Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GAU_7/GAU247
Théophile GAUTIER
ESPAÑA
édition Maurice Dreyfous
1845
ESPAÑA
L'HORLOGE
Vulnerant omnes, ultima necat.
La voiture fit halte à l'église d'Urrugne, 6+6 a
Nom rauque, dont le son à la rime répugne, 6+6 a
Mais qui n'en est pas moins un village charmant, 6+6 b
Sur un sol montueux perché bizarrement. 6+6 b
5 C'est un bâtiment pauvre, en grosses pierres grises, 6+6 a
Sans archanges sculptés, sans nervures ni frises, 6+6 a
Qui n'a pour ornement que le fer de sa croix, 6+6 b
Une horloge rustique et son cadran de bois, 6+6 b
Dont les chiffres romains, épongés par la pluie, 6+6 a
10 Ont coulé sur le fond que nul pinceau n'essuie. 6+6 a
Mais sur l'humble cadran regardé par hasard, 6+6 b
Comme les mots de flamme aux murs de Balthazar, 6+6 b
Comme l'inscription de la porte maudite, 6+6 a
En caractères noirs une phrase est écrite ; 6+6 a
15 Quatre mots solennels, quatre mots de latin, 6+6 b
Où tout homme en passant peut lire son destin : 6+6 b
«Chaque heure fait sa plaie et la dernière achève 6+6 a
Oui, c'est bien vrai, la vie est un combat sans trêve, 6+6 a
Un combat inégal contre un lutteur caché, 6+6 b
20 Qui d'aucun de nos coups ne peut-être touché ; 6+6 b
Et dans nos cœurs criblés, comme dans une cible, 6+6 a
Tremblent les traits lancés par l'archer invisible. 6+6 a
Nous sommes condamnés, nous devons tous périr ; 6+6 b
Naître, c'est seulement commencer à mourir, 6+6 b
25 Et l'enfant, hier encor chérubin chez les anges, 6+6 a
Par le ver du linceul est piqué sous ses langes. 6+6 a
Le disque de l'horloge est le champ du combat, 6+6 b
Où la Mort de sa faux par milliers nous abat ; 6+6 b
La Mort, rude jouteur qui suffit pour défendre 6+6 a
30 L'éternité de Dieu, qu'on voudrait bien lui prendre. 6+6 a
Sur le grand cheval pâle, entrevu par saint Jean, 6+6 b
Les Heures, sans repos, parcourent le cadran ; 6+6 b
Comme ces inconnus des chants du moyen âge, 6+6 a
Leurs casques sont fermés sur leur sombre visage, 6+6 a
35 Et leurs armes d'acier deviennent tour à tour 6+6 b
Noires comme la nuit, blanches comme le jour. 6+6 b
Chaque sœur à l'appel de la cloche s'élance, 6+6 a
Prend aussitôt l'aiguille ouvrée en fer de lance, 6+6 a
Et toutes, sans pitié, nous piquent en passant, 6+6 b
40 Pour nous tirer du cœur une perle de sang, 6+6 b
Jusqu'au jour d'épouvante où paraît la dernière 6+6 a
Avec le sablier et la noire bannière ; 6+6 a
Celle qu'on n'attend pas, celle qui vient toujours, 6+6 b
Et qui se met en marche au premier de nos jours ! 6+6 b
45 Elle va droit à vous, et, d'une main trop sûre, 6+6 a
Vous porte dans le flanc la suprême blessure, 6+6 a
Et remonte à cheval, après avoir je 6+6 b
Le cadavre au néant, l'âme à l'éternité ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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