Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
GAU_4/GAU169
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
LE CAVALIER POURSUIVI
Moi, poëte, je vais du couchant à l'aurore.
Jules de Saint-Félix
Und hurré ! hurré ! hop hop hop !
Burger
C'est un fort beau cheval ; une large poitrine, 6+6 a
Des jambes de gazelle, et dans chaque narine 6+6 a
Une fauve lueur, 6 b
La queue échevelée, une crinière folle 6+6 c
5 Qui se déroule au vent comme une banderole 6+6 c
Sur le col en sueur ; 6 b
Des yeux fiers, pleins de vie, ardents comme la braise, 6+6 a
Qu'on prendrait pour deux trous au mur d'une fournaise 6+6 a
Ou pour deux diamants, 6 b
10 Des yeux illuminés d'une lumière rouge 6+6 c
Comme un soleil dans l'eau, qui frissonne et qui bouge 6+6 c
A tous les mouvements ; 6 b
Une croupe arrondie où des glands dorés pendent, 6+6 a
Et de souples jarrets dont les muscles se tendent 6+6 a
15 Comme des arcs d'acier ; 6 b
Un ongle plus poli que le jaspe ou l'écaille 6+6 c
Quel roi dans son haras eut jamais qui te vaille, 6+6 c
O mon noble coursier ! 6 b
Tu danses sur les blés comme une sauterelle, 6+6 a
20 A chacun de tes pieds est attachée une aile, 6+6 a
Ton galop c'est un vol, 6 b
Et, quand à bonds pressés tu dévores la plaine, 6+6 c
L'oiseau reste en arrière, et l'ombre peut à peine 6+6 c
Te suivre sur le sol. 6 b
25 La bride sur le col, va, marche, à toi l'espace ! 6+6 a
Va, lutte de vitesse avec le vent qui passe 6+6 a
Comme avec un rival ; 6 b
Va sans crainte ; — le monde est grand, la terre est large, 6+6 c
Le vent est déjà loin, trop de vapeur le charge, 6+6 c
30 Hurrah ! mon bon cheval ! 6 b
Hurrah ! des rocs aigus aux tranchantes arêtes, 6+6 a
Fais jaillir en sautant des gerbes de paillettes 6+6 a
Avec ton dur sabot ; 6 b
Brise cet horizon qui n'a pas une lieue 6+6 c
35 Et voudrait t'enfermer dans sa muraille bleue 6+6 c
Comme on fait d'un pied-bot. 6 b
Chemins rompus, halliers, buissons, ronces, broussailles, 6+6 a
Hérissant leurs stylets, entortillant leurs mailles, 6+6 a
Grands fossés à franchir ; 6 b
40 Ravins marécageux, où le feu follet flambe, 6+6 c
Fondrières, rochers, rien n'entrave ta jambe 6+6 c
Qui ne sait pas fléchir. 6 b
Oh ! comme les maisons, comme les arbres filent ! 6+6 a
Oh ! comme étrangement sur le ciel ils profilent 6+6 a
45 Leur contour incertain ! 6 b
Essor prodigieux, le sol que ton pied foule 6+6 c
Se retire sous toi comme un ruban qu'on roule, 6+6 c
Et tout se fait lointain. 6 b
— Vois là-bas, tout là-bas cette flèche d'église, 6+6 a
50 Qui pour te regarder lève sa tête grise 6+6 a
Par-dessus l'horizon, 6 b
Te montre au doigt, te nargue, et comme des reproches, 6+6 c
A ton oreille fait tinter ses quatre cloches 6+6 c
Et galoper le son. 6 b
55 Hop ! hop ! mon andalous, mon noir, — plus vite encore ! 6+6 a
Une course pareille à celle de Lénore ! 6+6 a
Je suis content, c'est bien. 6 b
Le clocher tout confus derrière un mont se cache, 6+6 c
L'oiseau qui te suivait à peine au ciel fait tache, 6+6 c
60 Et je n'entends plus rien. 6 b
Mais quoi donc ! tu faiblis. — Çà, veux-tu que je teigne 6+6 a
Mes éperons en pourpre à ton flanc brun qui saigne ? 6+6 a
Allons, courage, allons ! 6 b
Car nous sommes suivis, mon brave, d'un Vampire, 6+6 c
65 Je sens, tiède à mon dos, le souffle qu'il aspire, 6+6 c
Il est sur nos talons. 6 b
Que derrière tes pas cette porte se ferme, 6+6 a
Et nous sommes sauvés. — Nous touchons presque au terme ; 6+6 a
Saute, vole, bondis ! 6 b
70 — Le monstre ne peut rien sur moi dans cette chambre 6+6 c
D'où s'exhale un parfum de fleurs, de femme et d'ambre, 6+6 c
Comme d'un paradis ! 6 b
N'as-tu pas vu son œil luire à la jalousie ? 6+6 a
Tout mon bonheur est là, toute ma poésie, 6+6 a
75 Mes souvenirs, ma foi, 6 b
Tout, avec mon amour ; c'est ma pâle créole, 6+6 c
Le soleil de mon cœur, mon âme, mon idole, 6+6 c
Ma Béatrix à moi. 6 b
C'en est fait, le voilà, mes prières sont vaines ; 6+6 a
80 Il m'éteint les regards et m'entrouvre les veines 6+6 a
De ses ongles de fer, 6 b
Courbe mon dos et met sur ma tête pendante 6+6 c
Une chape de plomb comme aux damnés du Dante 6+6 c
Dans le neuvième enfer. 6 b
85 Tu cours bien, mon cheval, et ta croupe est fidèle, 6+6 a
Tu dépasses le vent, le son et l'hirondelle ; 6+6 a
Mais il court bien mieux, lui, 6 b
Et pourtant ce coureur, ce n'est pas un arabe, 6+6 c
Un anglais de pur sang, — ce n'est qu'un vilain crabe 6+6 c
90 Aux pieds boiteux, — l'ennui. 6 b
mètre profils métriques : 6, 6+6
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