait encore, 6+6 a
50 Quand l’éblouissement glorieux de l’aurore 6+6 a
Embrasa le sommet du Cap Éterni 6+6 a
Qui tendait au salut du jour sa majesté. 6+6 a
Pendant que l’Infini se fleurissait de roses, 6+6 a
Les fulgurants rayons pour le sommet ont lui… 6+6 b
55 Et j’ai pensé, scrutant le sens profond des choses : 6+6 a
— « Le ciel aime les fronts qui s’approchent de lui ; 6+6 b
Pour les mieux embellir sa splendeur les embrase, 6+6 a
Chair ou granit, d’un feu triomphal et pareil : 6+6 b
Il donne aux uns l’éclat d’un astre à son réveil, 6+6 b
60 Aux autres la lumière auguste de l’extase ! » 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université