Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GAU_1/GAU26
Théophile GAUTIER
ÉMAUX ET CAMÉES
1872
BUCHERS ET TOMBEAUX
Le squelette était invisible 8 a
Au temps heureux de l'Art païen ; 8 b
L'homme, sous la forme sensible, 8 a
Content du beau, ne cherchait rien. 8 b
5 Pas de cadavre sous la tombe, 8 a
Spectre hideux de l'être cher, 8 b
Comme d'un vêtement qui tombe 8 a
Se déshabillant de sa chair, 8 b
Et, quand la pierre se lézarde, 8 a
10 Parmi les épouvantements, 8 b
Montrant à l'œil qui s'y hasarde 8 a
Une armature d'ossements ; 8 b
Mais au feu du bûcher ravie 8 a
Une pincée entre les doigts, 8 b
15 Résidu léger de la vie, 8 a
Qu'enserrait l'urne aux flancs étroits ; 8 b
Ce que le papillon de l'âme 8 a
Laisse de poussière après lui, 8 b
Et ce qui reste de la flamme 8 a
20 Sur le trépied, quand elle a lui ! 8 b
Entre les fleurs et les acanthes, 8 a
Dans le marbre joyeusement, 8 b
Amours, ægipans et bacchantes 8 a
Dansaient autour du monument ; 8 b
25 Tout au plus un petit génie 8 a
Du pied éteignait un flambeau ; 8 b
Et l'art versait son harmonie 8 a
Sur la tristesse du tombeau. 8 b
Les tombes étaient attrayantes : 8 a
30 Comme on fait d'un enfant qui dort, 8 b
D'images douces et riantes 8 a
La vie enveloppait la mort ; 8 b
La mort dissimulait sa face 8 a
Aux trous profonds, au nez camard, 8 b
35 Dont la hideur railleuse efface 8 a
Les chimères du cauchemar. 8 b
Le monstre, sous la chair splendide 8 a
Cachait son fantôme inconnu, 8 b
Et l'œil de la vierge candide 8 a
40 Allait au bel éphèbe nu. 8 b
Seulement pour pousser à boire, 8 a
Au banquet de Trimalcion, 8 b
Une larve, joujou d'ivoire, 8 a
Faisait son apparition ; 8 b
45 Des dieux que l'art toujours révère 8 a
Trônaient au ciel marmoen ; 8 b
Mais l'Olympe cède au Calvaire, 8 a
Jupiter au Nazaen ; 8 b
Une voix dit : Pan est mort !— L'ombre 8 a
50 S'étend.— Comme sur un drap noir, 8 b
Sur la tristesse immense et sombre 8 a
Le blanc squelette se fait voir ; 8 b
Il signe les pierres funèbres 8 a
De son paraphe de fémurs, 8 b
55 Pend son chapelet de vertèbres 8 a
Dans les charniers, le long des murs, 8 b
Des cercueils lève le couvercle 8 a
Avec ses bras aux os pointus : 8 b
Dessine ses côtes en cercle 8 a
60 Et rit de son large rictus ; 8 b
Il pousse à la danse macabre 8 a
L'empereur, le pape et le roi, 8 b
Et de son cheval qui se cabre 8 a
Jette bas le preux plein d'effroi ; 8 b
65 Il entre chez la courtisane 8 a
Et fait des mines au miroir, 8 b
Du malade il boit la tisane, 8 a
De l'avare ouvre le tiroir ; 8 b
Piquant l'attelage qui rue 8 a
70 Avec un os pour aiguillon, 8 b
Du laboureur à la charrue 8 a
Termine en fosse le sillon ; 8 b
Et, parmi la foule priée, 8 a
Hôte inattendu, sous le banc, 8 b
75 Vole à la pâle mariée 8 a
Sa jarretière de ruban. 8 b
A chaque pas grossit la bande ; 8 a
Le jeune au vieux donne la main ; 8 b
L'irrésistible sarabande 8 a
80 Met en branle le genre humain. 8 b
Le spectre en tête se déhanche, 8 a
Dansant et jouant du rebec, 8 b
Et sur fond noir, en couleur blanche, 8 a
Holbein l'esquisse d'un trait sec. 8 b
85 Quand le siècle devient frivole 8 a
Il suit la mode ; en tonnelet 8 b
Retrousse son linceul et vole 8 a
Comme un Cupidon de ballet 8 b
Au tombeau-sofa des marquises 8 a
90 Qui reposent, lasses d'amour, 8 b
En des attitudes exquises, 8 a
Dans les chapelles Pompadour. 8 b
Mais voile-toi, masque sans joues, 8 a
Comédien que le ver mord, 8 b
95 Depuis assez longtemps tu joues 8 a
Le mélodrame de la Mort. 8 b
Reviens, reviens, bel art antique, 8 a
De ton paros étincelant 8 b
Couvrir ce squelette gothique ; 8 a
100 Dévore-le, bûcher brûlant ! 8 b
Si nous sommes une statue 8 a
Sculptée à l'image de Dieu, 8 b
Quand cette image est abattue, 8 a
Jetons-en les débris au feu. 8 b
105 Toi, forme immortelle, remonte 8 a
Dans la flamme aux sources du beau, 8 b
Sans que ton argile ait la honte 8 a
Et les misères du tombeau ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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