Métrique en Ligne
FER_1/FER33
Albert FERLAND
MÉLODIES POÉTIQUES
1893
VOIX INTÉRIEURES
APPARENCES ILLUSOIRES
AUX JEUNES FILLES
Ô très douces enfants, mignonnes jeunes filles 6+6 a
Dont j'aime la candeur et les mines gentilles, 6+6 a
Les ris harmonieux plus qu'un chant d'oisillons 6+6 b
Et les naïvetés et les beaux cheveux blonds, 6+6 b
5 Gardez-vous de le croire exempt des noirs orages, 6+6 a
Toujours beau, toujours doux, ainsi que sans nuages, 6+6 a
L'âge où l'amour s'éveille et fait vibrer le cœur, 6+6 b
Rend l'homme sérieux, joyeux, triste ou moqueur, 6+6 b
Où chaque passion se présente à sa porte, 6+6 a
10 Cachant sous les plaisirs les malheurs qu'elle apporte, 6+6 a
Où nous sevrons nos cœurs de toute charité 6+6 b
Pour le nourrir, hélas ! avec la vanité ! 6+6 b
Oh ! notre âge n'est pas aussi beau qu'il vous semble : 6+6 a
Il épanche la joie et la tristesse ensemble ; 6+6 a
15 Nous chantons aujourd'hui ; nous pleurerons demain. 6+6 b
C'est ainsi, mes enfants, qu'on parcourt le chemin 6+6 b
Qui mène, tôt ou tard, aux confins de la vie. 6+6 a
Où la mort, tour à tour, au tombeau nous convie 6+6 a
A poser le fardeau de notre adversité, 6+6 b
20 Et franchir, bien ou mal, ce seuil l'Éternité. 6+6 b
Nous sourions parfois, mais, hélas ! le sourire 6+6 a
Qui, comme en vos beaux yeux, dans les nôtres vient luire 6+6 a
Est rarement l'effet d'une pure gaîté, 6+6 b
Car nous rions souvent le cœur bien attristé. 6+6 b
25 Plaignez notre sourire et doutez de ses charmes 6+6 a
Qui brodent le mensonge en vous voilant nos larmes. 6+6 a
Si tout naïvement vous trouvez curieux 6+6 b
Que nous cachions nos pleurs en paraissant joyeux, 6+6 b
C'est que vous ignorez sous quelles apparences 6+6 a
30 Peuvent se présenter les peines, les souffrances, 6+6 a
C'est que le mal pour vous n'est pas encor venu 6+6 b
Et que le sombre doute est de vous inconnu. 6+6 b
Ah ! lorsque vous verrez ce temps plein de tristesse, 6+6 a
Où la douleur arrive et l'espoir nous délaisse, 6+6 a
35 Où l'on trouve toujours l'épine auprès des fleurs, 6+6 b
Où le rire est parfois plus amer que vos pleurs, 6+6 b
Vous comprendrez alors comment notre sourire 6+6 a
Peut briller dans nos yeux bien que le cœur soupire. 6+6 a
En attendant chantez, sans envier ce temps 6+6 b
40 Tout rempli du regret des rayons du printemps. 6+6 b
Oui, ne mûrissez point vos naïves pensées ; 6+6 a
Ne fuyez pas votre aube aux limpides rosées ; 6+6 a
Jouissez du bonheur qui sous vos pas fleurit ; 6+6 b
Contemplez votre ciel dont l'azur vous sourit ; 6+6 b
45 Chérissez les parfums, les oiseaux et les roses : 6+6 a
Les cœurs ne souffrent pas dans l'amour de ces choses. 6+6 a
Jouez sur le rivage où la source des jours 6+6 b
Chante, avant que l'autan bouleverse son cours ; 6+6 b
Restez dans vos vallons et sous vos frais ombrages ; 6+6 a
50 Soyez le plus longtemps à l'abri des orages, 6+6 a
Et fuyez ce vain monde et ses nombreux appas 6+6 b
Qu'en demandant vos cœurs il sème sous vos pas ; 6+6 b
Méprisez ses plaisirs que le pervers moissonne ; 6+6 a
Rejetez ses conseils que le mal assaisonne ; 6+6 a
55 Redoutez sa louange et son rire flatteur, 6+6 b
Car c'est en caressant qu'il flétrit la pudeur. 6+6 b
Si vous voulez garder, ô douces jeunes filles, 6+6 a
Et vos espoirs vermeils et vos mines gentilles, 6+6 a
Votre rire argentin, vos charmantes gaîtés, 6+6 b
60 Ainsi que vos vertus et vos naïvetés, 6+6 b
Ne vous arrêtez point à ses molles louanges ; 6+6 a
Ne prêtez pas l'oreille à ses discours étranges. 6+6 a
Qui vous font tant rougir et baisser vos beaux yeux ; 6+6 b
Restez, restez enfants ; ne quittez pas vos jeux, 6+6 b
65 Ni vos rêves dorés, plus beaux qu'une chimère, 6+6 a
Ni vos propos légers égayant votre mère, 6+6 a
Et ne regardez point par delà les seize ans 6+6 b
Pour voir s'il y fait beau plus qu'en votre printemps. 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de distiques
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