Métrique en Ligne
FRA_2/FRA27
Anatole FRANCE
IDYLLES ET LÉGENDES
1896
La Sagesse des Griffons
C’était la nuit ardente et le retour du bal ; 6+6 a
Vaincue et triomphante et chastement lascive, 6+6 b
Elle disait d’un ton de bien-être : J’ai mal ! 6+6 a
Les roses s’effeuillaient sur sa tête pensive 6+6 b
5 Où murmurait encor l’âme des violons ; 6+6 a
Son pied avait parfois un spasme mélodique. 6+6 b
Le mouchoir de dentelle au bout de ses doigts longs 6+6 a
Glissait ; et sur les bras du fauteuil héraldique, 6+6 b
Ses bras minces et blancs s’allongeaient mollement, 6+6 a
10 Nus, et laissaient tomber le fragile corsage, 6+6 b
Si bien que, sur le sein, à chaque battement, 6+6 a
L’ombre qui rend songeur se creusait davantage 6+6 b
Dans la blancheur de sa chair de camélia. 6−6 a
Mais soulevant ses bras, lianes odorantes, 6+6 b
15 Lentement sur mon col, douce, elle les lia, 6+6 a
Et soupira : Toujours ! de ses lèvres mourantes. 6+6 b
Sur sa tête d’enfant penchée au poids des fleurs 6+6 a
Le dossier droit et haut montait lourd de ténèbres, 6+6 b
Et sur sa nuque folle aux neigeuses fraîcheurs 6+6 a
20 Les Griffons lampassés prenaient des airs funèbres, 6+6 b
Car ils remémoraient, en de calmes ennuis, 6+6 a
La longue obsession de leurs regards de chêne : 6+6 b
Les bras évanouis des anciennes nuits 6+6 a
Qui tous voulaient jeter une éternelle chaîne, 6+6 b
25 Insensés ! sur le cou docile de l’aimé, 6+6 a
Ne sachant pas qu’au fond des demeures affreuses, 6+6 b
Tout seuls, pliés en croix sur le sein accalmé, 6+6 a
Ils s’en iraient où vont les bras des amoureuses. 6+6 b
Car les Griffons debout au chevet féodal, 6+6 a
30 Chimériques témoins de mes belles chimères, 6+6 b
S’étaient enfin lassés d’entendre, après le bal, 6+6 a
Les serments éternels des bouches éphémères. 6+6 b
mètre profil métrique : 6−6
forme globale type : suite de strophes
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