Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GIL_1/GIL6
Charles GILL
Le Cap Éternité
1919
LE CAP ÉTERNITÉ
Chant V
Clair de Lune
Quand au zénith trôna la pâle nébuleuse ; 6+6 a
Quand tout devint muet sous le ciel étoilé ; 6+6 b
Dans le passé fatal que le noir chagrin creuse, 6+6 a
À l’œil de mon esprit quand tout se fut voilé ; 6+6 b
5 Entre les bords abrupts du sombre défi 6+6 b
Où passaient les frissons de la brise berceuse, 6+6 a
Quand tout fut recueilli, la Nuit mystérieuse, 6+6 a
La Nuit, la grande Nuit sereine m’a parlé ! 6+6 b
Le jour éblouissant couvre à flots de lumière 6+6 c
10 Des vérités que l’ombre enseigne à sa manière, 6+6 c
Dans un rayon d’étoile effleurant les sommets. 6+6 d
Devant l’escarpement des rochers grandioses, 6+6 e
La nuit du Saguenay m’a révélé des choses 6+6 e
Que le langage humain ne redira jamais. 6+6 d
15 Ah ! comme ce mirage en le cerveau se grave ! 6+6 f
La brise qui soufflait dans mes féeriques voiles 6+6 g
Nous emportait toujours sous les doux rayons bleus, 6+6 h
Entre les monts altiers, les monts vertigineux 6+6 h
Dont la crête tranchait, noire sur champ d’étoiles. 6+6 g
20 Que tes fleuves si grands, ô mon pauvre pays, 6+6 j
Te fassent pardonner tant d’hommes si petits !… 6+6 j
Quel spectacle de force et de majesté grave ! 6+6 f
Le mien l’évoque encor, nettement buriné. 6+6 b
Là-bas, un banc de marbre argenté par la lune, 6+6 k
25 Posé comme un joyau sur la falaise brune, 6+6 k
Charme d’un gai reflet le triste Saguenay ; 6+6 b
Plus loin, le marbre pur en rose se colore, 6+6 m
Comme si la splendeur d’une ancienne aurore 6+6 m
Avait dans sa noblesse enfermé des rayons ; 6+6 n
30 Ailleurs, groupant leur masse en épais bataillons, 6+6 n
Les amas de granit, au gré de leur caprice, 6+6 o
Rapprochent leurs flancs nus sillonnés de ravins, 6+6 p
Escaladant le ciel de gradins en gradins, 6+6 p
Et le tournant subit démasque un précipice ; 6+6 o
35 Partout les rochers gris brunissent à fleur d’eau : 6+6 q
Au pied de la falaise, au détour de la crique, 6+6 r
Court un ruban de fer où le flot magnétique. 6+6 r
En troublant la boussole a marqué son niveau. 6+6 q
Je vogue glorieux dans un rêve de Dante ! 6+6 s
40 Les monts qu’a devinés l’immortel Florentin, 6+6 t
En trompant mon regard rapprochent le lointain, 6+6 t
Par leur fronton géant que l’ombre encore augmente. 6+6 s
Escarpés par endroits, ailleurs courbés en pente, 6+6 s
Ils masquent l’horizon, de leur profil hautain ; 6+6 t
45 Et, défiant le ciel que tant de gloire atteint, 6+6 t
Ils dressent leur stature énorme et menaçante. 6+6 s
Pour affronter l’attaque inlassable du Temps, 6+6 v
En guise de créneaux une forêt couronne 6+6 w
Leur mur fortifié que maint cap bastionne. 6+6 w
50 Mais ce rempart m’encercle, et je crois, par instants, 6+6 v
Que son immensi fatale m’emprisonne 6+6 w
Comme en un bagne affreux construit par des Titans. 6+6 v
Dans sa profonde paix s’endormait la nature. 6+6 x
Au vent qui défaillait nous voguions lentement. 6+6 v
55 Quand le souffle apai sur les eaux sans murmure, 6+6 x
Au détour d’un îlot tomba complètement. 6+6 y
Alors les exilés du vaste firmament 6+6 y
Sur un rythme si doux agitèrent leurs ailes, 6+6 z
Que les soupirs de l’air à peine en ont frémi. 6+6 a
60 Comme au soleil touchant les sveltes hirondelles 6+6 z
Effleurent le miroir d’un beau lac endormi, 6+6 a
Ainsi le « Goéland » fila sur l’eau profonde 6+6 b
En rayant d’un long trait, la surface de l’onde. 6+6 b
Bientôt, se profilant sur l’astrale splendeur, 6+6 c
65 Deux falaises à pic dressèrent leur grandeur 6+6 c
Au seuil de l’Inconnu ; sentinelles sublimes 6+6 d
Elles veillaient le fleuve et dominaient les cimes. 6+6 d
Le fraternel Silence et l’Oubli bienveillant 6+6 y
Guidèrent le canot vers les deux promontoires ; 6+6 e
70 À peine entrions-nous à l’ombre de ces gloires, 6+6 e
Que la trop courte nuit pâlit à l’Orient. 6+6 y
Les célestes esprits comme elle s’envolèrent ; 6+6 f
Pendant quelques instants au zénith ils planèrent, 6+6 f
Puis vers un autre monde ils prirent leur essor. 6+6 g
75 Ainsi j’ai remon le fleuve de la Mort. 6+6 g
mètre profil métrique : 6+6
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