Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
GAU_1/GAU14
Théophile GAUTIER
ÉMAUX ET CAMÉES
1872
VIEUX DE LA VIEILLE
15 DÉCEMBRE
Par l'ennui chassé de ma chambre, 8 a
J'errais le long du boulevard : 8 b
Il faisait un temps de décembre, 8 a
Vent froid, fine pluie et brouillard ; 8 b
5 Et là je vis, spectacle étrange, 8 a
Échappés du sombre séjour, 8 b
Sous la bruine et dans la fange, 8 a
Passer des spectres en plein jour. 8 b
Pourtant c'est la nuit que les ombres, 8 a
10 Par un clair de lune allemand, 8 b
Dans les vieilles tours en décombres, 8 a
Reviennent ordinairement ; 8 b
C'est la nuit que les Elfes sortent 8 a
Avec leur robe humide au bord, 8 b
15 Et sous les nénuphars emportent 8 a
Leur valseur de fatigue mort ; 8 b
C'est la nuit qu'a lieu la revue 8 a
Dans la ballade de Zedlitz, 8 b
l'Empereur, ombre entrevue, 8 a
20 Compte les ombres d'Austerlitz. 8 b
Mais des spectres près du Gymnase, 8 a
A deux pas des Variétés, 8 b
Sans brume ou linceul qui les gaze, 8 a
Des spectres mouillés et crottés ! 8 b
25 Avec ses dents jaunes de tartre, 8 a
Son crâne de mousse verdi, 8 b
A Paris, boulevard Montmartre, 8 a
Mob se montrant en plein midi ! 8 b
La chose vaut qu'on la regarde : 8 a
30 Trois fantômes de vieux grognards ! 8 b
En uniformes de l'ex-garde, 8 a
Avec deux ombres de hussards ! 8 b
On t dit la lithographie 8 a
, dessinés par un rayon, 8 b
35 Les morts, que Raffet déifie, 8 a
Passent, criant : Napoléon ! 8 b
Ce n'était pas les morts qu'éveille 8 a
Le son du nocturne tambour, 8 b
Mais bien quelques vieux de la vieille 8 a
40 Qui célébraient le grand retour. 8 b
Depuis la suprême bataille, 8 a
L'un a maigri, l'autre a grossi ; 8 b
L'habit jadis fait à leur taille 8 a
Est trop grand ou trop rétréci. 8 b
45 Nobles lambeaux, défroque épique, 8 a
Saints haillons, qu'étoile une croix, 8 b
Dans leur ridicule héroïque 8 a
Plus beaux que des manteaux de rois ; 8 b
Un plumet énervé palpite 8 a
50 Sur leur kolbach fauve et pelé ; 8 b
Près des trous de balle, la mite 8 a
A rongé leur dolman criblé ; 8 b
Leur culotte de peau trop large 8 a
Fait mille plis sur leur fémur ; 8 b
55 Leur sabre rouillé, lourde charge, 8 a
Creuse le sol et bat le mur ; 8 b
Ou bien un embonpoint grotesque, 8 a
Avec grand'peine boutonné, 8 b
Fait un poussah, dont on rit presque, 8 a
60 Du vieux héros tout chevronné. 8 b
Ne les raillez pas, camarade ; 8 a
Saluez plutôt chapeau bas 8 b
Ces Achilles d'une Iliade 8 a
Qu'Homère n'inventerait pas. 8 b
65 Respectez leur tête chenue ! 8 a
Sur leur front par vingt cieux bronzé, 8 b
La cicatrice continue 8 a
Le sillon que l'âge a creusé. 8 b
Leur peau, bizarrement noircie, 8 a
70 Dit l'Égypte aux soleils brûlants ; 8 b
Et les neiges de la Russie 8 a
Poudrent encor leurs cheveux blancs. 8 b
Si leurs mains tremblent, c'est sans doute 8 a
Du froid de la Bérésina ; 8 b
75 Et s'ils boitent, c'est que la route 8 a
Est longue du Caire à Wilna ; 8 b
S'ils sont perclus, c'est qu'à la guerre 8 a
Les drapeaux étaient leurs seuls draps ; 8 b
Et si leur manche ne va guère, 8 a
80 C'est qu'un boulet a pris leur bras. 8 b
Ne nous moquons pas de ces hommes 8 a
Qu'en riant le gamin poursuit ; 8 b
Ils furent le jour dont nous sommes 8 a
Le soir et peut-être la nuit. 8 b
85 Quand on oublie, ils se souviennent ! 8 a
Lancier rouge et grenadier bleu, 8 b
Au pied de la colonne, ils viennent 8 a
Comme à l'autel de leur seul dieu. 8 b
Là, fiers de leur longue souffrance, 8 a
90 Reconnaissants des maux subis, 8 b
Ils sentent le cœur de la France 8 a
Battre sous leurs pauvres habits. 8 b
Aussi les pleurs trempent le rire 8 a
En voyant ce saint carnaval, 8 b
95 Cette mascarade d'empire, 8 a
Passer comme un matin de bal ; 8 b
Et l'aigle de la grande armée 8 a
Dans le ciel qu'emplit son essor, 8 b
Du fond d'une gloire enflammée, 8 a
100 Étend sur eux ses ailes d'or ! 8 b
mètre profil métrique : 8
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