Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DSA_1/DSA5
Alfred de ESSARTS
LA COMÉDIE DU MONDE
1851
IV
UNE PROPOSITION
 Nous devons maintenantretourner en arrière, 6+6 a
 Pour jeter sur les faitsun rayon de lumière. 6+6 a
 « — Comment, nous dira-t-on,Arthur avec succès 6+6 b
 De l'hôtel de Cercourtavait-il eu l'accès ? — » 6+6 b
5  Sans obstacle. Il s'étaittrouvé sur son passage 6+6 a
 Une femme du monde ;au prix de quelque hommage 6+6 a
 Elle avait bien vouluprésenter le baron 6+6 b
 Chez le vieux général,à se lier fort prompt. 6+6 b
 Officieux, poli,de visite en visite 6+6 a
10  Arthur avait parunécessaire très-vite. 6+6 a
 Il prodiguait son temps ;pour Madame il courait : 6+6 b
 Sur un mot d'Amélieil partait comme un trait, 6+6 b
 Enfin multipliaitses aimables services. 6+6 a
 Nul, excepté Firmin,ne lui croyait des vices. 6+6 a
15  Le brave généralne pouvait dire un mot, 6+6 b
 Sans que de Rozemonil parlât aussitôt ; 6+6 b
 Il exaltait en luises beaux traits, sa belle âme, 6+6 a
 Comme pour le jeterdans les bras de sa femme. 6+6 a
 Tous ces maris, l'amourleur pose son bandeau, 6+6 b
20  Et pour eux le bonheurpart presque un fardeau. 6+6 b
  Il nous faut revenirà Caron, — pauvre hère 6+6 a
 Qui dispute sa vieà l'atroce misère ; 6+6 a
 Courant tous les hasards,narguant tout préjugé ; 6+6 b
 Ballotté par le sort,mais non découragé. 6+6 b
25  Il avait recueilliquelque part, dans la ville, 6+6 a
 Une rumeur touchantle vieux duc de Surville. 6+6 a
 Ce dernier, disait-on,avait certain désir 6+6 b
 D'autobiographie ;et faute de loisir 6+6 b
 — Et de style peut-êtreil prait une plume 6+6 a
30  Qui de ses Souvenirsferait maint gros volume. 6+6 a
 Le noble duc sauraitce que cte l'honneur 6+6 b
 D'être tout à la foisle héros et l'auteur. 6+6 b
  Ce plan bien combiné,chez Firmin le poëte 6+6 a
 Caron alla tout droitprésenter sa requête. 6+6 a
35  Par-dessus tout Firminétait bon, obligeant, 6+6 b
 Ne mesurant pas plusson temps que son argent. 6+6 b
 Or, quand il eut lestépar un repas solide 6+6 a
 Notre auteur famélique,il lui servit de guide, 6+6 a
 Pour le faire conntreau Mécène nouveau. 6+6 b
40  Tout en marchant, Caroncherchait dans son cerveau 6+6 b
 La meilleure façonde plaire au personnage 6+6 a
 Et de faire agréerl'encens de son hommage. 6+6 a
  Le duc était assisen face de son feu 6+6 b
 Dans un vaste fauteuil ;il toussait quelque peu 6+6 b
45  Par habitude, ayantreconnu qu'on pardonne 6+6 a
 Ses honneurs à celuique la vie abandonne. 6+6 a
 « — Pauvre duc ! disait-on,ce n'est pas pour longtemps 6+6 b
 Qu'il est ambassadeur !» — Depuis plus de trente ans 6+6 b
 On l'avait répété,bien qu'il soit ordinaire, 6+6 a
50  Lorsqu'on se porte mal,de mourir centenaire. 6+6 a
  Donc le duc de Surville,assis en son fauteuil, 6+6 b
 Parut se souleveret, clignotant de l'œil, 6+6 b
 Invita polimentCaron et le poëte 6+6 a
 A prendre place ; puis,ferme sur l'étiquette, 6+6 a
55  Il parla gravementsur tous sujets ; fort bien, 6+6 b
 Mais si l'on t sondéle fond de l'entretien, 6+6 b
 On t vu qu'il avaitévité, par prudence, 6+6 a
 De parler ou penseravec trop d'évidence. 6+6 a
 De sorte qu'en prenantcongé du noble duc, 6+6 b
60   Caron était certainque ce vieillard caduc 6+6 b
 N'avait plus une idée ;et que, riche imbécile, 6+6 a
 On pouvait sûrementl'étiqueter fossile. 6+6 a
 Ensuite il réfléchitqu'il était invité 6+6 b
 A revenir parfoisen toute liberté. 6+6 b
65  Pour lui ce souvenirfut un trait de lumière. 6+6 a
 « Le duc, si je suis seul,se donnera carrière ; 6+6 a
 Paul le gênait sans douteOh ! oui, je reviendrai 6+6 b
 Les choses, je le crois,marcheront à mon gré. » 6+6 b
 Caron attendit doncavec impatience 6+6 a
70  Le moment de tenterla seconde séance. 6+6 a
 A peine s'il daignaitprendre garde aux amis, 6+6 b
 Comme si la gtél't déjà compromis. 6+6 b
 Il supputait tout basl'abondante ressource 6+6 a
 D'un puissant protecteurqui desserre sa bourse. 6+6 a
75  Vainement Duriveau,Bardoche, tour à tour 6+6 b
 Vinrent faire grand bruitdes portraits que l'amour 6+6 b
 Leur avait inspiréssous les traits de Cécile : 6+6 a
 Pour lui les plus beaux traitsétaient ceux du fossile. 6+6 a
 Fortunat vint aussilui parler d'un projet 6+6 b
80  De commandite immenseet superbe, au sujet 6+6 b
 De la destructioninfaillible et complète 6+6 a
 Des hannetons !… Déjàson affaire était faite ! 6+6 a
 Jadis de ces proposil se fût amusé : 6+6 b
 Mais dans l'ambitionson cœur s'était blasé. 6+6 b
85  Arriver ! c'était làson unique pensée. 6+6 a
 Entrer résolumentdans la route tracée, 6+6 a
 Et marquer chaque paspar un succès plus grand… 6+6 b
 Qui de nous n'a pas faitce rêve dévorant ? 6+6 b
 L'homme voit devant lui ;rarement en arrière 6+6 a
90  Ses regards satisfaitsembrassent sa carrière ; 6+6 a
 Aux jours qui ne sont plusil jette un froid mépris ; 6+6 b
 Et seul pour ses désirsl'avenir a du prix. 6+6 b
 Vers les temps que le sortnous prépare en silence 6+6 a
 Toujours avec ardeurl'humanité s'élance. 6+6 a
95  Caron est excusable,il faut bien l'avouer : 6+6 b
 Car son nœud gordienest rude à dénouer. 6+6 b
  Huit jours sont écoulés.Notre homme s'achemine 6+6 a
 Vers l'hôtel de Surville ;et tout bas il rumine 6+6 a
 Le thème louangeurque d'avance il s'est fait. 6+6 b
100  Mais il s'était trompésur le duc : en effet 6+6 b
 Il trouva — nous laissonsà juger sa surprise 6+6 a
 — Un vieillard guilleret,dont le ton et la mise 6+6 a
 N'indiquaient nullementun grave sénateur 6+6 b
 A l'échiné courbée,à l'esprit radoteur. 6+6 b
105   « — Vous m'avez, dit le duc,fait un aimable hommage 6+6 a
 En m'envoyant, Monsieur,votre dernier ouvrage. 6+6 a
 Pardon si je ne peuxen donner mon avis ; 6+6 b
 Je ne lis plus.
 — Comment ?
 -Non, Monsieur, je relis. 6+6 b
 — Je comprends que pour vousles charmes des classiques … 6+6 a
110  — Erreur ! Je ne suis pasde ces vieux fanatiques 6+6 a
 Dont l'engment aveugleest acquis au passé. 6+6 b
 Le présent a du bon.
 — Mais il est distancé, 6+6 b
 Dit Caron en riant ;l'auteur du meilleur livre 6+6 a
 Aurait un très-grand tort
 -Lequel ?
 -Celui de vivre 6+6 a
115  — Allons, vous étés franc,soyez-le jusqu'au bout. 6+6 b
 Mail, j'y songe, mon cher,vous êtes là debout ; 6+6 b
 Prenez donc ce fauteuil…C'est bien… Maintenant dites 6+6 a
 Ce qui peut me valoirl'honneur de vos visites. » 6+6 a
  Caron embarrassérougit. Le noble pair 6+6 b
120  D'y faire attentionn'eut seulement pas l'air. 6+6 b
 — Voyons, confessez-moivotre pensée intime. 6+6 a
 Dans tous nos sentimentsl'intérêt nous anime : 6+6 a
 Pourquoi pas ? Grands, petits,nous rêvons le succès. 6+6 b
 C'est à l'humanitéque je fais le procès, 6+6 b
125  Non pas à vous, Monsieur.Vous entrez dans la vie ; 6+6 a
 Peut-être déjà lasde la route suivie. 6+6 a
 Vous voulez réussirou sortir d'embarras, 6+6 b
 C'est assez naturel ;qui donc n'y prétend pas ? 6+6 b
 Il n'est point de marinqui, dans le temps d'orage, 6+6 a
130  N'invoque le retouret n'aspire au rivage. 6+6 a
  — Votre bonté, Monsieurle duc, me rend plus fort. 6+6 b
 Daignez me pardonnersi j'hésitai d'abord. 6+6 b
 On dit que vous voulezpublier vos Mémoires. 6+6 a
 — Ah ! ah ! le bruit en court…On fait bien des histoires, 6+6 a
135  — Si tel est par hasardvotre désir, je crois 6+6 b
 Que pour les rédigervous devrez faire choix 6+6 b
 D'un homme dont la plume,en ce genre exercée, 6+6 a
 Calque les sentiments,burine la pensée. 6+6 a
 Vos graves fonctionsvous ôtent le loisir 6+6 b
140  D'un travail qui pour vouspourrait être un plaisir ; 6+6 b
 Mais en me confiantles documents, je pense 6+6 a
 — N'achevez pas, mon cher.Une mince dépense 6+6 a
 Ne saurait m'arrêter ;ce n'est donc pas ici 6+6 b
 La question d'argentqui me retient. Ainsi 6+6 b
145  Vous auriez, pour écrireun livre de la sorte, 6+6 a
 Tout le talent vouluque ce genre comporte ; 6+6 a
 Vous auriez tout l'espritdu duc de Saint-Simon, 6+6 b
 Que je vous dirais : Non !vingt fois non ! cent fois non 6+6 b
 Pourquoi ? Vous allez voirsi ma raison est bonne, 6+6 a
150  Et s'il faut hésiterquand la prudence ordonne. 6+6 a
 Discrétion, secret,tels sont les deux grands mots 6+6 b
 Qu'on doit dans son espritremettre à tous propos, 6+6 b
 Lorsqu'on veut conserverune habile pratique 6+6 a
 Des détours infinisde l'art diplomatique. 6+6 a
155  On ne peut se montrertrop grave. L'étourdi 6+6 b
 Qui ferait voir son jeu,perdrait tout son crédit. 6+6 b
 Entr'ouvrir un discours,émettre une pensée 6+6 a
 Qu'on abandonne viteà peine commencée ; 6+6 a
 Opiner du bonnet ;blâmer peu ; vanter moins, 6+6 b
160  C'est là notre talent,ce sont nos premiers soins. 6+6 b
 Impénétrable aux yeuxde toute une assemblée, 6+6 a
 Comme Isis, dont l'imageétait toujours voilée, 6+6 a
 Un adroit diplomateévite prudemment 6+6 b
 De se laisser comprendre ;au besoin même il ment. 6+6 b
165  Le portrait ne doit pasvous sembler magnifique : 6+6 a
 Son mérite du moinsest d'être véridique. 6+6 a
 Maintenant vous voyezpourquoi je ne fais pas 6+6 b
 Mes Mémoires. Chacuns'écrirait : — Quel faux pas ! — 6+6 b
 J'aurais donné le motde ma longue carrière, 6+6 a
170  Et je dévoileraismon âme tout entière 6+6 a
 Pour que l'on me payâtbel et bien d'un congé ! 6+6 b
 Par ma discrétionje suis mieux protégé. 6+6 b
 Je sais beaucoup… Guizotme flatte et me respecte 6+6 a
 La plume dans mes mainslui partrait suspecte. 6+6 a
175  Ma vieille expérienceest, pour bien des secrets, 6+6 b
 Le glaive suspenduqui ne tombe jamais. 6+6 b
 Mais j'en ai dit assez.Parlons donc d'autre chose. 6+6 a
 Avec les gens d'esprittrès-volontiers je cause. 6+6 a
 — Et moi, je vous écouteavec tant de plaisir, 6+6 b
180  Que de placer un motje n'ai pas le désir, 6+6 b
 Monsieur le duc.
 — Voyons,racontez-moi la vie 6+6 a
 Que vous menez.
 — Elle estfort peu digne d'envie. 6+6 a
 Je lutte pied à piedcontre l'adversité ; 6+6 b
 J'étais gai… Les soucisont noyé ma gté ; 6+6 b
185  Je me suis abrutidans ce commerce infâme 6+6 a
 , pour nourrir le corps,on dépense son âme. 6+6 a
 Un jour, quelque succès…Les choses marchaient bien ; 6+6 b
 Et puis je retombais,et je n'avais plus rien ; 6+6 b
 Et seul, dans mon grenier,je voyais la misère 6+6 a
190  Sourire en me montrantsa face de sorcière ! 6+6 a
 Alors je maudissaisle ciel qui m'oublia 6+6 b
 Quand, parmi les humains,je vins en paria. 6+6 b
 Je me disais : « Pourquoidans ce vaste théâtre 6+6 a
 « je dois me mouvoir,la nature marâtre 6+6 a
195  « M'a-t-elle refusél'air, les rayons, le feu 6+6 b
 « Qu'en bon père à ses filsdevait dispenser Dieu ? 6+6 b
 « Eh ! n'ai-je pas mon droitau commun héritage ? 6+6 a
 « Ne pourrai-je jamaisentrer dans le partage ? 6+6 a
 « J'ai comme eux tous et plusque beaucoup mon esprit 6+6 b
200  « Qui peut-être t brillé,mais s'éteint dans la nuit. » 6+6 b
 Voilà, Monsieur le duc,ma vie et ma pensée : 6+6 a
 L'une, hélas ! est souffrante,et l'autre est éclipsée. 6+6 a
 — Fort bien, dit le vieillarden puisant à deux doigts 6+6 b
 Dans une bte d'orun tabac fin, je vois 6+6 b
205  Que n'ayant pu vous faireune carrière heureuse, 6+6 a
 Vous avez pris, mon cher,la route dangereuse. 6+6 a
 — Comment, Monsieur le duc ?
 — Ces sentiments chagrins 6+6 b
 Sont le texte banalde nos républicains. 6+6 b
 — Quoi ! vous pensez
 — Je saisce que parler veut dire. 6+6 a
210  Qui ne possède rienne songe qu'à maudire. 6+6 a
 Aux yeux d'un pauvre diableêtre riche et puissant 6+6 b
 C'est un crime qu'il fautlaver avec du sang. 6+6 b
 — Ah ! soyez-en certain,mon républicanisme, 6+6 a
 Si j'en ai, ne va pasjusques à l'ostracisme, 6+6 a
215  — Donc vous nous permettezde garder notre bien ? 6+6 b
 Mettez-vous à ma place,et vous trouverez bien 6+6 b
 Qu'on ait des dignités,un rang ; que dans le monde 6+6 a
 Il soit des échelons ;la plus belle faconde 6+6 a
 Ne saurait démontrerque l'inégalité 6+6 b
220  Ne soit de la natureune nécessité. 6+6 b
 Estimez-vous, mon cher,plus que moi cette classe 6+6 a
  la fureur fermente, la haine s'amasse ; 6+6 a
 Ces hommes inactifs,babillards et sournois, 6+6 b
 Qui, le poignard en main,jurent la guerre aux rois ; 6+6 b
225  Héros d'estaminet,piliers de tabagie, 6+6 a
 Faiseurs de politiqueau sortir de l'orgie ; 6+6 a
 Moralistes barbus,pour qui la liberté 6+6 b
 Rime avec la licence,avec la cruauté ; 6+6 b
 Gens qui font de Brutusla copie infidèle, 6+6 a
230  Et qui dans les Barraschercheraient leur modèle 6+6 a
 Si jamais le hasard —un hasard inouï 6+6 b
 Leur donnait le pouvoirsi loin d'eux aujourd'hui ! 6+6 b
 Franchement pouvez-vousprofesser quelque estime 6+6 a
 Pour cette factionqu'alimente le crime ? 6+6 a
235  — Vous êtes… permettezbien sévère pour eux. 6+6 b
 — Je suis juste avant tout :ce sont des malheureux. 6+6 b
 — Est-on sûr qu'ils feraientun si mauvais usage 6+6 a
 Du pouvoir, si jamaisils l'avaient en partage ? 6+6 a
 — Ça, voyons, dit le duc,parlez-vous franchement ? 6+6 b
240  Professez-vous pour euxun tel attachement ? 6+6 b
 Je sais pertinemmentvos liaisons secrètes. 6+6 a
 — Qui donc peut colporterces rumeurs indiscrètes ? 6+6 a
 — Ne craignez rien, mon cher ;je suis persuadé 6+6 b
 Qu'à rompre avec ces fousvous serez décidé, 6+6 b
245  Lorsque vous apprendrezque d'aucun sacrifice 6+6 a
 On ne croirait payertrop cher certain service 6+6 a
 Et d'abord, vos amisvous sont-ils précieux ? 6+6 b
 — Ce sont pour la plupartde vrais ambitieux. 6+6 b
 — Ah ! vous en convenez !… Mettons cartes sur table. 6+6 a
250  Je veux être pour vousun ami véritable. 6+6 a
 Une occasion s'offre,il faut en profiter. 6+6 b
 — Eh quoi, Monsieur le duc…
 — Avant de me quitter 6+6 b
 Je veux que vous ayezentière confidence. 6+6 a
 Mais chut sur tout ceci.Montrez de la prudence, 6+6 a
255  Car il s'agit pour vousd'au moins dix mille francs, 6+6 b
 — Que dites-vous, Monsieurle duc !
 — Ah ! je m'entends. 6+6 b
 La somme est assez rondeet mérite, je pense 6+6 a
 Attention.
 — Enfinpour cette récompense 6+6 a
 Que faut-il faire ?
 — Il faut…C'est très-embarrassant… 6+6 b
260  Après tout, je n'ai rienà dire de blessant. 6+6 b
 Écoutez. Aussi biendéguiser son langage 6+6 a
Quand on cause d'affaires, est un enfantillage. 13 a
 Vos amis font-ils biende conspirer ?
 — Mais… non. 6+6 b
 — Leurs principes sont-ilsfondés sur la raison ? 6+6 b
265  — Je ne tenterais pasd'en fournir une preuve. 6+6 a
 — Voulez-vous les quitteret faire ainsi peau neuve ? 6+6 a
 — Je suis libre envers eux,et je les quitterais 6+6 b
 Qu'ils n'en éprouveraient,je crois, aucuns regrets. 6+6 b
 — Mais vous ?
 — Moi… c'est selon.
 — J'admire la réponse, 6+6 a
 Elle est diplomatique,
270  — Eh bien ! je me prononce. 6+6 a
 Je ne tiens nullementà rester dans leur jeu : 6+6 b
 L'on y perd très-souventet l'on y gagne peu. 6+6 b
 — A merveille ! Apprenezque toute la police 6+6 a
 Pour saisir ces Brutusdont vous êtes complice 6+6 a
275  A tenté mille effortstoujours infructueux. 6+6 b
 Le roi n'est pas content :ces duos séditieux 6+6 b
 Sont comme à l'horizonl'orage de son règne. 6+6 a
 Faut-il donc qu'au dedansil s'inquiète et craigne, 6+6 a
 Tandis qu'à l'étranger,ami des souverains, 6+6 b
280  Il passe pour tenirla France entre ses mains ? 6+6 b
 Dans sa félicité,dans sa haute fortune 6+6 a
 L'ombre des factionsle trouble, l'importune. 6+6 a
 Tel que le doigt fatalqui gravait sur le mur 6+6 b
 L'oracle menaçantpour l'héritier d'Assur, 6+6 b
285  Le mot de républiqueest pour lui le présage 6+6 a
 Du tonnerre,cachésous les plis du nuage. 6+6 a
 Eh bien ! il faut calmerl'épouvante du roi, 6+6 b
 Et j'ai compté sur vous.
 — Sur moi, Monsieur, sur moi ! 6+6 b
 — Oui, mon cher. Vous allezme comprendre à merveille. 6+6 a
290  La police s'endort :pour qu'elle se réveille, 6+6 a
 Elle a besoin d'avoirdes indices certains 6+6 b
 Sur les conspirateurs,sur les clubs clandestins. 6+6 b
 Fournissez-moi la chose,et je ferai le reste. 6+6 a
 — Que me proposez-vous !Ah ! Monsieur, je proteste ; 6+6 a
295  Moi livrer mes amis !Moi vous jeter leurs noms ! 6+6 b
 Les trner de ma mainau fond des cabanons ! 6+6 b
 Mais c'est un crime horrible.
 — Et vous trouvez, je pense, 6+6 a
 Que ces conspirateurssont remplis d'innocence ! 6+6 a
 — J'admets leur faute. Encoreils se fiaient à moi. 6+6 b
300  Je ne puis, sans manquerde pudeur et de foi, 6+6 b
 Trahir ceux qui jugeaientma parole sacrée ; 6+6 a
 Tous ils me maudiraientpour l'avoir parjurée. 6+6 a
 — Vous êtes un enfant,je vous croyais, mon cher 6+6 b
 Bien plus fort. Cependant,afin d'être très-clair, 6+6 b
305  Je réponds : Voulez-vousme rendre ce service ?… 6+6 a
 Et vous iriez très-loinaprès ce bon office 6+6 a
 Voulez-vous empocherdix mille francs ?
 — Mon Dieu ! 6+6 b
 Vous me faites souffrir…Ma tête est tout en feu. 6+6 b
 Ah ! voyez-vous, Monsieurle duc, je n'ai dans l'âme 6+6 a
310  Aucune affectionpour notre monde infâme ; 6+6 a
 Je méprise à peu prèstous les hommes ; au fond 6+6 b
 Je sais lire en leur cœuret juger ce qu'ils sont ; 6+6 b
 Je dis plus : je ressenspour notre espèce humaine, 6+6 a
 Lorsque je m'interroge,une invincible haine ; 6+6 a
315  Cependant je ne puisme résoudre à trahir. 6+6 b
 — Ils vous sont odieux !
 — Sans nul doute : haïr 6+6 b
 Est permis ; mais il estsans excuse de vendre. 6+6 a
 — Écoutez : mon desseinn'est pas de vous surprendre. 6+6 a
 Je vous sais malheureux,luttant contre le sort ; 6+6 b
320  Je vous offre un moyend'avoir, sans nul effort, 6+6 b
 Un gentil capitalqu'augmentera bien vite 6+6 a
 Une placeIl y fautsonger ; je vous invite 6+6 a
 A ne pas refuser,par un scrupule vain ; 6+6 b
 La faveur d'aujourd'huin'a pas de lendemain. 6+6 b
325  Esclave trop souventd'un préjugé futile, 6+6 a
 On prépare à son cœurun regret inutile. 6+6 a
 Décidez-vous.
 — Monsieurle duc, savez-vous bien 6+6 b
 Que si je voulais mettreau jour notre entretien, 6+6 b
 Il serait instructif.
 — Et j'ajoute : Incroyable. 6+6 a
330  Le vrai peut quelquefoisn'être pas vraisemblable. 6+6 a
 On dirait seulementque vous calomniez. 6+6 b
 La diffamation,c'est fort graveEssayez ! 6+6 b
 Je vous laisse trois jourspour méditer l'affaire. 6+6 a
 Vous pouvez aisémenttous deux nous satisfaire. 6+6 a
335  Quelques lignes de vousauront un double but : 6+6 b
 Vous armez le Pouvoir…en levant un tribut 6+6 b
 Sur des fous dont la rageégale la sottise. » 6+6 a
  Caron était pensif ;dans son âme indécise 6+6 a
 La crainte et la pudeurl'emportèrent enfin. 6+6 b
340   « — Judas, dit-il, venditson mtre en assassin ; 6+6 b
 Si d'un pareil marchéje salissais mon âme, 6+6 a
 Serais-je moins que luicriminel, moins infâme ? 6−6 a
 C'est impossible. Afinde n'être plus tenté, 6+6 b
 Je vous quitte, Monsieurle duc.
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
 — Quel entêté ! 6+6 b
345  Murmura le vieillard.Croit-il que je l'estime, 6+6 a
 Que je le juge mêmeà la hauteur d'un crime ? 6+6 a
 Vil instrument, tu veuxéchapper à ma main : 6+6 b
 Va, refuse aujourd'huipour accepter demain ! » 6+6 b
  Alors le noble pairdemanda sa voiture. 6+6 a
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
350   Caron, pendant ce temps,errait à l'aventure, 6+6 a
 Sombre et muet, pensantqu'il avait eu raison 6+6 b
 De repousser un or,prix de la trahison. 6+6 b
 Il s'étonnait lui-mêmeet se trouvait sublime. 6+6 a
 Puis sondant d'un coup d'œilce gouffre, cet abîme 6+6 a
355   l'erreur d'un momentl't si vite jeté, 6+6 b
 Notre homme se disait :« Vive l'intégrité ! 6+6 b
 Les Grecs et les Romainsont bâti bien des temples 6+6 a
 Pour de moins nobles traits,pour de moins beaux exemples. » 6+6 a
  Cependant — et c'est làque mtre Lucifer 6+6 b
360  Prépare doucementune proie à l'enfer 6+6 b
 — Caron comptait tout bas,l'âme fort indécise, 6+6 a
 La somme qu'un seul motentre ses mains t mise. 6+6 a
 Dans son oreille, ouverteau tintement de l'or, 6+6 b
 Les accents du vieux ducretentissaient encor. 6+6 b
365  Pour un écrivailleur,rarement en frairie, 6+6 a
 Dix mille francs c'étaitpresque de la féerie. 6+6 a
 Il faut en convenir,le besoin de l'argent 6+6 b
 Pour les fautes d'honneurrend l'esprit indulgent ; 6+6 b
 Et tel t été pursi, venant en ce monde, 6+6 a
370  Il t eu pour sa lèvreune source féconde, 6+6 a
 Qui, trouvant contre luimille échecs réunis, 6+6 b
 Veut voir de son malheurtous les hommes punis. 6+6 b
. . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
 « — Tiens, Caron !
 — Tiens, Forbain !
 — Ah ! je me félicite 6+6 a
 De t'avoir rencontré.Mon cher, allons bien vite 6+6 a
375  Au club ; on nous attend…Je venais de chez toi. 6+6 b
 — Non, j'ai mal à la tête.
 — Oh ! voilà, par ma foi, 6+6 b
 Quelque chose de neuf…Manquer une séance 6+6 a
  sera décidéle destin de la France ! 6+6 a
 — Bah ! sérieusement ?
 — Oui, sérieusement. 6+6 b
380  Les motions vont bien.Mais parlons prudemment ; 6+6 b
 Les mouchards sont partout,et les sergents de ville 6+6 a
 Ont pour se déguisermainte ruse subtile. 6+6 a
 Viens-tu ?
 — Puisqu'il le faut,je t'accompagne.
 — Ami, 6+6 b
 Philippe en son pouvoirse croit bien affermi 6+6 b
385  Patience bientôtdes débris de son trône 6+6 a
 — Eh ! Forbain, prends donc gardeà cette face jaune 6+6 a
 Qui nous suit.
 — Tu dis vrai.»
 Nos héros clandestins 6+6 b
 Cheminèrent le longdu quai des Augustins, 6+6 b
 Dans le faubourg Saint-Jacqueensuite ils pénétrèrent, 6+6 a
390  Devant un café borgneenfin ils s'arrêtèrent ; 6+6 a
 Estaminet noircipar la pipe et le temps. 6+6 b
 Un billard au milieu,des tables, quelques bancs, 6+6 b
 Un comptoir occupépar une vieille femme, 6+6 a
 Voilà l'ensemble exactde ce cloaque infâme, 6+6 a
395   la liqueur brûléeet l'acre caporal 6+6 b
 De cent étudiantsformaient l'affreux régal. 6+6 b
 Une petite porteouvrait sur une chambre 6+6 a
 Sans meubles, sans papier.C'est là que chaque membre 6+6 a
 Du club républicain,entrait discrètement. 6+6 b
400  Tous ils s'étaient rendusà l'appel, au moment 6+6 b
  Forbain apparutavec Caron.
 « — Silence ! 6+6 a
 Cria le président ;commençons la séance. » 6+6 a
mètre profils métriques : 6−6, (13)
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