Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DLR_4/DLR475
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA FIGURE DE PROUE
1908
AU PORT
LA FERME VIDE
I
Assise toute seule à l’angle du vieux mur 6+6 a
De cette ferme ouverte et pour un moment vide, 6+6 b
Je sentais le repos combler mon être avide, 6+6 b
Car j’étais arrivée ici dans l’abri sûr. 6+6 a
5 Je songeais, écoutant l’égouttement du chaume 6+6 a
Un peu mouillé de pluie et couronné d’iris, 6+6 b
Aux rustiques seigneurs, les fermiers, dont la paume 6+6 a
Large avait possédé ce bien de père en fils. 6+6 b
On entendait, du fond des vertes avenues. 6+6 a
10 Crier les essieux des charrettes de foin. 6+6 b
Et les choses autour de moi, pleines de soin. 6+6 b
Restaient tièdes des mains qui les avaient tenues. 6+6 a
Dans les coins, se mêlant aux pailles des fumiers, 6+6 a
La charrue et la faulx et la herse et l'échelle 6+6 b
15 Luisaient ; et l’on voyait les pommes aux pommiers, 6+6 a
Et les vaches porter leur quadruple mamelle. 6+6 b
Le pigeonnier vétuste était comme une tour 6+6 a
Au milieu de la grasse et luisante volaille. 6+6 b
Et le chien noir dormait, arrondi dans sa paille. 6+6 b
20 En attendant le soir où tous sont de retour. 6+6 a
Ainsi, derrière ces carreaux voilés de vignes. 6−6 a
Avaient ici vécu, du maître aux serviteurs. 6+6 b
Des générations travailleuses et dignes. 6+6 a
Cette ferme battait du coup rude des cœurs. 6+6 b
25 Dans le son enroué d’une lointaine cloche, 6+6 a
Le seizième siècle avec l’heure y sonnait, 6+6 b
Bénissant cette vie active et sans reproche 6+6 a
Que depuis bien des temps tout le monde connaît ; 6+6 b
Et ma race étant là tout entière, chez elle. 6+6 a
30 Moi, dans l’ombre et dans l'or du chaume doux et haut, 6+6 b
Je me sentais pelotonnée et l’âme au chaud, 4+4+4 b
Comme un poussin heureux qu’on a remis sous l'aile. 6+6 a
II
De songer au bonheur qu’ils ont d’être chez eux 6+6 a
Quand il y a ceux-là qui sont dans les Afriques 6+6 b
35 Sur leur sol cuit au grand soleil comme les briques, 6+6 b
Sans eau, qu’un peu, mourant dans les lauriers fiévreux ! 6+6 a
L’Afrique, le pays brûlé des vaches maigres. 6+6 a
Le pays qui n’a pas de foins et pas de lait. 6+6 b
Où vivent, dans l’horreur d’an labour incomplet. 6+6 b
40 Les Arabes, mauvais paysans, et les nègres. 6+6 a
Écoute, notre beau pays si chaud, si froid. 6+6 a
Cœur des quatre saisons, ô province herbagère : 6+6 b
L’Afrique, vigne esclave et moisson étrangère, 6+6 b
Est le sol où jamais personne n’est chez soi. 6+6 a
45 Notre terre, plains donc cette terre trahie, 6+6 a
Toi qui vis de richesse et de tradition ! 6+6 b
Ce n’est des deux côtés qu’insatisfaction : 6+6 b
L’Europe est en exil, l’Arabie envahie. 6+6 a
—C’est pourquoi, ferme d’aujourd’hui que nous aimons 4+4+4 a
50 Nous qui venons de loin sur le bord de la route. 6+6 b
Petite, seule et grave, et sans que nul s’en doute. 6+6 b
Nous respirons ton bonheur calme à pleins poumons 4+4+4 a
mètre profil métrique : 6=6
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