Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DUP_1/DUP1
corpus Pamela Puntel
Gustave DUPIN
SEDAN
1871
SEDAN
Le sang à ce nom seul, se fige dans les veines, 6+6 a
Par un rêve hideux l'on se croit tourmenté, 6+6 b
Il passe sur le front de fétides haleines, 6+6 a
Comme devant l'abîme on est épouvanté. 6+6 b
5 Puis, quand la stupeur cesse, et que l'on se réveille, 6+6 a
Croyant avoir chassé la sombre vision, 6+6 b
Le spectre est encor là qui bourdonne à l'oreille 6+6 a
Le mot, l'horrible mot capitulation ! 6+6 b
Et quand de ce marché, quand de ce pacte infâme 6+6 a
10 Vous pénétrez enfin le secret ténébreux, 6+6 b
Un cri soudain alors s'échappe de votre âme, 6+6 a
Cri de haine et de rage, effrayant, douloureux. 6+6 b
Car Sedan, c'est bien moins le revers que la honte ; 6+6 a
C'est la boue et le sang mêlés dans un seul lot ; 6+6 b
15 C'est l'odieux calcul c'est le traître qui compte 6+6 a
Ce que doit lui valoir son atroce complot. 6+6 b
Sedan, au dernier jour, est une cuve immense 6+6 a
Où soldats et chevaux, armes, caissons, plomb, fer, 6+6 b
Mêlés, broyés, fondus par un bras en démence, 6+6 a
20 Se tordent convulsifs comme dans un enfer. 6+6 b
C'est la tombe où la France, éperdue et trahie, 6+6 a
Le front ceint de cyprès à défaut de lauriers, 6+6 b
Victime lamentable, avant d'être envahie, 6+6 a
S'ensevelit vivante avec tous ses guerriers. 6+6 b
25 Ah ! de quels désespoirs et de combien de larmes 6+6 a
Ils l'ont accompagné leur holocauste affreux, 6+6 b
Ces fiers soldats contraints de déposer leurs armes 6+6 a
Sans combattre, et combien ils furent malheureux ! 6+6 b
Je le sais, et devant cet amer sacrifice, 6+6 a
30 Qu'une rigide loi les forçait de subir, 6+6 b
Je ne recherche point, accusateur d'office, 6+6 a
S'ils pouvaient justement refuser d'obéir. 6+6 b
Tous n'acceptèrent pas l'aveugle suicide ; 6+6 a
Plus d'an sut résister : honneur à qui l'osa ! 6+6 b
35 Mais j'en veux au cruel, au lâche parricide 6+6 a
Qui signa le traité de honte et l'imposa. 6+6 b
Il pouvait se donner d'illustres funérailles ; 6+6 a
Il pouvait, par un mâle et glorieux effort, 6+6 b
S'élancer à travers ces épaisses murailles ' 6+6 a
40 D'ennemis l'enserrant dans un cercle de mort. 6+6 b
Ce glaive encor souillé du meurtre de Décembre, 6+6 a
Ce glaive humide encor d'un si généreux sang, 6+6 b
Par le sang du Teuton, par celui du Sicambre, 6+6 a
Purifié, l'aurait rendu presque innocent. 6+6 b
45 Et s'il ne brisait point la formidable enceinte, 6+6 a
S'il tombait fracassé par le terrible écueil, 6+6 b
Il tombait revêtu de la majesté sainte 6+6 a
D'un empire croulant sous la patrie en deuil. 6+6 b
Mais quand autour de lui, prêts à vomir la foudre, 6+6 a
50 Il vit tant de canons braqués de toutes parts, 6+6 b
Il oublia qu'il lui restait assez de poudre 6−6 a
Pour se faire un tombeau de ses frêles remparts ; 6+6 b
Mais il ne se souvint qu'il portait une épée 6+6 a
Que pour la retirer humblement du fourreau 6+6 b
55 Et la rendre, cette arme aux combats mal trempée, 6+6 a
Et qui ne fut jamais que l'arme d'un bourreau. 6+6 b
Ah ! je reconnais bien l'éternelle justice ! 6+6 a
Il était dit là-haut que, par un beau trépas, 6+6 b
L'homme des coups d'État, ce héros tout factice, 6+6 a
60 De son forfait ancien ne se laverait pas ! 6+6 b
Pour sauver sa couronne, il a sauvé sa vie ! 6+6 a
Régner quand même fut son espoir suborneur ; 6+6 b
Il a parodié du vaincu de Pavie 6+6 a
Le mot sublime : « Tout est perdu, fors l'honneur ! » 6+6 b
65 Sedan, ce pilori, cette immortelle injure, 6+6 a
Dont ne sera jamais le pays racheté, 6+6 b
C'est l'expiation d'un crime, le parjure, 6+6 a
Par un crime plus grand, l'insigne lâcheté ! 6+6 b
Mais, hélas ! c'est aussi le deuil inconsolable, 6+6 a
70 La ruine, ô mon Dieu ! que cet effondrement ! 6+6 b
Et la France, à tes yeux, fut-elle si coupable 6+6 a
Qu'elle dût recevoir un pareil châtiment ? 6+6 b
Dans ce gouffre sans fond, mystérieux abîme 6+6 a
Où s'engloutit un trône, une armée à la fois, 6+6 b
75 N'était-ce pas assez d'une double victime, 6+6 a
Et fallait-il encor qu'il en dévorât trois ? 6+6 b
Car Sedan, c'est la France aux barbares livrée, 6+6 a
C'est le viol de Metz, c'est, logique du sort, 6+6 b
Paris capitulant, la patrie éventrée, 6+6 a
80 C'est l'affreuse rançon, la ruine et la mort ! 6+6 b
A côté de Sedan, ce désastre suprême, 6+6 a
Qu'est-ce que Baylen, qu'est-ce que Pultawa ? 6+6 b
Sedan, il fait pâlir Warterloo lui-même ! 6+6 a
Et peut-on bien encor parler de Sadowa ? 6+6 b
85 Que sont près de Sedan les fatales journées, 6+6 a
Les douleurs de Crécy, de Poitiers, d'Azincourt, 6+6 b
Que la France aguerrie aux luttes obstinées. 6+6 a
Bientôt venge en brisant un joug honteux et lourd ? 6+6 b
Sedan, c'est l'inconnu, le monstrueux, l'horrible, 6+6 a
90 Un prodige d'opprobre et de calamité, 6+6 b
Dans les fastes humains exception terrible, 6+6 a
Et qui sera l'effroi de la postérité. 6+6 b
O cité de malheur ! je frémis, ma main tremble, 6+6 a
Quand je trace, Sedan, tes cinq lettres de feu ! 6+6 b
95 Car je vois le passé, l'avenir tout ensemble, 6+6 a
Atteints par ce grand coup marqué du doigt de Dieu ! 6+6 b
Je vois ton spectre pâle éclipsant de son ombre 6+6 a
Les radieux soleils d'Iéna, d'Austerlitz, 6+6 b
Et dans l'obscur lointain couvrant d'un voile sombre 6+6 a
100 Les plus fameux exploits de l'étendard des lis. 6+6 b
La France, qui comptait presque autant de victoires 6+6 a
Que de combats, déchue aujourd'hui de son rang, 6+6 b
La France ne peut plus se parer de ses gloires, 6+6 a
Que raille et que rançonne un brutal conquérant. 6+6 b
105 Comme au temps d'Attila, pour chasser le barbare, 6+6 a
Elle n'a pas trouvé de patrice romain ; 6+6 b
Le grand Aétius brisa le flot tartare, 6+6 a
Et la France n'a pu briser le flot germain. 6+6 b
A celle qui fut l'âme et le flambeau du monde, 6+6 a
110 La Prusse, à peine admise au cénacle des rois, 6+6 b
Parmi les nations pas même la seconde, 6+6 a
La Prusse, cet intrus, dicte aujourd'hui des lois ! 6+6 b
Ah ! pour faire rougir la Fortune insolente, 6+6 a
De si cruels dédains, de si rudes malheurs, 6+6 b
115 Le courroux indigné, la haine virulente, 6+6 a
Le mépris, ne sont pas assez, il faut des pleurs ! 6+6 b
Laissez-moi donc pleurer au pied de ce Calvaire, 6+6 a
Où la France, élevant ses bras meurtris au ciel, 6+6 b
Sous les coups du destin de plus en plus sévère, 6+6 a
120 Dut boire jusqu'au fond le calice de fiel ! 6+6 b
Oui, laissez-moi pleurer ; car pleurer c'est comprendre 6+6 a
Toute l'immensité d'un revers inouï ! 6+6 b
Car pleurer ce n'est point pardonner, mais attendre 6+6 a
Que l'infaillible jour de la revanche ait lui ! 6+6 b
125 Car après tant d'affronts, après tant d'avanies, 6+6 a
Pleurer n'empêche point l'anathème vengeur ; 6+6 b
Car on peut, en pleurant, vouer aux gémonies 6+6 a
Le lâche qui fut traître et le Roi ravageur. 6+6 b
Car Sedan c'est Satan, nom maudit, fatidique, 6+6 a
130 Dont le sinistre éclat flamboiera désormais, 6+6 b
Au fronton de ce livre, implacable, authentique, 6+6 a
Qui s'appelle l'Histoire et qui ne ment jamais ! 6+6 b
◗ GUSTAVE DUPIN
mètre profil métrique : 6−6
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