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DLR_9/DLR790
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
I
L'AUTOMNE
LE VIEUX MANOIR
La tête par-dessus le mur 8 a
Du vieux manoir d'automne, 6 b
Je regarde, et m'étonne 6 b
De revoir mon passé familial et pur. 6+6 a
5 L'automne, icic, s'est effeuillées 8 a
Sous les hauts arbres tors. 6 b
Jadis, dans cette allée, 6 a
Que de vivants à moi qui maintenant sont morts ! 6+6 b
La grande automne est pâle, pâle, 8 a
10 Les branchages sont noirs. 6 b
Combien de désespoirs ! 6 b
Que de vivants à moi morts d'une mort morale ! 6+6 a
Sous ses feuilles sèches en feu, 8 a
Cette allée est hantée. 6 b
15 Pourquoi m'a-t-on quittée, 6 b
Et pourquoi donc moi-même ai-je tant dit adieu ? 6+6 a
Mes morts, vous voilà ; c'est l'aïeule, 8 a
Qui vient rôder ici. 6 b
Et c'est mon père aussi, 6 b
20 Taciturne, chassant, fumant son brûle-gueule. 6+6 a
Ce sont deux neveux, deux petits, 8 a
Héros morts à la guerre. 6 b
C'est ma mère ‒ ma Mère 6 b
Et les jours de l'enfance en elle anéantis. 6+6 a
25 Vous, défunts, au chaud dans mon âme, 8 a
Vous vivez avec moi. 6 b
Mais les autres, quel froid ! 6 b
Ils sont toujours en vie, et c'est cela le drame. 6+6 a
Absents, absents, vous voilà tous, 8 a
30 Vous qui disiez : Je t'aime. » 6 b
Et me voilà moi-même, 6 b
Moi d'autrefois, moi morte encore plus que vous. 6+6 a
Que de sang la terre a pu boire 8 a
Depuis ce cher temps-là ! 6 b
35 Ce soir, me revoilà 6 b
Apportant la paix triste et la triste victoire. 6+6 a
Des troncs sont tombés… ou grandis. 8 a
Devers l'étang qui brille, 6 b
Le battoir d'une fille 6 b
40 Frappe le linge au loin, de même que jadis. 6+6 a
Est-ce la même lavandière ? 8 a
Non. Sa fille, plutôt. 6 b
Le jour va tomber tôt, 6 b
Tandis que, seule ainsi, je regarde en arrière. 6+6 a
45 Je le contemple, ce passé, 8 a
Tragique sépulture. 6 b
La nuit, sur la nature, 6 b
Va cacher les splendeurs de l'été trépassé. 6+6 a
Le couchant,le passé, l'automne, 8 a
50 Ce battoir sur l'étang… 6 b
C'est toujours moi, pourtant, 6 b
Belle encore et trnant ma grande âme qui tonne. 6+6 a
Comme le reste d'un chemin 8 a
Qu'on doit jusqu'au bout suivre, 6 b
55 Je dois encore vivre, 6 b
Et le droit est resté de murmurer : « demain ». 6+6 a
Salut donc, manoir de jeunesse ! 8 a
Sous tes arbres grandis, 6 b
Tout ce que tu me dis 6 b
60 Je l'entends et comprends, au fond du jour qui baisse. 6+6 a
Tu dis : « Ces arbres terrassés 8 a
Me laissent ce grand vide, 6 b
Mais il m'en reste assez 6 a
Pour bercer sous le ciel une automne splendide. 6+6 b
65 « Pour toi, passante qui reviens, 8 a
Sombre et vivant fantôme, 6 b
Il te reste un royaume : 6 b
C'est marcher haut la tête et droite sur tes reins. » 6+6 a
mètre profils métriques : 8, 6, 6+6
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