Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DLR_6/DLR652
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VII
LA GUERRE
LE CORBEAU
Au milieu de mes champsd'automne, le corbeau, 6+6 a
Seul point noir d'une rousseet paisible étendue, 6+6 b
Le corbeau, d'un bec duret d'une griffe ardue, 6+6 b
Cherche dans les sillonsl'invisible lambeau. 6+6 a
5 Au milieu de mes champsd'automne, le corbeau, 6+6 a
Infime bête en vieau centre du silence, 6+6 b
Vole un instant, se pose,et de nouveau s'élance, 6+6 b
Et son cri fait soudainde la plaine un tombeau. 6+6 a
‒ D' viens-tu ? De quels champsatroces de batailles, 6+6 a
10 Pour croire que des mortsdorment dans mes sillons ? 6+6 b
D' viens-tu ?… Voliez-vousau loin par millions 6+6 b
Cherchant la chair tuée porter votre entaille ? 6+6 a
D' viens-tu ?… Nos labours,ici, sont innocents. 6+6 a
Ils n'ont rien enterréjamais que de la graine. 6+6 b
15 Il n'y a rien icipour ton dur bec de haine, 6+6 b
Pour tes griffes d'horreur,rouges de tous les sangs. 6+6 a
D' viens-tu ?… Si le volde tes ailes perdues 6+6 a
T'a jeté seul, du fonddes plaines de la mort, 6+6 b
Vers ce soir , sans bruit,dorment mes étendues, 6+6 a
20 Retourne l'on se bat,corbeau ! L’Est et le Nord 6+6 b
Regorgent de chair frcheencore, et tout ouverte. 6+6 a
Retourne les sanglantscadavres ont vingt ans. 6+6 b
Ici, la plaine est fauveet la forêt est verte. 6+6 a
Rien ne se joint de rougeà la couleur du temps, 6+6 b
25 Sinon l'aurore et lecouchant, et, sur la haie, 6−6 a
La feuille déjà mûreou la première baie. 6+6 a
Retourne l'on se bat !je ne veux plus te voir. 6+6 a
Car il va se leverdes bataillons-fantômes 6+6 b
Apelés par ton crisinistre, au creux du soir. 6+6 a
30 Corbeau, corbeau, j'ai peur,la face dans mes paumes, 6+6 b
D' viens-tu, d' viens-tu,triste et vivant point noir ? 6+6 a
‒ « Je suis, dit-il, l'oiseaude toutes les batailles. 6+6 a
Certes, la préhistoirea détesté ma voix ! 6+6 b
Mon bec fouilla toujoursles humaines entrailles, 6+6 a
35 Et tout ce que j'ai vudéjà, je le revois. 6+6 b
Affamé de la chairdes hommes, j'ai pu vivre. 6+6 a
Assoiffé de leur sangje n'ai cessé d'être ivre. 6+6 a
Comme vous prévoyezle pain de chaque jour, 6+6 a
Ma race croassantea prévu vos cadavres. 6+6 b
40 N'avez-vous pas portantla musique, l'amour, 6+6 a
La science, la poésie,oui, tous ces hâvres ? 8+4 b
N'êtes-vous pas ceux-làqui veillez sur la tour ? 6+6 a
Or, moi, corbeau, je dis :« Salut à votre tête ! 6+6 a
Salut, musique, amour,poésie, art, progrès ! 6+6 b
45 Mais vous vous lèverezau milieu de la fête 6+6 a
Pour aller dire à ceuxd'à côté : « Je vous hais ! » 6+6 b
Vous faut-il donc la mortpourprée et l'incendie, 6+6 a
Toute la monstrueuse,absurde tragédie 6+6 a
Qui refait de l'histoireet nourrit les corbeaux ? 6+6 a
50 Écoute-moi, poèteIls sont jeunes et beaux. 6+6 a
Ils s'entretuent avecdes faces inspirées, 6+6 a
Et leurs troupes sans gesteet d'avance enterrées 6+6 a
Ne peuvent rien souffrirde debout sous le ciel. 6+6 a
Écoute-moi, poète,ô toi, qui fais ton miel 6+6 a
55 Parmi toutes le fleursde la vie tu passes : 6+6 a
Ils sont là tous, les bruns,les blonds, toutes les races, 6+6 a
Et chaque race a ditles mains jointes : « Mon Dieu ! » 6+6 a
Et c'est cela qui meurtpar le fer et le feu ! 6+6 a
Science, pensée, art,musique, poésie 6+6 a
60 La jeunesse au hasardtombe et nous rassasie, 6+6 a
Et,quand nos becs gourmandsvont fouillant jusqu'au cœur 6+6 a
Nous dévorons peut-êtreun génie en sa fleur. 6+6 a
Titubant et gorgéde sang noir et de peste, 6+6 a
Si je viens, moi, corbeautourmenter ces labours, 6+6 b
65 C'est pour me reposerde tant de repas lourds. 6+6 b
Que doux sont tes grands champsd'automne la paix reste ! 6+6 a
Mais je vais retourner l'on se bat. j'ai faim ! 6+6 a
Dis-moi donc ta pensée,afin que je la dise 6+6 b
Aux mourants dont j'attendspatiemment la fin. 6+6 a
70 Si, dans quelque parlerque son âme agonise, 6+6 b
L'un d'eux était ton frère,en ferveur, en beauté, 6+6 a
Que lui transmettre, au bordde son éternité, 6+6 a
De la part du penseur,de la part du poète ? 6+6 a
De quel mot bienheureuxvas-tu bénir sa tête 6+6 a
75 Afin que, loin de tous,ce guerrier meure en paix ? » 6+6 a
‒ Corbeau, sinistre oiseauqui dans la mort te vautres, 6+6 b
Porte mon cœur à cetélu, s'il est des nôtres. 6−6 b
Si c'est un ennemi,dis-lui que je le hais. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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