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DLR_6/DLR632
Lucie DELARUE-MARDRUS
SOUFFLES DE TEMPÊTE
1918
VII
LA GUERRE
AU JARDIN DE MAI
Le printemps, au jardin de mai, nous faisait fête, 6+6 a
Et nos pieds étaient prêts pour la course et le bond. 6+6 b
Des arbres entiers sentaient bon. 8 b
Nous en pensions perdre la tête. 8 a
5 Nous allions, nous tenant la main, comme deux sœurs, 6+6 a
Sans presque nous parler, à grands pas, bouchee. 6+6 b
Une frêle pluie est tombée 8 b
Qui semblait parfumée aux fleurs. 8 a
Les marronniers illuminés, tout blancs, tout roses, 4+4+4 a
10 Portaient leurs fleurs ainsi que de légers flambeaux. 6+6 b
Des lilas étaient lourds et beaux. 8 b
Nous y fîmes de longues pauses. 8 a
L'herbe montait à l'arbre, et l'arbre descendait 6+6 a
A l'herbe ; et les gazons berçaient des ombres rondes. 6+6 b
15 Une branche basse pendait, 8 a
Offrant des corolles profondes. 8 b
Nous disions qu'on ne peut s'habituer jamais 6+6 a
Au printemps, cette histoire irréelle de fées. 6+6 b
Ivres, par vaux et par sommets, 8 a
20 Nous voulions vivre décoiffées. 8 b
Pour un poète vrai qui, passionnément, 6+6 a
Parcourt d'un pied léger la saison la plus belle, 6+6 b
C'est toujours un étonnement 8 a
Que la rencontre d'une ombelle. 8 b
25 C'est toujours une offrande, et c'est toujours un don 6+6 a
Qu'un nuage, un reflet, un rayon, un coin sombre, 6+6 b
Et c'est un trésor qu'un bourdon 8 a
Qui survole l'herbe, dans l'ombre. 8 b
Nos cœurs battaient de joie, ô printemps ! ô printemps ! 6+6 a
30 Tout était bonne odeur, douce couleur, musique, 6+6 b
Jeunesse, allégresse physique. 8 b
‒ Mais nos fronts étaient mécontents. 8 a
Que fait-on quelque part, qu'invente-t-on d'horrible, 6+6 a
Dans le même moment qu'au sein du printemps clair 6+6 b
35 Le bourgeon le plus insensible 8 a
Cède à la caresse de l'air ? 8 b
La nature fleurit, bourdonne, encense, bouge ; 6+6 a
Partout brille, innocent, le paradis de mai ; 6+6 b
Le sol même espère et promet. 8 b
40 …Sauf aux lieux où la terre est rouge. 8 a
Un épouvantement barre chaque horizon. 6+6 a
Le monstre de la guerre est là, qui boit et mange. 6+6 b
A deux pas de notre maison, 8 a
La face de l'Europe change. 8 b
45 Du fond de l'avenir, au bruit sourd des canons, 6+6 a
Voici venir des temps qui ne sont plus les nôtres, 6+6 b
Notre époque sombre, avec d'autres, 8 b
Dans l'Histoire pleine de noms. 8 a
Mais le jardin en fleurs est plus fort que la guerre. 6+6 a
50 Tandis que tout s'en va, pourquoi fait-il si beau ? 6+6 b
Ce merle ne peut-il se taire 8 a
Pendant qu'on nous couche au tombeau ? 8 b
Nous mourons ! Nous mourons ! Mais le printemps embaume. 6+6 a
On tue au loin, mais les oiseaux sont triomphants. 6−6 b
55 Nous sommes ruine et fantôme, 8 a
Et nous nous sentons des enfants. 8 b
mètre profils métriques : 8, 6=6
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