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GAU_8/GAU358
Théophile GAUTIER
POÉSIES NOUVELLES, POÉSIES INÉDITES ET POÉSIES POSTHUMES
édition Maurice Dreyfous
1831-1872
APPENDICE
II
AUX MANES DE L'EMPEREUR
15 DÉCEMBRE 1840
Quand sous l'arc triomphal | où s'inscrivent nos gloires 6+6 a
Passait le sombre char | couronné de victoires 6+6 a
Aux longues ailes d'or, 6 b
Et qu'enfin Sainte-Hélène, | après tant de souffrance, 6+6 c
5 Délivrait la grande ombre | et rendait à la France 6+6 c
Son funèbre trésor, 6 b
Un rêveur, un captif | derrière ses murailles, 6+6 a
Triste de ne pouvoir, | aux saintes funérailles 6+6 a
Assister, l'œil en pleurs, 6 b
10 Dans l'étroite prison | sans échos et muette, 6+6 c
Mêlant sa note émue | à l'ode du poëte, 6+6 c
Épanchait ses douleurs. — 6 b
«Sire, vous revenez | dans votre capitale, 6+6 a
Et moi qu'en un cachot | tient une loi fatale 6+6 a
15 Exilé de Paris, 6 b
J'apercevrai de loin, | comme sur une cime, 6+6 c
Le soleil descendant | sur le cercueil sublime, 6+6 c
Dans la foule aux longs cris. 6 b
Oh ! non ! n'en veuillez pas, | Sire, à votre famille, 6+6 a
20 De n'avoir pas formé, | sous le rayon qui brille, 6+6 a
Un groupe filial 6 b
Pour recevoir au seuil | de son apothéose, 6+6 c
Comme Hercule ayant fait | sa tâche grandiose, 6+6 c
L'ancêtre impérial ! 6 b
25 Vos malheurs sont finis ; | toujours durent les nôtres. 6+6 a
Vous êtes mort là-bas, | enchaîné loin des vôtres, 6+6 a
Titan sur un écueil, 6 b
Pas de fils pour fermer | vos yeux que l'ombre inonde, 6+6 c
Même ici, nul parent, | — oh ! misère profonde ! — 6+6 c
30 Conduisant votre deuil ! 6 b
Montholon, le plus cher | comme le plus fidèle 6+6 a
Jusqu'au bout, du vautour | subissant le coup d'aile, 6+6 a
Vous a gardé sa foi. 6 b
Près du dieu foudroyé, | qu'un vaste ennui dévore, 6+6 c
35 Il se tenait debout, | et même il est encore 6+6 c
En prison avec moi. 6 b
Un navire, conduit | par un noble jeune homme, 6+6 a
Sous l'arbre où vous dormiez, | Sire, votre long somme 6+6 a
Captif dans le trépas, 6 b
40 Est allé vous chercher | avec une escadrille ; 6+6 c
Mais, votre œil sur le pont | cherchait votre famille ; 6+6 c
Qui ne s'y trouvait pas. 6 b
Quand la nef aborda, | France, ton sol antique, 6+6 a
Votre âme réveillée, | à ce choc électrique, 6+6 a
45 Au bruit des voix, des pas, 6 b
De sa prunelle morte | entrevit dans l'aurore 6+6 c
Palpiter vaguement | un drapeau tricolore, 6+6 c
Où l'aigle n'était pas. 6 b
Comme autrefois le peuple | autour de vous s'empresse ; 6+6 a
50 Cris d'amour furieux, | délirante tendresse, 6+6 a
A genoux, chapeau bas ! 6 b
Dans l'acclamation, | les prudents et les sages 6+6 c
Disent au demi-dieu, | faisant sa part d'hommages : 6+6 c
«Dieu ! ne l'éveillez pas !» 6 b
55 Vous les avez revus — | peuple élu de votre âme — 6+6 a
Ces Français tant aimés | que votre nom enflamme, 6+6 a
Héros des grands combats ; 6 b
Mais sur son sol sacré, | patrie autrefois crainte, 6+6 c
Du pas de l'étranger | on distingue une empreinte 6+6 c
60 Qui ne s'efface pas ! 6 b
Voyez la jeune armée, | où les fils de nos braves, 6+6 a
Avides d'action, | impatients d'entraves, 6+6 a
Voudraient presser le pas ; 6 b
Votre nom les émeut, | car vous êtes la gloire ! 6+6 c
65 Mais on leur dit : «Laissez | reposer la victoire, 6+6 c
Assez ! croisez les bras !» 6 b
Sur le pays, le peuple, | étoffe à trame forte, 6+6 a
S'étend, Sire ; le chaud, | le froid, il les supporte 6+6 a
Mieux que les meilleurs draps ; 6 b
70 Mais ces grands si petits, | chamarrés de dorures, 6+6 c
Qui cachaient leur néant | sous de riches parures, 6+6 c
Ne les regrettez pas. 6 b
Comme ils ont renié, | troupe au parjure agile, 6+6 a
Votre nom, votre sang, | vos lois, votre évangile, 6+6 a
75 Pour vous suivre trop las ! 6 b
Et quand j'ai devant eux | plaidé pour votre cause, 6+6 c
Comme ils ont dit, outrant | le dédain de leur pose : 6+6 c
Nous ne comprenons pas ! 6 b
Laissez-les dire et faire, | et sur eux soit la honte. 6+6 a
80 Qu'importent pierre ou sable | au char qui toujours monte 6+6 a
Et les broie en éclats ! 6 b
En vain vous nomment-ils | fugitif météore. 6+6 c
Votre gloire est à nous, | elle rayonne encore ; 6+6 c
Ils ne la prendront pas. 6 b
85 Sire, c'est un grand jour | que le quinze décembre ! 6+6 a
Votre voix, est-ce un rêve ? | a parlé dans ma chambre : 6+6 a
«Toi, qui souffres pour moi 6 b
Ami, de la prison | le lent et dur martyre, 6+6 c
Je quitte mon triomphe | et je viens pour te dire : 6+6 c
90 Je suis content de toi !» 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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