Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GAU_4/GAU156
Théophile GAUTIER
POÉSIES
édition Maurice Dreyfous
1833
LE RETOUR
Je m'en vais promener tantôt parmy la plaine,
Tantôt en un village et tantôt en un bois,
Et tantôt par les lieux solitaires et cois.
Pierre Ronsard
J'ai quitté pour un anla campagne ; — le chaume 6+6 a
Était jaune ; les champsn'avaient plus cet arome 6+6 a
Que leur donnent en juinles fleurs et le foin vert, 6+6 b
Et l'on sentait déjàcomme un frisson d'hiver. 6+6 b
5 — La campagne, c'est bonl'été. — L'on se promène, 6+6 a
On marche à travers champscomme le pied vous mène, 6+6 a
Se fiant au hasarddes sentiers onduleux. 6+6 b
A la terre le cielfait des sourires bleus ; 6+6 b
La nature est en joie,et la fleur virginale 6+6 a
10 Vous donne le bonjourde sa tête amicale ; 6+6 a
L'herbe courbe sa pointe tremble un diamant. 6+6 b
Devant vos pieds verdiset mouillés, par moment, 6+6 b
Du milieu d'un buisson,d'un arbre ou d'une haie 6+6 a
Part un oiseau cachéque votre pas effraie. 6+6 a
15 Un papillon peureux,dans son fantasque vol, 6+6 b
Comme un écrin ailérase, en fuyant, le sol. 6+6 b
Une abeille surprise,humide de rosée, 6+6 a
Déserte en bourdonnantla fleur demi-brisée. 6+6 a
— Plus loin, c'est une sourceentre les coudriers 6+6 b
20 Qui roule babillarde,et sur les blonds graviers 6+6 b
Éparpille au hasard,comme une chevelure, 6+6 a
Les résilles d'argentde son eau frche et pure. 6+6 a
Des joncs croissent auprèsque plie un léger vent ; 6+6 b
Le blême nénuphar,tel qu'un rideau mouvant, 6+6 b
25 Ondule sur ses flots, plonge la grenouille 6+6 a
Parmi les fruits noyéset les feuilles de rouille, 6+6 a
Et dans un tourbillond'or, de gaze et d'azur, 6+6 b
De lumière inondéeaux feux d'un soleil pur, 6+6 b
Danse la demoiselleavec sa longue queue, 6+6 a
30 De ses ailes de crêpeégratignant l'eau bleue. 6+6 a
A chaque pas qu'on faitla scène change, ainsi 6+6 b
Que dans un mélodrameà grand spectacle : — ici, 6+6 b
Au fond d'un parc, au boutd'une longue avenue, 6+6 a
Un château découpantson profil sur la nue ; 6+6 a
35 Là de rouges sainfoinset de jaunes moissons, 6+6 b
Et l'étang qui s'écailleau saut de ses poissons. 6+6 b
A gauche une collineà la robe zébrée, 6+6 a
De tons riches et chaudspar le couchant marbrée ; 6+6 a
A droite, au fond des bois,entre de noirs rochers, 6+6 b
40 Des hameaux inconnustrahis par leurs clochers ; 6+6 b
Plus loin, transitionde la terre au nuage, 6+6 a
Un anneau de lapisfermant le paysage. 6+6 a
Un vrai panoramavivant et bigarré, 6+6 b
Par un pinceau divinardemment coloré, 6+6 b
45 Comme n'en fit jamaisjaillir de sa palette, 6+6 a
Miroir l'arc-en-cielrayonne et se reflète, 6+6 a
Le grand Claude Lorrain,ni Breughel de Velours. 6+6 b
— Mais, comme l'on ne peutse promener toujours, 6+6 b
On s'asseoit sur un tertre ;on dessine une vue, 6+6 a
50 On fait des vers, on lit,ou l'on passe en revue 6+6 a
Ses jeunes souvenirset ses rêves d'amour, 6+6 b
Si longtemps caresséset perdus sans retour ; 6+6 b
On rebâtit sa vieau néant écroulée, 6+6 a
On voit ce qu'elle était,ou joyeuse ou troublée, 6+6 a
55 On examine à fondses plaisirs, ses douleurs, 6+6 b
Et souvent la balanceest du côté des pleurs. 6+6 b
— Comme en un palimpseste,à travers d'autres signes, 6+6 a
D'un ancien manuscritressuscitent les lignes ; 6+6 a
Le roman de l'enfanceà travers le présent 6+6 b
60 Repart tout entier,— calme, pur, innocent, 6+6 b
Idylle de Gessner,conte de Berquin, — rose 6+6 a
Et suave peinture soi-même l'on pose : 6+6 a
L'on compare son moidu jour au moi passé, 6+6 b
Et pour quelques instantsle monde est effacé. 6+6 b
65 — Rien de mieux ; — mais l'hiver,en janvier, quand la neige 6+6 a
S'entasse aux toits blanchis,quand la rafale assiège 6+6 a
Votre vitre qui trembleet qui frissonne, — à quoi, 6+6 b
Mon Dieu, passer le temps ?Il faut se tenir coi, 6+6 b
Se bien claquemurer,et, les talons dans l'âtre, 6+6 a
70 Parler chasse et gibierà quelque gentillâtre, 6+6 a
Faire un cent de piquetavec monsieur l'abbé, 6+6 b
Lire un ancien Mercure,ou, — galant Sigisbé, 6+6 b
Pour passer au salonprendre par sa main sèche 6+6 a
Une mistress Gryseldeennuyeuse et revêche, 6+6 a
75 Vrai portrait de familleà son cadre échappé, 6+6 b
Écu dans d'autres tempsd'un autre coin frappé ; 6+6 b
Courtiser à l'écartune petite niaise 6+6 a
Sortant de pension,— toute rouge et tout aise, 6+6 a
Qui prend feu dès l'abordau moindre aveu banal, 6+6 b
80 Et s'imagine avoirtrouvé son idéal ; 6+6 b
Écouter un dandy,Brummel de la province, 6+6 a
Beau papillon manquéqui, pour être plus mince, 6+6 a
Barde ses flancs épaisd'un corset et d'un busc, 6+6 b
Et comme un vieux blaireaupue à vingt pas le musc ; 6+6 b
85 Et le maire du lieu,docte et rare cervelle, 6+6 a
D'un air mystérieuxcolportant sa nouvelle. 6+6 a
Autant et mieux, ma foi,vaudrait être pendu 6+6 b
Que rester enfouidans ce pays perdu. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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