Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GAU_2/GAU64
Théophile GAUTIER
La comédie de la mort
1838
APRÈS LE BAL
Adieu, puisqu'il le faut ;adieu, belle nuit blanche, 6+6 a
Nuit d'argent, plus sereineet plus douce qu'un jour ! 6+6 b
Ton page noir est là,qui, le poing sur la hanche, 6+6 a
Tient ton cheval en brideet t'attend dans la cour. 6+6 b
5 Aurora, dans le cielque brunissaient tes voiles, 6+6 a
Entr'ouvre ses rideauxavec ses doigts rosés ; 6+6 b
O nuit, sous ton manteautout parsemé d'étoiles, 6+6 a
Cache tes bras de nacreau vent froid exposés. 6+6 b
Le bal s'en va finir.Renouez, heures brunes, 6+6 a
10 Sur vos fronts parfumésvos longs cheveux de jais, 6+6 b
N'entendez-vous pas l'aubeaux rumeurs importunes, 6+6 a
Qui halète à la porteet souffle son air frais. 6+6 b
Le bal est enterré.Cavaliers et danseuses, 6+6 a
Sur la tombe du bal,jetez à pleines mains 6+6 b
15 Vos colliers défilés,vos parures soyeuses, 6+6 a
Vos dahlias flétriset vos pâles jasmins. 6+6 b
Maintenant c'est le jour.La veille après le rêve ; 6+6 a
La prose après les vers :c'est le vide et l'ennui ; 6+6 b
C'est une bulle encorqui dans les mains nous crève, 6+6 a
20 C'est le plus triste jourde tous ; c'est aujourd'hui. 6+6 b
O Temps ! que nous voulonstuer et qui nous tues, 6+6 a
Vieux porte-faux, pourquoivas-tu trnant le pied, 6+6 b
D'un pas lourd et boiteux,comme vont les tortues, 6+6 a
Quand sur nos fronts blêmisle spleen anglais s'assied. 6+6 b
25 Et lorsque le bonheurnous chante sa fanfare, 6+6 a
Vieillard malicieux,dis-moi, pourquoi cours-tu 6+6 b
Comme devant les chienscourt un cerf qui s'effare, 6+6 a
Comme un cheval que fouilleun éperon pointu ? 6+6 b
Hier, j'étais heureux.J'étais. Mot doux et triste ! 6+6 a
30 Le bonheur est l'éclairqui fuit sans revenir. 6+6 b
Hélas ! et pour ne pasoublier qu'il existe, 6+6 a
Il le faut embaumeravec le souvenir. 6+6 b
J'étais. Je ne suis plus.Toute la vie humaine 6+6 a
Résumée en deux mots,de l'onde et puis du vent. 6+6 b
35 Mon Dieu ! n'est-il donc pasde chemin qui ramène 6+6 a
Au bonheur d'autrefoisregretté si souvent. 6+6 b
Derrière nous le solse crevasse et s'effondre. 6+6 a
Nul ne peut retourner.Comme un maigre troupeau 6+6 b
Que l'on mène au boucher,ne pouvant plus le tondre, 6+6 a
40 La vieille Mob nous pousseà grand train au tombeau. 6+6 b
Certe, en mes jeunes ans,plus d'un bal doit éclore, 6+6 a
Plein d'or et de flambeaux,de parfums et de bruit, 6+6 b
Et mon cœur effeuillépeut refleurir encore ; 6+6 a
Mais ce ne sera pasmon bal de l'autre nuit. 6+6 b
45 Car j'étais avec toi.Tous deux seuls dans la foule, 6+6 a
Nous faisant dans notre âmeune chaste Oasis, 6+6 b
Et, comme deux enfantsau bord d'une eau qui coule, 6+6 a
Voyant onder le bal,l'un contre l'autre assis. 6+6 b
Je ne pouvais savoir,sous le satin du masque, 6+6 a
50 De quelle passionta figure vivait, 6+6 b
Et ma pensée, au volamoureux et fantasque, 6+6 a
Réalisait, en toi,tout ce qu'elle rêvait. 6+6 b
Je nuançais ton frontdes pâleurs de l'agate, 6+6 a
Je posais sur ta boucheun sourire charmant, 6+6 b
55 Et sur ta joue en fleur,la pourpre délicate 6+6 a
Qu'en s'envolant au ciellaisse un baiser d'amant. 6+6 b
Et peut-être qu'au fondde ta noire prunelle, 6+6 a
Une larme brillaitau lieu d'éclair joyeux, 6+6 b
Et, comme sous la terreune onde qui ruisselle, 6+6 a
60 S'écoulait sous le masqueinvisible à mes yeux. 6+6 b
Peut-être que l'ennuitordait ta lèvre aride, 6+6 a
Et que chaque baiseravait mis sur ta peau, 6+6 b
Au lieu de marque rose,une tache livide 6+6 a
Comme on en voit aux corpsqui sont dans le tombeau. 6+6 b
65 Car si la face humaineest difficile à lire, 6+6 a
Si déjà le front nument à la passion, 6+6 b
Qu'est-ce donc, quand le masqueest double ? Comment dire 6+6 a
Si vraiment la penséeest sœur de l'action ? 6+6 b
Et cependant, malgrécette pensée amère, 6+6 a
70 Tu m'as laissé, cher bal,un souvenir charmant ; 6+6 b
Jamais rêve d'été,jamais blonde chimère, 6+6 a
Ne m'ont entre leurs brasbercé plus mollement. 6+6 b
Je crois entendre encortes rumeurs étouffées, 6+6 a
Et voir devant mes yeux,sous ta blanche lueur, 6+6 b
75 Comme au sortir du bain,les péris et les fées, 6+6 a
Luire des seins d'argentet des cols en sueur. 6+6 b
Et je sens sur ma boucheune amoureuse haleine, 6+6 a
Passer et repassercomme une aile d'oiseau, 6+6 b
Plus suave en odeurque n'est la marjolaine 6+6 a
80 Ou le muguet des bois,au temps du renouveau. 6+6 b
O nuit ! aimable nuit !sœur de Luna la blonde, 6+6 a
Je ne veux plus servirqu'une déesse au ciel, 6+6 b
Endormeuse des mauxet des soucis du monde, 6+6 a
J'apporte à ta chapelleun pavot et du miel. 6+6 b
85 Nuit, mère des festins,mère de l'allégresse, 6+6 a
Toi qui prêtes le pande ton voile à l'amour, 6+6 b
Fais-moi, sous ton manteau,voir encor ma mtresse, 6+6 a
Et je brise l'auteld'Apollo, dieu du jour. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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