Métrique en Ligne
DLR_9/DLR787
Lucie Delarue-Mardrus
LES SEPT DOULEURS D'OCTOBRE
1930
I
L'AUTOMNE
CINQ PETITS TABLEAUX
I
Sur les arbres et sur le sol, 8 a
Des feuilles, des feuilles ! 5 b
Tout jaune, un petit arbre fol 8 a
Perd d'un seul coup plus de cent feuilles. 8 b
5 Rouges, jaunes, mauves et roux, 8 a
O palette claire ! 5 b
Le grand vert des prés s'exaspère 8 b
Sous les branchages noirs et roux, 8 a
Et ce petit bouton de rose 8 a
10 Qui fleurit trop tard, 5 b
Brille dans un peu de brouillard, 8 b
Cœur frileux de l'automne rose. 8 a
II
A travers prés, à travers bois, 8 a
Commence la féerie étrange de l'année. 6+6 b
15 Partout où vont mes yeux, je vois 8 a
La grande automne empoisonnée. 8 b
Les branchages tordus et noirs 8 a
Sont lentement en proie à toutes les chimies. 6+6 b
Les dernières roses, blémies, 8 b
20 Fleurissent sur des désespoirs. 8 a
Dans la jonchée épaisse et rose, 8 a
Je m'avance, et mes pieds font un étroit chemin. 6+6 b
Et toute tremblante, à ma main, 8 b
Une feuille se décompose. 8 a
III
25 Je te retrouve donc, solitude fleurie 6+6 a
Où l'on aime parler tout bas ! 8 b
Voici l'effrayante féerie, 8 a
Les soirs où la chouette crie, 8 a
Où l'automne sonne le glas. 8 b
30 Disparate, autrefois, d'être une jeune femme 6+6 a
Parmi la funèbre couleur, 8 b
Malgré ce front triste et rêveur 8 b
J'avais tout l'été dans mon cœur. 8 b
‒ Maintenant, voici le vrai drame. 8 a
35 Il faudra lentement me faire une raison, 6+6 a
Hélas ! et que mon cœur connaisse 8 b
Qu'il tombe, autour de ma maison, 8 a
Et les feuilles de la saison 8 a
Et les feuilles de ma jeunesse. 8 b
IV
40 L'avenue au matin, cathédrale d'automne, 6+6 a
Découpe sur le ciel des vitraux flamboyants. 6+6 b
Une épaisse jonchée est aux deux bouts fuyants, 6+6 b
Rouge et jaune lueur dont le regard s'étonne. 6+6 a
Je m'avance sans bruit dans ce monde vermeil, 6+6 a
45 Et, sous les hauts tilleuls dont la masse s'allège, 6+6 b
Je regarde tomber partout, comme une neige, 6+6 b
Les rondes feuilles d'or et les ronds de soleil. 6+6 a
Menant ainsi dans l'ombre une marche étouffée, 6+6 a
Je trace dans cet or tant de minces sentiers 6+6 b
50 Que je crois en rentrant voir briller à mes pieds, 6+6 b
Miraculeusement, des bottines de fée. 6+6 a
V
Sous ce ciel pluvieux et rapide, l'automne 6+6 a
Reste flamboyante. Et le soir 8 b
Qui vient et fait cesser cet oiseau qui chantonne, 6+6 a
55 Le soir ne peut devenir noir. 8 b
Comme un vaste incendie allumé par les hommes, 6+6 a
Le paysage est empourpré. 8 b
Et tout le soleil reste en ce panier de pommes 6+6 a
Qui rutile au milieu du pré. 8 b
60 Rouge, rousse, orangée et jaune, et qui insiste, 6+6 a
La couleur ne veut pas mourir. 8 b
Parmi ce soir en flamme où j'aime tant courir, 6+6 b
Mon Dieu, comme mon cœur est triste 8 a
mètre profils métriques : 8, 5, 6+6
forme globale type : suite périodique
schéma : 4(abab) 8(abba) 2(abaab) 1(abbba)
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