Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GAU_8/GAU351
Théophile GAUTIER
POÉSIES NOUVELLES, POÉSIES INÉDITES ET POÉSIES POSTHUMES
édition Maurice Dreyfous
1831-1872
JETTATURA
FRAGMENT DE POËME
C'est le soir, le couchantallumant ses fournaises 6+6 a
Semble un fondeur penchéqui ravive des braises ; 6+6 a
Comme un bouclier d'orà la forge rougi, 6+6 b
Par un brouillard sanglantle soleil élargi 6+6 b
5 Plonge dans un amasde nuages étranges 6+6 a
Qui font trner sur l'eaula pourpre de leurs franges 6+6 a
Le rivage est désert ;— pour tout bruit l'on entend 6+6 b
La respirationdu gouffre haletant. 6+6 b
Le vent souffle ; la mer,contre l'écueil qui fume, 6+6 a
10 Pousse le blanc troupeaude ses coursiers d'écume. 6+6 a
Ils montent à l'assaut,pêle-mêle nageant, 6+6 b
Se dressant, secouantleur crinière d'argent, 6+6 b
Éparpillant en l'airleur queue échevelée, 6+6 a
Se mordant au poitrail,comme dans la mêlée, 6+6 a
15 Enivrés du combat,se mordent des chevaux 6+6 b
Au timon d'un quadrigeattelés et rivaux, 6+6 b
Mais le roc fait croulerleur folle armée en pluie 6+6 a
Et semble au bord du gouffreun nageur qui s'essuie. 6+6 a
Tel un grand nom, battudes sots et des jaloux, 6+6 b
20 Voit à ses pieds se fondreet se perdre leurs coups. 6+6 b
En montant au sommetde la haute falaise 6+6 a
D' sur la pleine merle regard plane à l'aise, 6+6 a
N'apercevez-vous pas,là-bas, à l'horizon 6+6 b
du jour qui s'éteintluit le dernier tison, 6+6 b
Un point presque effacé ?
25 Sans doute une mouette 6+6 a
Faisant au bout d'un flotsa folle pirouette ; 6+6 a
De l'ouragan futur,un albatros, joyeux, 6+6 b
Une aile dans la meret l'autre dans les cieux ; 6+6 b
Ou bien une dorade,un requin en voyage 6+6 a
30 Trahissant à fleur d'eauson dos gris qui surnage 6+6 a
Non pas. — C'est un steameret déjà l'on peut voir, 6+6 b
Comme au cimier d'un casqueun long panache noir, 6+6 b
S'écheveler au ventl'aigrette de fumée 6+6 a
Que pousse la vapeurde sa gueule enflammée. 6+6 a
35 Le voilà qui s'approcheet se range aux îlots, 6+6 b
Et sa roue a cesséde souffleter les flots. 6+6 b
Du navire immobileun canot se détache. 6+6 a
L'eau, qui s'enfle et s'abaisse,et le montre et le cache 6+6 a
Par instants, dans l'abîmeon le croit englouti ; 6+6 b
40 Mais de l'âcre vallonpéniblement sorti, 6+6 b
Bientôt il repartà la crête des lames, 6+6 a
Ouvrant et refermantl'éventail de ses rames. 6+6 a
Auprès du gouvernail,morne, silencieux, 6+6 b
Dans sa cape embossé,le chapeau sur les yeux, 6+6 b
45 Un jeune homme est assis.Comme un peuple en tumulte 6+6 a
Autour d'un Dieu, les flotslui crachent leur insulte ; 6+6 a
Le vent de son manteaufait palpiter les plis ; 6+6 b
L'esquif tremble et se plaintsous les coups du roulis ; 6+6 b
Il rêve, et, tout entierà ses noires chimères, 6+6 a
50 Penche son front qui luitsous les perles amères. 6+6 a
L'on approche du bord,déjà les avirons 6+6 b
Battent l'eau qui les fuitsur des rhythmes moins prompts ; 6+6 b
De sa quille d'airainrayant le sable humide, 6+6 a
L'esquif s'est arrêté.D'un bond leste et rapide 6+6 a
55 L'étranger saute à terre,et, faisant quelques pas, 6+6 b
Gagne une place sèche la mer n'atteint pas, 6+6 b
Puis, d'un geste royal,jette aux marins sa bourse. 6+6 a
Remis à flot, l'esquif,comme un cheval de course 6+6 a
Secouant l'écuyerà son mors suspendu, 6+6 b
60 Part. — L'étranger, deboutsur son rocher ardu, 6+6 b
Avant d'aller plus loinse retourne et regarde. 6+6 a
Quoiqu'il soit nuit, la merd'une lueur blafarde 6+6 a
Rayonne et l'on peut voirles rameurs sur leur banc 6+6 b
Pour tirer l'avironen arrière tombant. 6+6 b
65 Contre les flots grossisl'embarcation lutte, 6+6 a
Mais bientôt contournantson énorme volute, 6+6 a
La houle, dans un plide son blanc chapiteau, 6+6 b
A saisi les marinset tordu le bateau. 6+6 b
Sur le gouffre nageant,rares, ils apparaissent, 6+6 a
70 Mais les flots en fureurde toutes parts les pressent. 6+6 a
Cette nuit, ils ont beautendre et roidir leurs bras, 6+6 b
Leurs lits seront faits d'algue,et d'écume leurs draps. 6+6 b
Sous un glauque suaire,au bruit sourd des tempêtes 6+6 a
Un oreiller de sableendormira leurs têtes. 6+6 a
75 Le dernier, pour finirun supplice trop long, 6+6 b
Plonge comme une sondeà la suite du plomb. 6+6 b
Le jeune homme a tout vu,mais que le regard change ! 6+6 a
Le démon se tordantsous le pied de l'archange, 6+6 a
L'aspic coupé qui chercheà ressouder ses nœuds 6+6 b
80 N'ont pas dans la prunelleun éclair plus haineux ; 6+6 b
Et cependant, avecd'irrécusables teintes, 6+6 a
Sur ses beaux traits, l'horreuret la pitié sont peintes ; 6+6 a
Sa poitrine oppresséeéclate en sourds sanglots. 6+6 b
Il descend au rivage,et, le pied dans les flots, 6+6 b
85 Faisant fuir de ses crisles mouettes effarées, 6+6 a
Agite éperdumentses mains désespérées !… 6+6 a
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mètre profil métrique : 6+6
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