Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GAU_2/GAU63
Théophile GAUTIER
La comédie de la mort
1838
LA DIVA
On donnait à FavartMosé. Tamburini, 6+6 a
Le basso cantante,le ténor Rubini, 6+6 a
Devaient jouer tous deuxdans la pièce ; et la salle 6+6 b
Quand on l't élargieet faite colossale, 6+6 b
5 Grande comme Saint-Charleou comme la Scala, 6+6 a
N'aurait pu contenirson public ce soir-là. 6+6 a
Moi, plus heureux que tous,j'avais tout à conntre, 6+6 b
Et la voix des chanteurset l'ouvrage du mtre. 6+6 b
Aimant peu l'opéra,c'est hasard si j'y vais, 6+6 a
10 Et je n'avais pas vule Moïse français ; 6+6 a
Car notre idiome, à nous,rauque et sans prosodie, 6+6 b
Fausse toute musique ;et la note hardie, 6+6 b
Contre quelque mot durse heurtant dans son vol, 6+6 a
Brise ses ailes d'oret tombe sur le sol. 6+6 a
15 J'étais là, les deux brasen croix sur la poitrine, 6+6 b
Pour contenir mon cœurplein d'extase divine ; 6+6 b
Mes artères chantantavec un sourd frisson, 6+6 a
Mon oreille tendueet buvant chaque son, 6+6 a
Attentif, comme au bruitde la grêle fanfare, 6+6 b
20 Un cheval ombrageuxqui palpite et s'effare ; 6+6 b
Toutes les voix criaient,toutes les mains frappaient, 6+6 a
A force d'applaudirles gants blancs se rompaient ; 6+6 a
Et la toile tomba.C'était le premier acte. 6+6 b
Alors je regardai ;plus nette et plus exacte, 6+6 b
25 A travers le lorgnondans mes yeux moins distraits, 6+6 a
Chaque tête à son tourpassait avec ses traits. 6+6 a
Certes, sous l'éventailet la grille dorée, 6+6 b
Roulant, dans leurs doigts blancsla cassolette ambrée, 6+6 b
Au reflet des joyaux,au feu des diamants, 6+6 a
30 Avec leurs colliers d'oret tous leurs ornements, 6+6 a
J'en vis plus d'une belleet méritant éloge, 6+6 b
Du moins je le croyais,quand au fond d'une loge 6+6 b
J'apeus une femme.Il me sembla d'abord, 6+6 a
La loge lui formantun cadre de son bord, 6+6 a
35 Que c'était un tableaude Titien ou Giorgione, 6+6 b
Moins la fumée antiqueet moins le vernis jaune, 6+6 b
Car elle se tenaitdans l'immobilité, 6+6 a
Regardant devant elleavec simplicité, 6+6 a
La bouche épanouieen un demi-sourire, 6+6 b
40 Et comme un livre ouvertson front se laissant lire ; 6+6 b
Sa coiffure était basse,et ses cheveux moirés 6+6 a
Descendaient vers sa tempeen deux flots séparés. 6+6 a
Ni plumes, ni rubans,ni gaze, ni dentelle ; 6+6 b
Pour parure et bijoux,sa grâce naturelle ; 6+6 b
45 Pas d'oeillade hautaineou de grand air vainqueur, 6+6 a
Rien que le repos d'âmeet la bonté de cœur. 6+6 a
Au bout de quelque temps,la belle créature, 6+6 b
Se lassant d'être ainsi,prit une autre posture : 6+6 b
Le col un peu penché,le menton sur la main, 6+6 a
50 De façon à montrerson beau profil romain, 6+6 a
Son épaule et son dosaux tons chauds et vivaces 6+6 b
l'ombre avec le clairflottaient par larges masses. 6+6 b
Tout perdait son éclat,tout tombait à côté 6+6 a
De cette virginaleet sereine beauté ; 6+6 a
55 Mon âme tout entièreà cet aspect magique, 6+6 b
Ne se souvenait plusd'écouter la musique, 6+6 b
Tant cette morbidezzeet ce laisser-aller 6+6 a
Était chose charmanteet douce à contempler, 6+6 a
Tant l'œil se reposaitavec mélancolie 6+6 b
60 Sur ce pâle jasmintransplanté d'Italie. 6+6 b
Moins épris des beaux sonsqu'épris des beaux contours 6+6 a
Même au parlar Spiegar,je regardai toujours ; 6+6 a
J'admirais à part moila gracieuse ligne 6+6 b
Du col se repliantcomme le col d'un cygne, 6+6 b
65 L'ovale de la têteet la forme du front, 6+6 a
La main pure et correcte,avec le beau bras rond ; 6+6 a
Et je compris pourquoi,s'exilant de la France, 6+6 b
Ingres fit si longtempsses amours de Florence. 6+6 b
Jusqu'à ce jour j'avaisen vain cherché le beau ; 6+6 a
70 Ces formes sans puissanceet cette fade peau 6+6 a
Sous laquelle le sangne court, que par la fièvre 6+6 b
Et que jamais soleilne mordit de sa lèvre ; 6+6 b
Ce dessin lâche et mou,ce coloris blafard 6+6 a
M'avaient fait blasphémerla sainteté de l'art. 6+6 a
75 J'avais dit : l'art est faux,les rois de la peinture 6+6 b
D'un habit idéalrevêtent la nature. 6+6 b
Ces tons harmonieux,ces beaux linéaments, 6+6 a
N'ont jamais existéqu'aux cerveaux des amants, 6+6 a
J'avais dit, n'ayant vuque la laideur française, 6+6 b
80 Raphaël a menticomme Paul Véronèse ! 6+6 b
Vous n'avez pas menti,non, mtres ; voilà bien 6+6 a
Le marbre grec dorépar l'ambre italien 6+6 a
L'œil de flamme, le teintpassionnément pâle, 6+6 b
Blond comme le soleil,sous son voile de hâle, 6+6 b
85 Dans la mate blancheur,les noirs sourcils marqués, 6+6 a
Le nez sévère et droit,la bouche aux coins arqués, 6+6 a
Les ailes de cheveuxs'abattant sur les tempes ; 6+6 b
Et tous les nobles traitsde vos saintes estampes, 6+6 b
Non, vous n'avez pas faitun rêve de beauté, 6+6 a
90 C'est la vie elle-mêmeet la réalité. 6+6 a
Votre Madone est là ;dans sa loge elle pose, 6+6 b
Près d'elle vainementl'on bourdonne et l'on cause ; 6+6 b
Elle reste immobileet sous le même jour, 6+6 a
Gardant comme un trésorl'harmonieux contour. 6+6 a
95 Artistes souverains,en copistes fidèles, 6+6 b
Vous avez reproduitvos superbes modèles ! 6+6 b
Pourquoi découragépar vos divins tableaux, 6+6 a
Ai-je, enfant paresseux,jeté là mes pinceaux, 6+6 a
Et pris pour vous fixerle crayon du poëte, 6+6 b
100 Beaux rêves, obsesseursde mon âme inquiète, 6+6 b
Doux fantômes bercésdans les bras du désir, 6+6 a
Formes que la paroleen vain cherche à saisir ! 6+6 a
Pourquoi lassé trop tôtdans une heure de doute, 6+6 b
Peinture bien-aimée,ai-je quitté ta route ! 6+6 b
105 Que peuvent tous nos verspour rendre la beauté, 6+6 a
Que peuvent de vains motssans dessin arrêté, 6+6 a
Et l'épithète creuseet la rime incolore. 6+6 b
Ah ! combien je regretteet comme je déplore 6+6 b
De ne plus être peintre,en te voyant ainsi 6+6 a
110 A Mosé, dans ta loge,ô Julia Grisi ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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