Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GAU_7/GAU259
Théophile GAUTIER
ESPAÑA
édition Maurice Dreyfous
1845
ESPAÑA
RIBEIRA
Il est des cœurs épris | du triste amour du laid. 6+6 a
Tu fus un de ceux-là, | peintre à la rude brosse 6+6 b
Que Naple a salué | du nom d'Espagnolet. 6+6 a
Rien ne put amollir | ton âpreté féroce, 6+6 b
5 Et le splendide azur | du ciel italien 6+6 c
N'a laissé nul reflet | dans ta peinture atroce. 6+6 b
Chez toi, l'on voit toujours | le noir Valencien, 6+6 c
Paysan hasardeux, | mendiant équivoque, 6+6 a
More que le baptême | à peine a fait chrétien. 6+6 c
10 Comme un autre le beau, | tu cherches ce qui choque : 6+6 a
Les martyrs, les bourreaux, | les gitanos, les gueux, 6+6 b
Étalant un ulcère | à côté d'une loque ; 6+6 a
Les vieux au chef branlant, | au cuir jaune et rugueux, 6+6 b
Versant sur quelque Bible | un flot de barbe grise ; 6+6 c
15 Voilà ce qui convient | à ton pinceau fougueux. 6+6 b
Tu ne dédaignes rien | de ce que l'on méprise ; 6+6 c
Nul haillon, Ribeira, | par toi n'est rebuté : 6+6 a
Le vrai, toujours le vrai, | c'est ta seule devise ! 6+6 c
Et tu sais revêtir | d'une étrange beauté 6+6 a
20 Ces trois monstres abjects, | effroi de l'art antique, 6+6 b
La Douleur, la Misère | et la Caducité. 6+6 a
Pour toi, pas d'Apollon, | pas de Vénus pudique ; 6+6 b
Tu n'admets pas un seul | de ces beaux rêves blancs 6+6 c
Taillés dans le paros | ou dans le pentélique. 6+6 b
25 Il te faut des sujets | sombres et violents 6+6 c
Où l'ange des douleurs | vide ses noirs calices, 6+6 a
Où la hache s'émousse | aux billots ruisselants. 6+6 c
Tu sembles enivré | par le vin des supplices, 6+6 a
Comme un César romain | dans sa pourpre insulté, 6+6 b
30 Ou comme un victimaire | après vingt sacrifices. 6+6 a
Avec quelle furie | et quelle volupté 6+6 b
Tu retournes la peau | du martyr qu'on écorche, 6+6 c
Pour nous en faire voir | l'envers ensanglanté ! 6+6 b
Aux pieds des patients | comme tu mets la torche ! 6+6 c
35 Dans le flanc de Caton | comme tu fais crier 6+6 a
La plaie, affreuse bouche | ouverte comme un porche ! 6+6 c
D'où te vient, Ribeira, | cet instinct meurtrier ? 6+6 a
Quelle dent t'a mordu, | qui te donne la rage, 6+6 b
Pour tordre ainsi l'espèce | humaine et la broyer ? 6+6 a
40 Que t'a donc fait le monde, | et, dans tout ce carnage, 6+6 b
Quel ennemi secret, | de tes coups poursuis-tu ? 6+6 c
Pour tant de sang versé | quel était donc l'outrage ? 6+6 b
Ce martyr, c'est le corps | d'un rival abattu ; 6+6 c
Et ce n'est pas toujours | au cœur de Prométhée 6+6 a
45 Que fouille l'aigle fauve | avec son bec pointu. 6+6 c
De quelle ambition | du ciel précipitée, 6+6 a
De quel espoir traîné | par des coursiers sans frein, 6+6 b
Ton âme de démon | était-elle agitée ? 6+6 a
Qu'avais-tu donc perdu | pour être si chagrin ? 6+6 b
50 De quels amours tournés | se composaient tes haines, 6+6 c
Et qui jalousais-tu, | toi peintre souverain ? 6+6 b
Les plus grands cœurs, hélas ! | ont les plus grandes peines ; 6+6 c
Dans la coupe profonde | il tient plus de douleurs ; 6+6 a
Le ciel se venge ainsi | sur les gloires humaines. 6+6 c
55 Un jour, las de l'horrible | et des noires couleurs, 6+6 a
Tu voulus peindre aussi | des corps blancs comme neige, 6+6 b
Des anges souriants, | des oiseaux et des fleurs, 6+6 a
Des nymphes dans les bois | que le satyre assiège, 6+6 b
Des amours endormis | sur un sein frémissant, 6+6 c
60 Et tous ces frais motifs | chers au moelleux Corrége ; 6+6 b
Mais tu ne sus trouver | que du rouge de sang, 6+6 c
Et quand du haut des cieux, | apportant l'auréole, 6+6 a
Sur le front de tes saints | l'ange de Dieu descend, 6+6 c
En détournant les yeux, | il la pose et s'envole ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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