Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
GAU_2/GAU89
Théophile GAUTIER
La comédie de la mort
1838
TERZA RIMA
Quand Michel-Ange eut peint | la chapelle Sixtine, 6+6 a
Et que de l'échafaud, | sublime et radieux, 6+6 b
Il fut redescendu | dans la cité latine, 6+6 a
Il ne pouvait baisser | ni les bras ni les yeux ; 6+6 b
5 Ses pieds ne savaient plus | comment marcher sur terre ; 6+6 c
Il avait oublié | le monde dans les cieux. 6+6 b
Trois grands mois il garda | cette attitude austère ; 6+6 c
On l'eût pris pour un ange | en extase devant 6+6 a
Le saint triangle d'or, | au moment du mystère. 6+6 c
10 Frère, voilà pourquoi | les poëtes, souvent, 6+6 a
Buttent à chaque pas | sur les chemins du monde ; 6+6 b
Les yeux fichés au ciel | ils s'en vont en rêvant ; 6+6 a
Les anges, secouant | leur chevelure blonde, 6+6 b
Penchent leur front sur eux | et leur tendent les bras, 6+6 c
15 Et les veulent baiser | avec leur bouche ronde. 6+6 b
Eux marchent au hasard | et font mille faux pas ; 6+6 c
Ils cognent les passants, | se jettent sous les roues, 6+6 a
Ou tombent dans des puits | qu'ils n'aperçoivent pas. 6+6 c
Que leur font les passants, | les pierres et les boues ; 6+6 a
20 Ils cherchent dans le jour | le rêve de leurs nuits, 6+6 b
Et le feu du désir | leur empourpre les joues. 6+6 a
Ils ne comprennent rien | aux terrestres ennuis, 6+6 b
Et quand ils ont fini | leur chapelle Sixtine, 6+6 c
Ils sortent rayonnants | de leurs obscurs réduits. 6+6 b
25 Un auguste reflet | de leur œuvre divine 6+6 c
S'attache à leur personne | et leur dore le front, 6+6 a
Et le ciel qu'ils ont vu, | dans leurs yeux se devine. 6+6 c
Les nuits suivront les jours | et se succéderont, 6+6 a
Avant que leurs regards | et leurs bras ne s'abaissent, 6+6 b
30 Et leurs pieds, de longtemps, | ne se raffermiront. 6+6 a
Tous nos palais sous eux | s'éteignent et s'affaissent ; 6+6 b
Leur âme, à la coupole, | où leur œuvre reluit, 6+6 c
Revole, et ce ne sont | que leurs corps qu'ils nous laissent. 6+6 b
Notre jour leur paraît | plus sombre que la nuit ; 6+6 c
35 Leur œil cherche toujours | le ciel bleu de la fresque, 6+6 a
Et le tableau quitté | les tourmente et les suit. 6+6 c
Comme Buonarotti, | le peintre gigantesque, 6+6 a
Ils ne peuvent plus voir | que les choses d'en haut, 6+6 b
Et que le ciel de marbre | où leur front touche presque. 6+6 a
40 Sublime aveuglement ! | magnifique défaut ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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