Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GIL_1/GIL13
Charles GILL
Le Cap Éternité
1919
LE CAP ÉTERNITÉ
Chant XII
La Fourmi
Quand je me relevai sur le Cap légendaire, 6+6 a
Il projetait une ombre immense au roc voisin ; 6+6 b
Plus le disque écrou penchait vers son déclin, 6+6 b
Plus l’ombre s’allongeait tout au loin sur la terre. 6+6 a
5 Couvrant gorges et monts, ce voile violet 6+6 a
En deux plans bien tranchés partageait l’étendue : 6+6 b
Déjà l’aile du Soir à droite frissonnait ; 6+6 a
Jusqu’aux derniers confins où pénétrait la vue, 6+6 b
À gauche, tout vibrait dans le ruissellement 6+6 a
10 De l’or et du rubis répandus comme une onde : 6+6 b
Le Cap et le Soleil se disputaient le monde, 6+6 b
Et Dieu les regardait du haut du firmament. 6+6 a
Rien ne venait troubler le vespéral silence ; 6+6 a
Nul bruit n’inquiétait l’enchantement des yeux ; 6+6 b
15 Ni le bruissement des pins harmonieux, 6+6 b
Ni les soupirs des flots perdus dans la distance. 6+6 a
J’ai penché vers le sol mon front humilié 6+6 a
Devant la vision splendide, et j’ai crié : 6+6 a
— Ô Nature, ô rayons, ô sidéral prodige ! 6+6 a
20 Que devient ma fierté d’être un homme, et que suis-je ? 6+6 a
Ô combat solennel d’un astre et d’un sommet, 6+6 a
Je rentre dans ma cendre où mon orgueil s’effondre !… 6+6 b
Mais comme si la Terre eût voulu me répondre, 6+6 b
Une fourmi survint qui trnait un bluet. 6+6 a
25 J’ai compris. Elle ancrait au fruit ses mandibules, 6+6 a
Tirait de ci, poussait de là, cambrait son corps ; 6+6 b
Le mouvement triplait ses pattes minuscules. 6+6 a
Bientôt, sur l’âpre sol, l’insecte à bout d’efforts, 6+6 b
Pour trner son bluet déployant du génie, 6+6 a
30 Inclinait un brin d’herbe en travers d’un gravier, 6+6 b
Et le fardeau roulant cédait à ce levier… 6+6 b
Les choses s’endormaient dans leur paix infinie. 6+6 a
Pendant que le soleil mourait splendidement 6+6
J’ai drapé mon néant dans mon âme immortelle, 6+6 a
35 Et j’ai dit au soleil :Éblouissement d’or, 6+6 b
Autant que ta splendeur une pensée est belle ! 6+6 a
Par delà ton éclat plane son fier essor ; 6+6 b
Et ton scintillement, dans la nuit froide et noire, 6+6 a
Pénètre moins loin qu’elle au fond de l’avenir, 6+6 b
40 Car tes feux pâliront avant le souvenir 6+6 b
Que mon âme éblouie emporte de ta gloire ! 6+6 a
Et j’ai dit au Rocher : — Devant toi j’ai frémi ; 6+6 a
Mais le regard divin contemple en paix ta pierre, 6+6 b
Et ton dôme effrayant, vu de l’ultime sphère, 6+6 b
45 Ne paraît pas plus haut que cette humble fourmi ! 6+6 a
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J’avais vu le fronton se parer de l’aurore 6+6 a
Avant qu’elle eût brillé sur les monts d’alentour ; 6+6 b
Aux rayons du couchant, je revoyais encore, 6+6 a
Sur le même granit se prolonger le jour. 6+6 b
50 Moment prodigieux ! les heures trop rapides, 6+6 a
Dans leur fuite éternelle ont paru ralentir ; 6+6 b
Et le soleil mourant, avant de s’engloutir, 6+6 b
Par delà le grand mur lointain des Laurentides, 6+6 a
Déposa sur la cime un baiser lumineux ; 6+6 a
55 La pierre rutilait, couverte de topaze, 6+6 b
Et les vieux pins royaux se dressaient en extase 6+6 b
Dans l’éblouissement de ces divins adieux ! 6+6 a
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mètre profil métrique : 6+6
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