Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DUC_3/DUC116
Alexandre DUCROS
Les Étrivières
1867-1885
Troisième partie
(1871-1885)
A Jules Tourret
de Nîmes
Ami, si depuis de longs mois, 8 a
Ma bouche a gardé le silence, 8 b
Ce n'est point par indifférence ; 8 b
Mon cœur, malgré tous ses émois, 8 a
5 A conservé la souvenance. 8 b
Oh ! non, je n'ai pas oublié, 8 a
Pas même un jour, une seconde ! 8 b
Mais l'œuvre ardue et peu féconde, 8 b
A laquelle je suis lié, 8 a
10 Semble me séquestrer du monde. 8 b
Et je vis au milieu pourtant 8 a
De ce monde, sombre cohue, 8 b
Qui grouille, va, salit et hue, 8 b
Ami, ce que nous aimons tant, 8 a
15 Ce que le monde prostitue ; 8 b
Ce que je mets au premier rang ; 8 a
Le Beau, qui fortifie, élève ; 8 b
Le Bien, qui bout comme une sève ; 8 b
Le Vrai, qui nous fait forts et grands, 8 a
20 Devant l'exil, devant le glaive ! 8 b
Ruse, mensonge, trahison, 8 a
Voilà désormais la science, 8 b
L'unique loi de Sapience ; 8 b
On fait outrage à la raison. 8 a
25 On bâillonne la conscience ! 8 b
Et tout est dit ! et tout est bien ! 8 a
Ma foi tant pis pour qui s'attarde ! 8 b
La morale est une bâtarde, 8 b
Qui veut la fin veut le moyen 8 a
30 N'obtient rien qui rien ne hasarde ! 8 b
Le Bien par le Mal combattu, 8 a
Dispartra dans la bourrasque 8 b
— « Avec ton allure fantasque, 8 b
Que viens-tu faire ici, vertu ? 8 a
35 Va-t'en ! nous avons mis ton masque ! » 8 b
Et voilà ce que l'on entend ! 8 a
Et voilà ce qui se pratique ! 8 b
Religion et politique, 8 b
Tout se dissout, tout se détend, 8 a
40 Du palais jusqu'à la boutique 8 b
Pour des biens louchement acquis, 8 a
Le marquis troque sa noblesse, 8 b
Et se vautrant dans la mollesse, 8 b
Un goujat chausse, du marquis, 8 a
45 L'élégant soulier… qui le blesse ! 8 b
sont les généreux penchants ? 8 a
Le sang des vieux lions superbes, 8 b
N'a produit que des chiens couchants ; 8 a
Les bons travaillent ; les méchants 8 a
50 Entre eux se partagent les gerbes ! 8 b
C'est la foire aux ambitions ; 8 a
Aux gros emplois, aux sinécures ; 8 b
Aux bonnes situations ; 8 a
C'est le Hall des corruptions, 8 a
55 Le marché des choses obscures ! 8 b
Avec les grands mots que d'aucuns 8 a
Font passer comme des muscades, 8 b
On prend les moments opportuns ; 8 a
Sous les tréteaux de maints tribuns, 8 a
60 S'échafaudent des barricades ! 8 b
— « Va te faire tuer, — naïf ! 8 a
Marche aux pontons ; cours à Cayenne 8 b
Pour moi qui tiens au lucratif, 8 a
Crève ! on va sur un sombre esquif, 8 a
65 Trouver le canaque et l'hyène. » 8 b
Et des malheureux, ahuris, 8 a
Le camp se soulève, s'insurge, 8 b
De fausses doctrines nourris ! 8 a
Les cœurs froissés, les cœurs meurtris, 8 a
70 Les suivent, moutons de Panurge ! 8 b
Plutôt que de prendre, ami cher, 8 a
Leur route qui conduit aux bouges, 8 b
la liberté meurt sans air, 8 a
J'aimerais mieux livrer ma chair, 8 a
75 A la morsure de fers rouges ! 8 b
II
C'est par le labeur patient, 8 a
Que naguère on cherchait l'aisance, 8 b
Le repos calme, souriant, 8 a
Pour la vieillesse ; — maintenant, 8 a
80 On veut de suite l'opulence ; 8 b
On veut posséder pour fouir, 8 a
Pour bien jouir, vite et quand même. 8 b
Aussi voit-on s'évanouir 8 a
Ce qu'hier fit épanouir, 8 a
85 Sur le tremplin d'un tel système (1) 8 b
Tout s'effondre en de tels ébats ; 8 a
Rien n'est d'aplomb, tout est secousse ; 8 b
En haut, c'est le gâchis, — en bas, 8 a
La haine hante les grabats… 8 a
90 Alors, va comme je te pousse ! 8 b
Et dans les sordides rumeurs, 8 a
Dans les abois de la curée, 8 b
Dans l'effarement des clameurs, 8 a
Sombre la pureté des mœurs, 8 a
95 Dont la porte austère est murée ! 8 b
Plus de principe triomphant, 8 a
De salutaire prévoyance ; 8 b
Chacun s'observe ; on se défend… 8 a
La bouche même de l'enfant, 8 a
100 A blasphémé toute croyance ! 8 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
Ami, je m'arrête ; mon vers 8 a
Clamerait la désespérance. 8 b
Non ! malgré des esprits pervers, 8 a
Ne redoutons aucun revers, 8 a
105 Pour notre grande et chère France ! 8 b
C'est un équinoxe. — Attendons ! 8 a
L'heure marche, qui nous sépare 8 b
Du noble but nous tendons, 8 a
Et le bruit que nous entendons. 8 a
110 C'est l'Avenir qui se prépare ; 8 b
C’est l'immense tâtonnement, 8 a
Dans la grande nuit séculaire, 8 b
Du passé, l'obscur firmament, 8 a
Dispart au rayonnement, 8 a
115 Du ciel nouveau qui nous éclaire ! 8 b
Ainsi le progrès l'ordonna. 8 a
L'avenir, d'amour étincelle ! 8 b
Les peuples que l'on bâillonna, 8 a
Bientôt chanteront l'Hosanna, 8 a
120 De la Justice Universelle ! 8 b
Que de fortunes rapidement acquises, on ne sait
comment la plupart du temps, voit-on sombrer
plus rapidement encore !
mètre profil métrique : 8
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