Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DSA_1/DSA15
Alfred de ESSARTS
LA COMÉDIE DU MONDE
1851
XIV
UN SOUPER-RÉGENCE
 Florida, Rozemon,Enguerrand et cinq drôles, 6+6 a
Débiteurs de l'habitqu'ils ont sur leurs épaules, 6+6 a
Catilinas du whist,aigrefins élégants, 6+6 b
Qu'un préjugé bourgeoisadmire sur leurs gants, 6+6 b
5 Pour un souper joyeux,pour une ample curée, 6+6 a
Ont pris un rendez-vousà la Maison dorée : 6+6 a
Restaurant le Diable,aux nuits de carnaval, 6+6 b
La serviette à la main,tient son grand festival. 6+6 b
Oh ! dans ces cabinets saute le champagne, 6+6 a
10 Que d'esprits insensésont battu la campagne ! 6+6 a
Que d'étourdis, charméspar un air fraternel, 6+6 b
Ont mangé l'aveniret le bien paternel 6+6 b
Avec ces faux amisdont la troupe s'envole 6+6 a
Quand au fond de la pocheil n'est plus une obole ; 6+6 a
15 Après à la curéeet prompts à délaisser 6+6 b
Le sot qui sur leurs pasa voulu s'élancer : 6+6 b
Saluant son réveil,lorsqu'il sort du délire, 6+6 a
Par l'infernal adieude leur éclat de rire. 6+6 a
 Jamais un œil humain,je crois, ne regarda 6+6 b
20 Rien de plus séduisantque cette Florida. 6+6 b
Si je la décrivislorsqu'elle était Cécile, 6+6 a
La bien peindre aujourd'huiserait plus difficile. 6+6 a
Sous l'étreinte et l'ardeurdes passions du mal 6+6 b
Elle a pris dans sa grâceun air original. 6+6 b
25 Le vice offre à l'espritune pente terrible 6+6 a
La vertu n'a jamaisce charme irrésistible ; 6+6 a
Tandis que la pudeurvoile ses agréments, 6+6 b
La luxure s'en faitd'utiles instruments. 6+6 b
La pauvre Cendrillons'étiole dans l'âtre ; 6+6 a
30 Mais dès qu'avec fracas,sur un autre théâtre 6+6 a
Elle part, portantun costume de cour, 6+6 b
Chacun de ses regardsfait éclore l'amour. 6+6 b
 A ces tentationsde parures, de fêtes, 6+6 a
Vont se perdre aujourd'huiles cœurs les plus honnêtes. 6+6 a
35 « Quoi ! je consumeraisdans un obscur métier 6+6 b
« Et dans la pauvretémon printemps tout entier ; 6+6 b
« Certaine qu'à mes vœuxl'avenir se dérobe, 6+6 a
« J'aurais pour me couvrirune mesquine robe, 6+6 a
« La même dans l'hivercomme au temps le plus chaud… 6+6 b
40 « Vivant dans ma mansardeainsi qu'en un cachot ! 6+6 b
« Pourquoi donc au bonheurresterais-je rebelle ? 6+6 a
« Pourquoi la pauvretéquand je suis jeune et belle ? » 6+6 a
 C'est ainsi que Satan,dans le Quartier latin, 6+6 b
Récolte chaque jourun fort joli butin. 6+6 b
45 Pour atteindre aisémentle but qu'il se propose, 6+6 a
Lui-même en cent façonsil se métamorphose : 6+6 a
La soie aux doux reflets,le bouquet odorant, 6+6 b
L'orchestre dans le bal,la carte au restaurant, 6+6 b
Le gentil brodequinqui rend le pied si leste, 6+6 a
50 L'ombrelle, la capote,élégance modeste, 6+6 a
Tout cela c'est Satan,docteur ès-passions. 6+6 b
Filles qu'il veut tenter,gare aux séductions ! 6+6 b
Satan a pour convaincreun air si bon apôtre 6+6 a
Le plaisir qu'on accepteest le chemin d'un autre. 6+6 a
55 A peine avec le mala-t-on capitulé, 6+6 b
Que le but va fuyant,sans cesse reculé. 6+6 b
Hier on ne voulaitque se distraire une heure ; 6+6 a
Aujourd'hui dans le baljusqu'à l'aube on demeure. 6+6 a
Mieux logée, on se trouveencor trop simplement : 6+6 b
60 Il faut, Cité Trévise,un bel appartement. 6+6 b
Eh quoi ! se fatiguerà marcher dans la boue ? 6+6 a
Vite un leste broughamqui sur sa double roue 6+6 a
Emportera Madameaux endroits fréquentés 6+6 b
vont cavalcaderles lions bien rentés. 6+6 b
65  Et Satan rit alors ;cet ennemi de l'âme 6+6 a
Dans ses piéges toujoursfera tomber la femme. 6+6 a
 La parenthèse est longueExcusez, mais il faut 6+6 b
Parfois être un peu long,et c'est un bon défaut. 6+6 b
Si l'on voit aujourd'huitant de prostituées, 6+6 a
70 C'est que pour la vertul'on n'a que des huées 6+6 a
Et qu'on tient en dédainle travail, le talent, 6+6 b
Si la loi du hasardne l'a fait opulent. 6+6 b
Telle qu'un passereauque le miroir captive,* 6+6 a
A l'appel du plaisirdevenue attentive, 6+6 a
75 Cécile avait comprisle charme souverain 6+6 b
De briller, de tenirles hommes sous son frein ; 6+6 b
Et bientôt surpassantnos Phrynés à la mode, 6+6 a
Elle avait excellédans ce métier commode. 6+6 a
Plus elle avait souffertde dégts et d'ennui, 6+6 b
80 Plus elle s'en vengeaitmaintenant sur celui 6+6 b
Qui subissait son joug ;avec quelque volume 6+6 a
Que l'on entrât chez elle,on y laissait sa plume. 6+6 a
 Elle était magnifiqueà voir auprès d'Arthur, 6+6 b
Levant son verre pleind'un alicante pur, 6+6 b
85 Les cheveux déroulés,la gorge bondissante, 6+6 a
Et d'un appel hardila lèvre frémissante. 6+6 a
« — Je crois, mes chers enfants,que le plaisir languit, 6+6 b
Dit-elle ; employons mieuxle reste de la nuit. 6+6 b
Nous n'avons pas encorsalué comme un frère 6+6 a
90 Le punch, ce feu qu'on boitdans le cristal du verre. 6+6 a
Ne sait-on plus souper ?Allons donc, Rozemon, 6+6 b
Tu prends un air de saint,toi le plus franc démon. 6+6 b
— Comme elle me connt !s'écria le jeune homme. 6+6 a
Mais toi, comment aussifaut-il que l'on te nomme ; 6+6 a
95 Toi qui, grisette hier,as si promptement pris 6+6 b
Le genre et les façonsqui plaisent à Paris ? 6+6 b
Ce changement subitaugmente encor tes charmes, 6+6 a
Et pour nous subjugueril te prête des armes. 6+6 a
Révèle ton secret.
— Je n'en ai pas. L'ennui 6+6 b
100 M'a faite tout d'un coupce qu'on voit aujourd'hui. 6+6 b
— Mais ce ton élégant…— Beau secret ! je suis femme, 6+6 a
— Dis donc magiciennehabile à prendre une âme. 6+6 a
— Mon cher Arthur, assezde fades compliments. 6+6 b
Qu'en faveur des amisse taisent les amants, 6+6 b
105 — Je suis trop pastoral :mais il est difficile 6+6 a
D'aimer ma Floridasans exalter Cécile. 6+6 a
Ah ! si le Fortunatse présentait ici, 6+6 b
Je crois que de nous voiril aurait du souci. 6+6 b
A propos, dit alorsen riant un convive, 6+6 a
110 Ce Môsieur eut pour vousune passion vive. 6+6 a
Comment se terminavotre églogue d'amour ? 6+6 b
— Comme tout se termine :on se convient un jour ; 6+6 b
Et puis, le lendemain,on se trouve insipides, 6+6 a
Les meilleurs dénmentsdoivent être rapides. 6+6 a
115 — Très-bien ! très-bien ! Buvons,dit le cercle moqueur. 6+6 b
— Respect à Fortunat ;c'est mon premier vainqueur, 6+6 b
Dit encor Florida ;mais il n'était pas sage, 6+6 a
Et le pauvre gaona fait vite naufrage. 6+6 a
— Comment, dit Enguerrand,serait-il raffalé ? 6+6 b
120 — Si bien, que vers Bruxelleun jour il a filé. 6+6 b
Adieu sa commandite ;il s'afflige et soupire 6+6 a
Par compensationle hanneton respire. » 6+6 a
 Ce fut par un fou rire,à remplir la maison, 6+6 b
Que la troupe accueillitla funèbre oraison. 6+6 b
125 Tels étaient les adieuxde l'ingrate mtresse 6+6 a
Pour l'amant qu'elle avaitplongé dans la détresse. 6+6 a
Lorsque le plaisir seula formé le lien, 6+6 b
Aux jours vous souffrezne comptez plus sur rien ; 6+6 b
Et n'attendez jamaisqu'une tendresse louche 6+6 a
130 D'une femme qui vendles baisers de sa bouche. 6+6 a
 Florida cependantparaissait réfléchir. 6+6 b
Elle laissait ses braset sa tête fléchir, 6+6 b
Et semblait éprouverle poids de la fatigue. 6+6 a
 On s'étonne. Enguerrandque ce nuage intrigue, 6+6 a
135 S'écrie, en se servantun morceau délicat : 6+6 b
« — Je serais satisfaitqu'un ami m'expliquât 6+6 b
Le souci que j'ai ludans les yeux de Madame, 6+6 a
Ces yeux qui versent moinsde larmes que de flamme. 6+6 a
Ah ! je pensais, dit-elle.
Admirable ! charmant ! 6+6 b
140 Vous avez pour penserbien choisi le moment ! 6+6 b
— Non, je me reportais,par un pas en arrière, 6+6 a
Vers le temps j'allaisà pied, simple ouvrière, 6+6 a
Gagnant le pain du jour,heureuse de l'argent 6+6 b
Qui se trouvait au boutd'un travail diligent. 6+6 b
145 Il me fallait alors,adonnée à ma tâche, 6+6 a
Pour un bien faible prixm'appliquer sans relâche : 6+6 a
Mais aussi, mes besoinsétaient si modérés ! 6+6 b
Et quand de l'escalierje montais les degrés, 6+6 b
Lorsque je revoyaismon étroite chambrette, 6+6 a
150 Simple et sans ornement,mais tranquille et proprette ; 6+6 a
Quand j'arrangeais mes fleurs,puis me mettais au lit, 6+6 b
Je n'avais nul désir,nul regret dans l'esprit. 6+6 b
Sous mon petit chapeau,sous une robe blanche, 6+6 a
Vraiment je me trouvaisfort belle le dimanche. 6+6 a
155 Je ne souonnais pointqu'on pût faire un faux pas, 6+6 b
Ni surtout souhaiterce que l'on n'avait pas. 6+6 b
D'ailleurs, dans le passéje trouvais ma défense. 6+6 a
J'avais eu la leçondu malheur dans l'enfance ; 6+6 a
J'avais appris à fuirle scandale, le bruit. 6+6 b
160 Mon pèreun ouvrierrevenait chaque nuit 6+6 b
Sombre, les yeux éteintspar son ivresse immonde ; 6+6 a
Il s'irritait, juraitet battait tout le monde. 6+6 a
Il donnait son argentaux filles du quartier. 6+6 b
Si ma mère pleurait,armé d'un tire-pied, 6+6 b
165 Il la frappait… Pourtant,c'était la pauvre femme 6+6 a
Qui de notre mansardeétait l'espoir et l'âme, 6+6 a
Elle qui nourrissaitd'un travail.assidu 6+6 b
Les enfants, le maridans ses vices perdu. 6+6 b
Et si quelque prièrearrivait à sa bouche, 6+6 a
170 Il la raillait, jetantun blasphème farouche !… 6+6 a
J'ai vu tant de malheur,que j'en avais conçu 6+6 b
Le besoin d'un étatmodeste, inapeu. 6+6 b
Ma mère succomba,victime de la vie 6+6 a
De la dispersioncette mort fut suivie ; 6+6 a
175 Mon père nous quitta,pour nocer à son gré ; 6+6 b
Au vice comme lui,mon frère s'est livré 6+6 b
Je ne les revis plus.— Vous m'avez entendue, 6+6 a
Et je vous ai montréla vérité bien nue. 6+6 a
 — A présent, palsembleu !dit un jeune lion, 6+6 b
180 Vous avez rejetécette condition ; 6+6 b
Vous régnez et surtoutvous excitez l'envie ! 6+6 a
Le travail, c'est la peineinfligée à la vie. 6+6 a
Dans l'ombre sied-il biend'aller s'ensevelir 6+6 b
Quand on a ce qu'il fautpour briller et jouir ? 6+6 b
185 Ne vous souvenez plusqu'il fut une Cécile, 6+6 a
Et menez bruyammentl'existence facile. 6+6 a
— Oui, je veux oublier; oui, je suis Florida. » 6+6 b
Elle reprit son verreet d'un trait le vida ; 6+6 b
Puis fit retentir l'airde ses éclats de rire. 6+6 a
190 « — Bravo ! dit Rozemon ;j'aime mieux ce délire. 6+6 a
Qu'est devenu Brécourt ?
— Ma foi, je l'ai purgé 6+6 b
De ses grands revenus.
— Puis ?…
Il a son congé. 6+6 b
Et le comte Strogoff ?
Il retourne en Russie 6+6 a
Pour réparer les trousde sa bourse amincie. 6+6 a
Et le banquier Crushmann ?
195 Oh ! qu'il est ennuyeux ! 6+6 b
Comme un poisson pâmédilatant ses gros yeux, 6+6 b
Couvrant de chnes d'orsa panse rebondie, 6+6 a
Il s'en vient de l'amourfaire la parodie. 6+6 a
J'ai pour adorateursdes céladons flétris, 6+6 b
200 En quête de plaisirsque le temps a taris ; 6+6 b
Une rose toujoursbrille à leur boutonnière ; 6+6 a
Ils ont, grâce à Guerlain,une odeur printanière ; 6+6 a
Leurs femmes, leurs enfants,oubliant tout pour moi ; 6+6 b
Ils sont à mes genoux,je leur dicte ma loi. 6+6 b
205 Je fais ce que je veuxde ces vieilles poupées 6+6 a
Qui rampent à mes pieds,de moi seule occupées… 6+6 a
Ce sont les grands du jour…Mais comme ils sont petits ! 6+6 b
Je me rince la boucheaprès qu'ils sont partis ! 6+6 b
— Cette digressionme part fort piquante, 6+6 a
210 Dit Rozemon ; chantonslà-dessus, ma bacchante : 6+6 a
 Au choc du verre 4 a
 On est joyeux ; 4 b
 Moi je révère 4 a
 Le jeune amour et le vin vieux. 8 b
215  Triste philosophie 6 a
 Qui voudrais m' ennuyer, 6 b
 Va-t'en, je te défie 6 a
 De me faire bâiller. 6 b
 Quand la mousse pétille, 6 a
220  A mes regards tout brille ; 6 a
 A tout le genre humain 6 b
 Je tends la main. 4 b
 Au choc du verre 4 a
 On est joyeux ; 4 b
225  Moi je révère 4 a
 Le jeune amour et le vin vieux 8 b
 Grands faiseurs de morale, 6 a
 Venez auprès de nous 6 b
 Sans craindre le scandale ; 6 a
230  On rit avec les fous. 6 b
 Trop tôt la gté passe ; 6 c
 Prenez, prenez la place 6 c
 Que vous garde Satan 6 d
 Il vous attend ! 4 d
235  Au choc du verre 4 a
 On est joyeux ; 4 b
 Moi je révère 4 a
 Le jeune amour et le vin vieux. 8 b
 L'hiver viendra morose 6 a
240  Enlever, quelque jour, 6 b
 Son éclat à la rose, 6 a
 Son sourire à l'amour. 6 b
 Mais avant sa visite 6 c
 Amusons-nous bien vite, 6 c
245  Sans toucher au poison 6 d
 De la raison. 4 d
 Au choc du verre 4 a
 On est joyeux ; 4 b
 Moi je révère 4 a
250  Le jeune amour et le vin vieux. » 8 b
Nous ne décrirons pasle tumulte, le bruit 6+6 a
Que l'orgie en marchantrépandait. Vers minuit 6+6 a
Un gaon avertitle baron de se rendre 6+6 b
Dans un salon voisin :tout exprès pour l'attendre 6+6 b
255 Un Monsieur, fort bien misdu reste, était venu. 6+6 a
« — Eh bien ! il attendra,cet illustre inconnu, 6+6 a
Dit Rozemon ; il estdes gens d'étrange sorte ! 6+6 b
Quand je suis occupédemander que je sorte 6+6 b
La licence est hardie ;allez au visiteur 6+6 a
260 Donner son compte ; allez,fût-il le Commandeur, 6+6 a
Vînt-il du plus lointainde tous les hémisphères, 6+6 b
Je ne le verrais pas :à demain les affaires ! » 6+6 b
 Quelques instants après,reparut le gaon. 6+6 a
Il tenait une carteà la main. Le frisson 6+6 a
265 Saisit soudain Arthur,qui tordit sa moustache. 6+6 b
« Monsieur, je vous attendssi vous n'êtes un lâche. 6+6 b
« Paul FIRMIN. »
Tels étaientles mots durs et pressants 6+6 a
Qui du fougueux Arthuravaient glacé les sens. 6+6 a
L'oracle écrit aux mursdu mtre de Ninive, 6+6 b
270 Disant : « La mort est proche,et le vainqueur arrive, » 6+6 b
Émut peut-être moinsl'orgueilleux Balthazar, 6+6 a
Que cette simple carteenvoyée au hasard. 6+6 a
« Monsieur, je vous attendssi vous n'êtes un lâche ! » 6+6 b
« — Il m'attend, lui, Firminet croit que je me cache ! 6+6 b
Non, non !
275 courez-vous,lui dirent ses amis. 6+6 a
— Ne vous étonnez pas…Un rendez-vous remis 6+6 a
Qu'on vient me rappelerUne affaire importante 6+6 b
Remplissez, verre en main,les moments de l'attente. » 6+6 b
 Arthur sortit. Moitiésérieux et plaisant, 6+6 a
280 Il salua Firminqui, d'un geste imposant, 6+6 a
Fit comprendre à ce fatqu'après la parodie 6+6 b
Il fallait aborderla sombre tragédie. 6+6 b
 « — Je suis venu, dit-il,mais ce n'est pas pour moi, 6+6 a
Monsieur, veuillez le croire.
— Oui certes, je le croi. 6+6 a
285 — Si de vos procédésj'eus parfois à me plaindre, 6+6 b
N'ayant jamais eu l'artde plier ni de feindre, 6+6 b
Je vous avais assezmarqué mon sentiment 6+6 a
Et n'eusse pas daignéme venger autrement. 6+6 a
— Monsieur, vous débutezpar l'injure et l'outrage ! 6+6 b
290 Écoutez ; il m'en resteà dire davantage. 6+6 b
Mais encore une foisqu'il soit bien constaté 6+6 a
Que je suis l'instrumentd'une autre volonté. 6+6 a
Ah ! l'on vous a choisila chose se devine, 6+6 b
Comme un représentantde haine féminine ! 6+6 b
C'est un emploi brillant.
295 — Monsieur, ne raillez pas. 6+6 a
On verrait qui de nousdescendrait le plus bas 6+6 a
Si jamais l'on pouvait,remontant les années, 6+6 b
Sur un même tableautracer nos destinées. 6+6 b
— Vous êtes un Caton !
Et vous, Monsieur, et vous. 6+6 a
300 Je me tais. Il n'est riende commun entre nous. 6+6 a
Alors pourquoi m'avoirdérangé ? Je vous quitte. 6+6 b
A m'entendre, Monsieur,d'abord je vous invite, 6+6 b
Dit Firmin, qui debout,dans son droit affermi, 6+6 a
Foudroyait du regardson frivole ennemi. 6+6 a
305 De la séductionvous avez fait étude ; 6+6 b
Puis vous avez payéde noire ingratitude 6+6 b
Ce sacrifice immenseet cteux à l'honneur 6+6 a
D'une femme qui donneet sa vie et son cœur. 6+6 a
Vous avez dans le cœurde cette jeune femme, 6+6 b
310 Vous, séducteur habile,entretenu la flamme ; 6+6 b
Bien certain d'un triompheà l'aise préparé, 6+6 a
Vous avez dit : « Je suisle mtre, qu'à mon gué 6+6 a
« Désormais elle pense,elle agisse. :. Je règne ! 6+6 b
« Ne m'aimât-elle plus,qu'un jour elle me craigne. » 6+6 b
315 Voilà votre calcul,j'ai su le deviner. 6+6 a
Vos séduisants dehorsn'ont pu me fasciner ; 6+6 a
Car le moment arrive, tombant de lui-même, 6+6 b
Le masque laisse voirla bouche qui blasphème. 6+6 b
Ah ! vous croyez, Monsieur,qu'on peut impunément, 6+6 a
320 Tartufe de salons,se jouer du serment, 6+6 a
Et par de beaux semblantscacher avec adresse 6+6 b
Le fond tout gangrenéde la scélératesse ! 6+6 b
Et vous avez penséqu'il est de ces excès 6+6 a
Qui passent, chaque jour,à l'abri du succès ! 6+6 a
325 Semer le déshonneuren héros à la mode, 6+6 b
Puis rire de son crime,oh ! c'était bien commode. 6+6 b
Mais le mal n'est jamaissi prudemment caché 6+6 a
Qu'on ne sache la voie vous avez marché ; 6+6 a
Et Dieu charge toujoursquelqu'un de sa justice. 6+6 b
330 Il m'a donné ce soin ;afin qu'il s'accomplisse, 6+6 b
Je suis venu vous prendreau milieu du plaisir. 6+6 a
Comme le débauchéque la mort vient saisir. 6+6 a
Ne vous détournez pas…Je vous regarde en face 6+6 b
Voyez si sur mes traitsune émotion passe 6+6 b
335 Car j'ai ma conscienceet je fais mon devoir. 6+6 a
Ce que de vous j'attends,vous devez le savoir. 6+6 a
Vainement vous avezavec un art habile 6+6 b
Déguisé le poisonque le vice distille ; 6+6 b
La ruse vous servit,et le hasard vous perd. 6+6 a
340 A juger le prochainvous êtes très-expert, 6+6 a
Monsieur, dit Rozemon.Vous m'arguez de ruse : 6+6 b
Mais ne peut-on savoirquel indice m'accuse ? 6+6 b
— Ce débat avec vousest au-dessous de moi. 6+6 a
— Cependant vous prenezun singulier emploi. 6+6 a
345 — Je défends une femme :elle est votre victime 6+6 b
Et je la sauverai,sans excuser son crime. 6+6 b
— Que voulez-vous enfin,émissaire fatal ? 6+6 a
— Des lettres qui seraientla mort du général. 6+6 a
— Vous ne les aurez pas !
— Je les veux. C'est ma tâche, 6+6 b
350 Et vous me les rendrezsi vous n'êtes un lâche. 6+6 b
Encor !
— Si vous n'avez,pour garder ce trésor, 6+6 a
Fait de secrets calculsqu'on paie avec de l'or. 6+6 a
— C'en est trop !
Ah ! chez vousparle quelque courage ? 6+6 b
Implacable censeur,si j'écoutais ma rage, 6+6 b
Je… Mais nous nous verronsailleurs.
355 — Quand ? — Dès demain. 6+6 a
A la Porte-Maillot.
— J'y serai, dit Firmin. 6+6 a
À six heures.
— Non, non,jamais je ne me lève 6+6 b
Sitôt. C'est pour midi.Jusque-là faisons trêve. 6+6 b
Laissez-moi retournervers mes amis.
— Ces fous ! 6+6 a
Si vous êtes vaincu,les lettres
360 — Sont à vous. 6+6 a
Mes témoins les auront ;mais il faut vous attendre, 6+6 b
Vous qui les réclamez,à me voir les défendre 6+6 b
Avec acharnement.Puisque le sort le veut, 6+6 a
Puisqu'il faut en finir,oubliant qu'il se peut 6+6 a
365 Que demain je succombe,oh ! j'accueille avec joie 6+6 b
L'espoir de me vengerque le hasard m'envoie. 6+6 b
Je vous tiendrai, mon fertout près de votre cœur, 6+6 a
Vous qui m'avez tant nui,soit grave, soit moqueur ; 6+6 a
Vous qui n'avez cesséde fronder ma conduite ; 6+6 b
370 Vous dont je dois subirl'éternelle poursuite ! 6+6 b
Comme une ombre importuneattachée à mes pas, 6+6 a
Vous étiez un ennuique je n'avouais pas, 6+6 a
Mais qui rongeait mon cœuret dont je me délivre 6+6 b
Au jour l'un de nousaura cessé de vivre, 6+6 b
375 Jusqu'à votre vertu,tout en vous me blessait. 6+6 a
Ah ! vous venez enfin !… La haine m'oppressait ; 6+6 a
Vous venez vous offrirvous-même à ma vengeance ! 6+6 b
Mes désirs avec vousétaient d'intelligence. 6+6 b
A demain donc, Monsieur ;j'accepte le cartel. 6+6 a
380 Que ce dernier combatsoit un combat mortel ! » 6+6 a
 Paul, s'inclinant, sortitcalme. Son adversaire, 6+6 b
Tout troublé qu'il était,prit — chose nécessaire 6+6 b
— Pour rentrer au souper,un sourire, un maintien. 6+6 a
« — Ah ! que vous êtes long !vraiment ce n'est pas bien, 6+6 a
Dit Florida.
— Pardon.
385 Un créancier peut-être 6+6 b
Vous ennuyait, mon cher ?
Oh ! non, par la fenêtre 6+6 b
Je l'eusse fait partir.C'était
— Qui ?
— Paul Firmin. 6+6 a
— Ce pédant ! dit chacun.
— Nous nous battons demain. » 6+6 a
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