Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
FRK_2/FRK6
corpus Pamela Puntel
Félix FRANK
CHANTS DE COLÈRE
1871
L’EMPIRE
LA VOLONTÉ
SAVEZ-VOUS le secret des fortunes sublimes, 6+6 a
Et comment vers le ciel on dresse un front vainqueur ? 6+6 b
Savez-vous, quand on part des plus profonds abîmes, 6+6 a
Comment on peut monter jusqu’aux plus âpres cîmes ?… 6+6 a
5 Il suffit que l’on ait un grand vouloir au cœur ! 6+6 b
Pourvu que dans l’orgueil on ait l’âme trempée, 6+6 a
— J’entends ce noble orgueil qui ne sait point gauchir,— 6+6 b
Pourvu qu’on ait la foi, qui vaut mieux qu’une épée ; 6+6 a
Pourvu que sous le poids d’un rêve d’épopée 6+6 a
10 On reste calme et fort, sans trembler ni fléchir ; 6+6 b
Pourvu qu’on soit armé d’une constance entière, 6+6 a
Et que dans la bataille on ne recule pas, 6+6 b
On a de quoi mater la Destinée altière, 6+6 a
Et des dieux inconnus sortent de la poussière 6+6 a
15 Pour semer de clartés la trace de vos pas ! 6+6 b
Ah ! c’est que l’énergie est la reine du monde, 6+6 a
Et la couronne attend tous ceux qu’elle allaita ! 6+6 b
Un jour ils marcheront dans la lumière blonde, 6+6 a
Comme ces Immortels qu’un flot de gloire inonde 6+6 a
20 Et qu’au matin des temps la Nature enfanta ! 6+6 b
Un jour, enveloppés de la pourpre éternelle, 6+6 a
Ils graviront l’Olympe où siègent les héros ; 6+6 b
L’éther immaculé baignera leur prunelle, 6+6 a
Et l’Histoire, inclinant sa taille solennelle, 6+6 a
25 Baisera longuement la marque se leurs os !… 6+6 b
— Mais combien en voit-on de ces vigueurs sereines ? 6+6 a
Mais combien en voit-on de ces mâles vertus ? 6+6 b
Qui donc ose descendre au milieu des arènes, 6+6 a
Et dominant la foule aux clameurs souveraines, 6+6 a
30 Lui montrer ses faux dieux sur le sol abattus ? 6+6 b
Qui donc va droit au but d’une façon hardie ? 6+6 a
Qui donc ne cherche pas de sentiers clandestins ? 6+6 b
Dans la nuit de l’intrigue et de la comédie, 6+6 a
Où l’âme sans pudeur se traîne abâtardie, 6+6 a
35 Qui lui rendra l’élan de ces défis hautains ? 6+6 b
Qui lui rendra jamais la généreuse fibre 6+6 a
Qu’elle sentait frémir en elle aux temps passés, 6+6 b
Alors qu’elle vivait au soleil, fière et libre, 6+6 a
Répétant ces grands mots par qui tout grand cœur vibre, 6+6 a
40 Qui par d’autres jamais ne seront effacés : 6+6 b
Justice et Vérité, Dévoûment et Patrie ?… 6+6 a
Vous qui portez écrit au front : quatre-vingt-neuf, 6+6 b
O pères glorieux d’une race amoindrie, 6+6 a
De votre âme sublime, où débordait la vie, 6+6 a
45 Pour combien de saisons ce monde est-il donc veuf ? 6+6 b
Qui gonflera de sang nos veines appauvries ? 6+6 a
Qui nous relèvera de cet énervement ?… 6+6 b
Nous avons bien tué les antiques Furies ; 6+6 a
Vieillards, rien ne bat plus sous nos tempes flétries, 6+6 a
50 Et le calcul sordide est notre seul aimant ! 6+6 b
Que de pâles rhéteurs ! Que de nains pour un homme ! 6+6 a
Vous dormez, ô penseurs, laissant agir les sots ; 6+6 b
Et si vous demandez, sortant de votre somme, 6+6 a
A cet âge bâtard de quel nom il se nomme, 6+6 a
55 Seul un bruit d’or répond, couvrant le bruit des mots. 6+6 b
Rien… que l’amer silence ou l’ignoble risée 6+6 a
Des aigrefins joyeux qui forcent le hasard ; 6+6 b
Ou les chants de l’orgie à la voix épuisée, 6+6 a
Fêtant avec fracas l’homme de l’Élysée 6+6 a
60 Hissé par des ruffians jusqu’au rang de César ! 6+6 b
Le peuple, qui grondait aux pieds des utopistes, 6+6 a
Rumine en cheminant comme un bœuf de labour ; 6+6 b
Des pleurs silencieux tombent de ses yeux tristes. 6+6 a
— Va donc ! Il ne faut pas, ô bœuf, que tu résistes ! 6+6 a
65 Fends la glèbe et travaille à la chaleur du jour ! 6+6 b
Meure en toi le regret du libre pâturage, 6+6 a
De l’immense domaine où tu n’as pu rester ! 6+6 b
Marche ! Porte le joug et subis ton servage ; 6+6 a
Jadis on t’accusait de révolte sauvage : 6+6 a
70 Tu n’est plus ce taureau quoi craignait d’irriter ! 6+6 b
Misérable captif dont le jarret chancelle, 6+6 a
Tu n’as plus ton ardeur ni ta grave beauté ; 6+6 b
et tu ne pourras fuir le mal qui te harcèle 6+6 a
Tant qu’il te manquera la foi, cette étincelle, 6+6 a
75 Et cette arme que rien ne rompt : la volonté ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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