Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GIL_1/GIL2
Charles GILL
Le Cap Éternité
1919
LE CAP ÉTERNITÉ
Chant I
Le Goéland
Le soleil moribondensanglantait les flots, 6+6 a
Et le jour endormaitses suprêmes échos. 6+6 a
La brise du Surouetroulait des houles lentes. 6+6 b
Dans mon canot d’écorceaux courbes élégantes, 6+6 b
5 Que Paul l’Abénaquishabile avait construit, 6+6 a
Je me hâtaisvers Tadoussacet vers la nuit. 4+4+4 a
À grands coups cadencés,mon aviron de frêne 6+6 b
Poussait le « Goéland »vers la rive lointaine ; 6+6 b
Sous mes impulsionsrythmiques, il glissait, 6+6 a
10 Le beau canot légerque doucement beait 6+6 a
La courbe harmonieuseet lente de la houle. 6+6 b
Sur la pourpre du cielse profilait la « Boule », 6+6 b
Sphère énorme dans l’ondeenfonçant à demi, 6+6 a
Sentinelle qui veilleau seuil du gouffre ami 6+6 a
15 Pour ramener la nefà l’inconnu livrée, 6+6 b
Et du fleuve sans fondmarquer de loin l’entrée. 6+6 b
Ô globe ! as-tu surgidu flot mystérieux ? 6+6 a
Ou bien, aux anciens jours,es-tu tombé des cieux, 6+6 a
Comme un monde égarédans l’orbe planétaire, 6+6 b
20 Et qui, pris de vertige,aurait frappé la Terre ? 6+6 b
Dans le grand air du largeet dans la paix des bois, 6+6 a
Dans les calmes matinset les soirs pleins d’effrois, 6+6 a
Dans la nuit le cœurabandonné frissonne, 6+6 b
Dans le libre inconnuje fuyais Babylone 6+6 b
25 Celle la pauvretédu juste est un défaut ; 6+6 a
Celle les écus d’orsauvent de l’échafaud ; 6+6 a
maint gredin puissant,respecté par la foule, 6+6 b
Est un vivant outrageau vieil honneur qu’il foule, 6+6 b
La ville la façadeà l’atroce ornement 6+6 a
30 Cache mal la ruelle trne l’excrément ; 6+6 a
Celle ce qui digèreécrase ce qui pense ; 6+6 b
se meurent les arts, languit la science ; 6+6 b
des empoisonneursl’effréné péculat 6+6 a
Des petits innocentstrame l’assassinat ; 6+6 a
35 ton nom dans les cœurss’oublie, ô Maisonneuve ! 6+6 b
Celle l’on voit de loin,sur les bords du grand fleuve. 6+6 b
Les temples du dollaraffliger le ciel bleu, 6+6 a
En s’élevant plus hautque les temples de Dieu ! 6+6 a
Les dernières clartésdu jour allaient s’éteindre. 6+6 b
40 Depuis longtemps je mecroyais tout près d’atteindre 6−6 b
La rive montagneuseet farouche du Nord, 6+6 a
D’ le noir Saguenay,le fleuve de la Mort, 6+6 a
Surgi de sa crevasseouverte au flanc du monde, 6+6 b
Se joint au Saint-Laurentdont il refoule l’onde. 6+6 b
45 La rive paraissaitgrandir avec la nuit, 6+6 a
Et l’ombre s’aggravaitd’un lamentable bruit : 6+6 a
Plaintes des eaux, soupirs,rumeurs sourdes et vagues. 6+6 b
La houle harmonieuseavait fait place aux vagues ; 6+6 b
Le ciel s’était voiléd’épais nuages gris, 6+6 a
50 Et les oiseaux de merregagnaient leurs abris. 6+6 a
Le « Goéland » rapideavançait vers la côte 6+6 b
Dont la masse effrayanteet de plus en plus haute 6+6 b
Se dressait. L’avironvoltigeait à mon bras, 6+6 a
Et je luttais toujours,mais je n’arrivais pas. 6+6 a
55 Le violet des montsse changeait en brun sombre. 6+6 b
Vainement j’avais crutraverser avant l’ombre, 6+6 b
Car de ces hauts sommetsle décevant rempart 6+6 a
Égare le calculet trompe le regard. 6+6 a
Maintenant, sur les flotsqui roulaient des désastres. 6+6 b
60 La nuit, tombait, tragique,effrayante, sans astres ; 6+6 b
Et sur ma vie en proieà maint fatal décret, 6+6 a
Sombre pareillementla grande nuit tombait. 6+6 a
Je tentais d’étouffer,au fracas de la lame, 6+6 b
La voix du souvenirqui pleurait dans mon âme ; 6+6 b
65 En vain je voulais fuirun douloureux passé, 6+6 a
Et le sombre remordsà mes côtés dressé. 6+6 a
Mais je me demandaissi les tragiques ondes 6+6 b
N’allaient m’ensevelirdans leurs vagues profondes. 6+6 b
Je regardais la vieet la mort d’assez haut. 6+6 a
70 Ma liberté,mon avironet mon canot 4+4+4 a
Étant mes seuls trésorsen ce monde éphémère. 6+6 b
Aussi, me rappelantmainte douleur amère : 6+6 b
— « Autant sombrer icique dans le désespoir ! 6+6 a
Allons, vieux « Goéland »! qu’importe tout ce noir ! 6+6 a
75 Le parcours est affreux,mais, du moins, il est libre ! 6+6 b
N’embarque pas trop d’eau !défends ton équilibre ! 6+6 b
Ton mtre s’est méprisen jugeant le trajet : 6+6 a
Oppose ta souplesseau furieux Surouet ! 6+6 a
Comme un oiseau craintifqui fuit devant l’orage, 6+6 b
80 Le grand canot filaitvers la lointaine plage, 6+6 b
Sur les flots déchnésqu’à peine il effleurait 6+6 a
Quand, dans l’obscurité,gronda le mascaret… 6+6 a
Le canot se cabrasur la masse liquide, 6+6 b
Tournoya sur lui-mêmeet bondit dans le vide, 6+6 b
85 Prit la vague de biais,releva du devant, 6+6 a
Mais un coup d’avironle coucha sous le vent. 6+6 a
Alors, des jours heureuxme vint la souvenance 6+6 b
Je me revis au seuilde mon adolescence ; 6+6 b
Je revis le Sauvageinventif, assemblant 6+6 a
90 L’écorce d’ son arttirait le « Goéland » ; 6+6 a
Comme un sculpteur éprisd’un chef-d’œuvre qu’il crée, 6+6 b
Il flattait du regardla carène cambrée, 6+6 b
Calculait telle courbeà la largeur des bords 6+6 a
Et des proportionsménageait les rapports. 6+6 a
95 Je me remémoraisa parole prudente 6+6 b
Au temps déjà lointain j’allais sous la tente 6+6 b
Causer des vieux chasseurset voir de jour en jour 6+6 a
L’écorce prendre formeen son svelte contour ; 6+6 a
Quand je lui demandaipour la proue ou la poupe 6+6 b
100 Un ornement futileet d’élégante coupe, 6+6 b
Comme ceux que j’avaisau jardin admirés 6+6 a
Sur des petits canotsde guirlandes parés, 6+6 a
— Le vent, avait-il dit,prendrait dans ces girouettes ! 6+6 b
Tu remercieras Paulau milieu des tempêtes, 6+6 b
105 Quand tu traverseras d’autres sombreront ! 6+6 a
Cependant, j’approchaisdu Saguenay sans fond ; 6+6 a
Mon aviron heurtala Pointe aux Alouettes. 6+6 b
Je ne distinguais riendes grandes silhouettes, 6+6 b
Mais un phare apparutà mon regard chercheur : 6+6 a
110 Le brasier qui flambaitau foyer d’un pêcheur 6+6 a
Guida ma randonnée,et j’atteignis la plage 6+6 b
De la petite baie,au pied du vieux village. 6+6 b
mètre profil métrique : 6=6
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