Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DSA_1/DSA10
Alfred de ESSARTS
LA COMÉDIE DU MONDE
1851
IX
CLICHY
 Entre le déshonneuret l'ennui, quel abîme ! 6+6 a
Ne pouvoir échapperau dernier sans un crime ; 6+6 a
Avoir lutté, sentirqu'au bout de tout effort 6+6 a
En voulant rester puron reste le moins fort 6+6 a
5 Que de l'oppressionil faut subir l'outrage, 6+6 a
Ou se faire à son touroppresseur ; quel courage 6+6 a
Tiendrait contre le sortqui ne nous rend vainqueur 6+6 a
Après de longs combats,qu'en abaissant le cœur ? 6+6 a
 Voilà deux mois déjàqu'une étroite cellule 6+6 a
10 Emprisonne Caron,victime d'un scrupule ; 6+6 a
Deux mois que jour par jourl'infortuné se dit : 6+6 a
« — Quand pourrai-je quitterce cloaque maudit ? 6+6 a
Rien ne m'en tirera,non rien, quoi qu'il arrive. 6+6 a
De cinq ans de langueurj'ai donc la perspective ! 6+6 a
15 Et pas un seul, pas unde ceux qui m'ont connu 6+6 a
Par un reste d'égardsprès de moi n'est venu ; 6+6 a
Pas un seul n'a daigné,généreux et sincère, 6+6 a
M'apporter le tributde la pitié d'un frère. 6+6 a
Oh ! c'est à détesterl'infâme genre humain ! 6+6 a
20 Contre soi, pour le fuir,on armerait sa main 6+6 a
J'ai méconnu Timondans sa misanthropie : 6+6 a
Funeste illusionque maintenant j'expie. 6+6 a
Je donnais volontiers,me contentant de peu 6+6 a
Et tâchant seulementde soutenir mon jeu ; 6+6 a
25 J'oubliais mes ennuislorsque mes camarades 6+6 a
Dans ma chambre avec moipartageaient des rasades ; 6+6 a
Ils m'ont abandonné,les lâches, les ingrats !… 6+6 a
Des amis ? Je le vois,le malheur n'en a pas. » 6+6 a
 Un seul était venu ;vous le nommez d'avance : 6+6 a
30 Paul Firmin, noble cœur,vivante providence. 6+6 a
Sans estimer Caronil le plaignait du moins 6+6 a
Et délicatementpourvut à ses besoins. — 6+6 a
« Cet argent, lui dit-il,est le fruit d'une quête. » 6+6 a
Tout en remerciantCaron hocha la tête. 6+6 a
35 Il savait maintenant,à n'en pouvoir douter, 6+6 a
Qu'il faut sur ses amisbien rarement compter. 6+6 a
 Plus tard, un sentimentde farouche colère 6+6 a
Le rendit méfiant,sauvage, atrabilaire. 6+6 a
Enfermé dans sa chambre,il y passait son temps 6+6 a
40 Et n'allait au préauqu'à de rares instants. 6+6 a
On approchait de mai,ce mois la nature 6+6 a
Se couvre d'un manteaude fleurs et de verdure ; 6+6 a
Ce mois du renouveau,poétique saison. 6+6 a
Le soleil ne luit pasau sein d'une prison. 6+6 a
45 Le pauvre détenutel que dans une cage 6+6 a
L'oiseau qui voit s'étendreun lointain paysage 6+6 a
Bat de l'aile et gémit,— le pauvre détenu 6+6 a
Se sentit une ardeur,un besoin inconnu, 6+6 a
Une soif d'être libre.Il se dit : — « C'est folie 6+6 a
50 Que de m'éteindre icidans la mélancolie, 6+6 a
Quand un mot peut me rendreau monde des vivants. 6+6 a
Grandes phrases d'honneur,allez à tous les vents ! 6+6 a
Préjugés que l'on sert,pour lesquels on s'immole, 6+6 a
Comme si, de tout temps,il fallait quelque idole, 6+6 a
55 A votre joug pesantsi je me suis soumis, 6+6 a
Loin de moi !… Mes amisne sont plus des amis. 6+6 a
La prison est d'ailleursun bon apprentissage : 6+6 a
Ainsi que moi, plus d'uny peut devenir sage. » 6+6 a
 Son plan sitôt conçu,Caron fit prévenir 6+6 a
60 L'usurier ; celui-cis'empressa de venir. 6+6 a
 Caron en souriantlui dit : « — Homme intraitable, 6+6 a
Qui saisissez le corps,ainsi que fait le diable 6+6 a
Pour l'âme pécheresse,avant peu, je le croi, 6+6 a
Vous lèverez l'écrouque vous mîtes sur moi. 6+6 a
65 — Bah ! quels sont vos moyenspour payer cette dette ? 6+6 a
— Ma bourse est vide.
Alors ?
— Ma ruine est complète. 6+6 a
Eh bien ! fallait-il doncme déranger ainsi ? 6+6 a
L'on use ses souliersà grimper jusqu'ici. 6+6 a
— Monsieur, vous touchereztout votre argent en ville. 6+6 a
70 Vous n'avez qu'à passerchez le duc de Surville. » 6+6 a
 L'usurier se troubla.
« — J'avais tout deviné, 6+6 a
Dit Caron, et le tourfut bien imaginé. 6+6 a
Vous n'étiez qu'un agent,un moyen… Mais qu'importe ! 6+6 a
L'essentiel pour moic'est qu'on m'ouvre la porte. 6+6 a
75 Monsieur, vous remettrezau duc avec grand soin 6+6 a
Le paquet que voici :surtout pas de témoin ! 6+6 a
A beaux deniers comptantsse paie un tel message. 6+6 a
J'espère m'envoleren oiseau de passage ; 6+6 a
Et dès demain, morbleu !loin de ces murs maudits, 6+6 a
80 Réchauffer au soleilmes membres engourdis. » 6+6 a
 Le juif prit le paquet,et sous sa houppelande 6+6 a
Le cacha prudemment ;le soir, sur sa demande, 6+6 a
On appelait Caron,afin de l'avertir 6+6 a
Qu'il n'avait plus de detteet qu'il pouvait partir. 6+6 a
85  Huit jours sont écoulés ;tel qu'un chasseur en plaine 6+6 a
Caron vit au grand air,il fume, il se promène. 6+6 a
Et voici qu'il apprend,d'une part, qu'on a mis 6+6 a
A l' ombre, c'est-à-direen prison ses amis, 6+6 a
Tous accusés d'avoir,dans un club anarchique, 6+6 a
90 Tenté de renverserla forme monarchique. 6+6 a
Notre homme ne craint rien,grâce au duc qui pour lui 6+6 a
A daigné devenirun patron, un appui ; 6+6 a
De ses anciens amisà son aise il se raille, 6+6 a
Et rit comme la Mortdans un jour de bataille. 6+6 a
 D'autre part, chez le ducil est mandé.
95 « — Mon cher, 6+6 a
Je suis content de vous ;il m'en cte un peu cher, 6+6 a
Le moyen était bonselon ma prophétie ; 6+6 a
Il me fera rentrerdans la diplomatie ; 6+6 a
Je reprends mon créditet suis ambassadeur. » 6+6 a
100  Caron se prosternadevant tant de grandeur. 6+6 a
Le duc en souriantlui dit avec finesse 6+6 a
« — Je n'ai pas oubliémon ancienne promesse. 6+6 a
Les papiers que voicivalent dix mille francs. » 6+6 a
 Caron rougit.
« — Monsieurle duc, j e ne les prends, 6+6 a
105 Dit-il, qu'avec dégt,en m'accusant moi-même. 6+6 a
— C'est là, dit le vieillard,un langage que j'aime. 6+6 a
Vous avez des défauts ;mais on peut, sur ma foi, 6+6 a
Vous amener à bien,et je l'essrai, moi. 6+6 a
Très-attentivementécoutez-moi, jeune homme : 6+6 a
110 S'il vous convenait mieuxd'emporter cette somme, 6+6 a
Elle est à vous… prenez,vous ne reviendrez plus. 6+6 a
Mais si vous préférezêtre, avec mille écus, 6+6 a
Mon secrétaire, alorsauprès de ma personne 6+6 a
Vous resterez ; pour vousla chance est assez bonne. » 6+6 a
115  Caron, ivre de joie,alla tomber aux pieds 6+6 a
Du duc.
« — Remettez-vous,dit Surville, et soyez 6+6 a
Bien certain qu'envers vousje tiendrai ma parole. 6+6 a
A vous mon dévment !
— Maintenant votre rôle 6+6 a
Change complètement ;il vous faudra, Caron, 6+6 a
120 Vous pénétrer de l'airqu'exhale ce salon, 6+6 a
Être grave, profond,cacher votre pensée, 6+6 a
Rire peu, parler peu,marcher tête baissée, 6+6 a
Partre sérieux,pour qu'on dise, à vous voir ; 6+6 a
« C'est un homme posé,tout entier au devoir. » 6+6 a
125 Allez ; votre logissera prêt dans une heure ; 6+6 a
Vous aurez dans l'hôteltravaux, table et demeure. » 6+6 a
 Le nouveau secrétaireen deux bonds s'élança 6+6 a
Vers son ancien réduit ;dans l'âtre il entassa 6+6 a
Ses lettres, ses papiers,ses manuscrits : la flamme 6+6 a
130 Eut bientôt consuméces débris que son âme 6+6 a
Reniait à jamais,ainsi qu'un pèlerin 6+6 a
D'importuns compagnonss'éloigne sans chagrin. 6+6 a
Comme il avait touchéson premier mois d'avance, 6+6 a
Dans le Palais-Royalil fit en diligence 6+6 a
135 Choix d'un habillementqui fût grave ; en effet 6+6 a
Le duc, quand il rentra,parut très-satisfait. 6+6 a
Depuis ce jour, Caronadopta les lunettes. 6+6 a
Humble et flatteur, le ducdisait-il des sornettes, 6+6 a
Caron applaudissait,Garon trouvait tout bien ; 6+6 a
140 Il vantait dans son mtreet discours et maintien ; 6+6 a
Il lui donnait des soinscomme un valet de chambre, 6+6 a
Et se courbait toujours,sans être un fier Sicambre. 6+6 a
Firmin le grondait biensur cette humilité ; 6+6 a
Mais Caron persistaitdans sa docilité : 6+6 a
145 Tellement, qu'il étaitdevenu, pour Surville, 6+6 a
Indispensable… sansavoir l'air d'être utile. 6−6 a
 Le duc au Luxembourgs'était rendu. Caron 6+6 a
Ayant battu Parisrentrait chez son patron ; 6+6 a
Une voix l'appela.
« — Tiens, Forbain !
— Quelle chance ! 6+6 a
vas-tu ? d' viens-tu,Caron ?
150 — Mais… je me lance. 6+6 a
Et toi ?
— J'ai du bonheur ;on nous a dénoncés ; 6+6 a
Dans toutes les prisonsnos amis sont placés ; 6+6 a
Seul j'ai pu me soustraireà la crise commune 6+6 a
Et mon oncle en mourantme laisse sa fortune. » 6+6 a
155  Nous devons expliquerun fait encor voilé. 6+6 a
Caron, aimant Forbain,n'avait pas signalé 6+6 a
Son ancien camaradeaux coups de la justice. 6+6 a
 Forbain le contemplaitavec quelque malice. 6+6 a
« — Qu'ai-je donc d'étonnant ?
— C'est merveilleux à voir, 6+6 a
160 Lui dit Forbain, Carontout habillé de noir ! 6+6 a
Gants paille, chapeau largeet la cravate blanche, 6+6 a
Ainsi qu'un marguilliersur son banc le dimanche. 6+6 a
Ai-je l'air sérieux ?
— Oui, même un peu pédant. 6+6 a
— Bravo ! c'est ma tenueaujourd'hui.
— Cependant 6+6 a
165 Tu me plaisais bien mieuxen nos temps de folie, 6+6 a
Avec ton paletotde pauvre artiste.
Oublie 6+6 a
Ces jours que pour ma partje voudrais renier. 6+6 a
A de nouveaux devoirsje saurai me plier. 6+6 a
Un noble ambassadeurm'attache à sa personne 6+6 a
170 Secrétaire d'un duc !c'est un titre qui sonne ! 6+6 a
— Dis son premier laquais.
— Va, tu ne comprends pas. 6+6 a
— Quoi ! tu t'assocîraisà tous ses mauvais pas ? 6+6 a
— Je vais mettre le piedsur la mobile roue 6+6 a
Qui porte la fortune.
Et souvent nous secoue ! 6+6 a
175 — Mon costume à présentdoit s'expliquer pour toi. 6+6 a
Il faut avoir d'abordl'habit de son emploi. 6+6 a
Oui, mon cher, trop longtempsignoré de moi-même, 6+6 a
Avec vous j'ai menél'existence bohème ; 6+6 a
Je me range, et deviensun homme sérieux. 6+6 a
— Toi, Caron, se peut-il ?
180 — Daigne en croire tes yeux. 6+6 a
En rude championsoutenant la morale, 6+6 a
Je parlerai toujoursd'une voix magistrale, 6+6 a
Comme Monsieur Guizotnotre digne patron. 6+6 a
Je prendrai volontiersle peuple pour plastron. 6+6 a
185 A la démocratie,à ses sourdes intrigues 6+6 a
De mes raisonnementsj'opposerai les digues. 6+6 a
Un jour probablementje serai député : 6+6 a
Personne mieux que moin'aura jamais voté. 6+6 a
Mais avant tout je suissérieux. C'est la mode. 6+6 a
190 Les plus brillants succèssont écrits dans ce code. 6+6 a
Si l'on a de l'esprit,de l' humour, du savoir, 6+6 a
Néant ! sans un front graveet sans un habit noir. 6+6 a
Voulez-vous des emplois ?traitez l'Économie. 6+6 a
Pour obtenir l'honneurd'être à l'Académie 6+6 a
195 N'écrivez pas, ou bienà des traductions 6+6 a
Bornez, homme prudent,vos méditations. 6+6 a
N'essayez rien de neuf,étouffez votre muse ; 6+6 a
Blâmez, blâmez beaucoup,et soyez sans excuse 6+6 a
Pour tous les travailleursde ce siècle d'airain 6+6 a
200 Qui n'ont pas leur Capoueau Palais-Mazarin. 6+6 a
Inventez une étoileun systèmeune langue 6+6 a
Cultivez la grammaire,et surtout la harangue : 6+6 a
Les hommes moutonniersseront à vos genoux, 6+6 a
Et le budget aurades largesses pour vous. 6+6 a
205 — Vraiment, je suis confus…A la démocratie 6+6 a
Tu renonces !
— Ce n'estqu'une atroce ineptie. 6+6 a
On peut, à dix-huit ans,rêver l'égalité, 6+6 a
Faire en son cœur un templeà la fraternité. 6+6 a
Mais plus tard, quand on jugeet l'effet et la cause, 6+6 a
210 Que les républicainsparaissent peu de chose ! 6+6 a
Au fils il faut un père,au peuple il faut un roi. 6+6 a
Toute sociétése base sur la loi. 6+6 a
Allons, te voilà graveet peut-être trop sage. 6+6 a
A quand la croix d'honneur ?
Après l'apprentissage. 6+6 a
A quand l'Académie ?
215 Attends encor, mon vieux, 6+6 a
Quand j'aurai publiéquelque livre ennuyeux, 6+6 a
Et qu'il sera prouvépar le poids de l'ouvrage 6+6 a
Qu'aux Trente-Neuf mon nomne porte pas ombrage. 6+6 a
— Décidément, mon cher,ton destin sera beau. 6+6 a
220 Mais crains que ton espritn'y trouve son tombeau. 6+6 a
— L'esprit !… Lorsqu'on en vit,la famine est certaine. 6+6 a
Il est vrai… Cependantécoute Lafontaine : 6+6 a
« Attaché, dit le loup,vous ne courez-donc pas 6+6 a
 « vous voulez ?— Pas toujours ; mais qu'importe ? 4+6 b
225 « — Il importe si bienque de tous vos repas 6+6 a
 « Je ne veux en aucune sorte 8 b
« Et ne voudrais pas mêmeà ce prix un trésor. » » 6+6 a
Cela dit, mtre loups'enfuit et court encor. » 6+6 a
Je suis le loup farouche ;adieu donc, chien docile. 6+6 a
230 — Forbain, sans complimenttu n'es qu'un imbécile. » 6+6 a
 Que de gens aujourd'huiseraient prêts à bénir 6+6 a
Le collier, s'ils pouvaientà ce prix parvenir ! 6+6 a
mètre profils métriques : 6−6, (4+6), (8)
logo du CRISCO logo de l'université