Métrique en Ligne
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F = "e" féminin
| = césure
DLR_7/DLR685
Lucie DELARUE-MARDRUS
A MAMAN
1920
IV
SOUVENIRS
INTÉRIEURS
I
Je me souviens de mon berceau 8 a
Tout au fond, tout au fond d'un rêve. 8 b
Il balançait comme un vaisseau 8 a
Sur la vague qui le soulève 8 b
5 Je me souviens de ta chanson 8 a
Tristement, tristement la même. 8 b
Maintenant encore je l'aime 8 b
Et la redis à ta façon 8 a
Je me souviens des ombres basses 8 a
10 Noires, noires sur les murs blancs, 8 b
Et de tous les fantômes lents 8 b
Qui se promenaient dans les glaces 8 a
Je me souviens du grand plafond 8 a
Hanté, hanté par la veilleuse, 8 b
15 Et de ma tristesse sans fond, 8 a
Toute petite âme peureuse 8 b
Je sens encor, je sens encor 8 a
Cette toute première enfance, 8 b
Et c'est en moi, lorsque j'y pense, 8 b
20 Désespéré comme ta mort. 8 a
II
Quand venait le soir tu cousais un peu… 5+5 a
Travail de maman jamais ne s'achève. 5+5 b
Dans son fauteuil rouge, au coin de son feu, 5+5 a
Fumait notre père en suivant un rêve 5+5 b
25 Autour de vous deux qui ne disiez rien, 5+5 a
Moi la plus petite et mes sœurs nées 5+5 b
Nous faisions sans bruit notre va et vient 5+5 a
— Oh ! soirs de jadis, ô fraîches années ! 5+5 b
Parfois, doucement, un rien de sommeil 5+5 a
30 Inclinait ton front sur ton lent ouvrage. 5+5 b
Et nous riions, nous, c'était de notre âge, 5+5 b
De ce geste là, chaque soir pareil 5+5 a
Mon père rêvait dans sa fumée acre. 5+5 a
Toi, les yeux mi-clos, tu dormais, maman 5+5 b
35 Et j'ignorais, moi, que ces yeux de nacre 5+5 a
Me montraient dé ton dernier moment. 5+5 b
III
Avant de vivre, avant ce qui flambe et s'éteint, 6+6 a
A l'âge adolescent où tout l'être se cambre, 6+6 b
C'était toi qui venais m'éveiller dans ma chambre, 6+6 b
40 Premier visage du matin 8 a
Les volets, en s'ouvrant, te faisaient toute claire. 6+6 a
Ton sourire un peu triste annonçait : « Me voilà ! » 6+6 b
Dans la grande maison, tes filles et mon père, 6+6 a
Toute la famille était là 8 b
45 C'était toi, c'était toi, maman, toute vivante, 6+6 a
Toi qui devais mourir un jour seule avec moi 6+6 b
Et je ne pleurais pas, ces matins-là, d'émoi. 6+6 b
Oh ! ta fin tragique et navrante ! 8 a
C'était toi, droite, alerte, et rose de santé : 6+6 a
50 Et moi je n'étais pas immensément ravie. 6+6 b
« Bonjour, maman ! » disais-je. Et c'est tout. Car ta vie 6+6 b
Me semblait une éternité. 8 a
IV
Lorsque je débarquais avec mon compagnon, 6+6 a
L'Orient dans les yeux et le rire à la bouche, 6+6 b
55 Portant l'inquiétude et l'orgueil de mon nom 6+6 a
Au fond de mon âme farouche, 8 b
Lorsque je revenais de mes lointains voyages, 6+6 a
Du grand soleil arabe et de l'infini bleu, 6+6 b
Je vous trouvais tous deux assis au coin du feu 6+6 b
60 Un peu plus courbés par vos âges 8 a
Mais comprenais-je, hélas ! ô mon père et ma mère ? 6+6 a
Souriants tous les deux, vous sembliez pareils. 6+6 b
Je secouais sur vous mes déserts, mes soleils, 6+6 b
Toute l'éclatante chimère, 8 a
65 Et je ne voyais point passer sous votre porte 6+6 a
La grande ombre du spectre éternel et sans yeux, 6+6 b
Les doigts déjà tendus vers tout ce qu'il emporte, 6+6 a
Et qui vous guettait tous les deux. 8 b
mètre profils métriques : 8, 5+5, 6+6
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