Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DLR_4/DLR434
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA FIGURE DE PROUE
1908
EN MARGE
TROIS VOIX DE CE TEMPS
I
VOIX DES ROIS
A bout de sang. La race en nous est un vampire. 6+6 a
Donc, comment serions-nous des hommes, étant rois ? 6+6 b
Et si le monde dit : « Que la lumière soit ! » 6+6 b
Que comprendrions-nous ? Le monde, c’est l’Empire. 6+6 a
5 L’huile du droit divin brille à nos têtes d’or ; 6+6 a
Mais nous ne savons pas pourquoi nos yeux sont tristes 6+6 b
Pendant qu’autour de nos clinquants vivent si fort 6−6 a
Les foules, ouvriers, penseurs, rêveurs, artistes. 6+6 b
Or, sur ta pourpre, ô sang de la réalité. 6+6 a
10 Quand nous traînons ainsi la pourpre des légendes 6+6 b
Et l’ennui, faut-il donc que notre cœur entende 6+6 b
Gronder aux quatre vents l’hymne à la liberté ? 6+6 a
Faut-il donc sur nos yeux nos mains terrorisées 6+6 a
Pour ne pas voir monter sur nos États amers 6+6 b
15 L’épouvantable, rouge et magnifique mer 6+6 b
De la révolte en roule où grincent des risées ? 6+6 a
Les bons droits sont autour de nous comme des loups. 6+6 a
Mais s’il ne se peut pas que la meute se taise, 6+6 b
Si nous sentons toujours vaciller sur nos cous 6+6 a
20 Le chef inconscient et doux de Louis seize, 6+6 b
Amen ! Vers un vétuste et niais infini, 6+6 a
Sans nous plaindre, levons de sublimes fronts calmes, 6+6 b
Et, d’avance, tendons nos bras martyrs aux palmes. 6+6 b
Ignorant quel long crime avec nous est puni. 6+6 a
25 Pour pénétrer tout droit en pleine apothéose, 6+6 a
P'ace à l’Histoire, au seuil du couchant violet. 6+6 b
Sans avoir soupçonné jamais de quelle chose 6+6 a
Toute l’humanité debout nous en voulait… 6+6 b
II
VOIX DU RÊVE
L’intime liberté, la liberté tout bas, 6+6 a
30 Nous l’enseignons à l’homme, en secret, face à face. 6+6 b
Mais, si l’heure a sonné de l’anarchie en masse. 6+6 b
Du fond des quatre points nous appelons le tas. 6+6 a
Moutons ! Moutons ! le maître a mis ses belles marques 6+6 a
Majuscules au flanc des dociles toisons. 6+6 b
35 Mais viennent à craquer les planches qui vous parquent. 6+6 a
Votre débordement crèvera l’horizon. 6+6 b
Que, sur les grands chemins de poussière ou de neige. 6+6 a
Vous inscriviez votre ruée avec du sang. 4+4+4 b
Qu’importe, si déjà le berger tout puissant 6+6 b
40 Pâlit de peur, de voir que son troupeau l’assiège ? 6+6 a
Moutons, moutons humains ! Foules ! Tous les sans noms 6+6 a
Tous les sans droits, venez ! C’est le jour du délire 6+6 b
Des cœurs. S’ils sont en vous tendus comme des lyres. 6+6 b
Chantez, huez, gueulez plus fort que les canons ! 6+6 a
45 Vos millions de voix réveilleront le monde. 6+6 a
Toutes les nations, prises d’étonnement. 6+6 b
Écouteront debout comme le souffle gronde 6+6 a
D’un peuple, génial poète d’un moment. 6+6 b
Ivresse ! O coup d’épaule aux portes millénaires, 6+6 a
50 Air vierge respiré pour la première fois, 6+6 b
Sombre fléau faisant à grands coups, sur son aire. 6+6 a
Sortir la liberté de la gerbe des rois ! 6+6 b
— Or, nous vous l’enseignons, vous tous qui voulez vivre 6+6 a
Pas de mornes revers aux géantes horreurs 6+6 b
55 Des révoltes. Gardez vivante dans vos cœurs 6+6 b
Cette exultation du jour qui vous délivre. 6+6 a
Que chacun porte en soi toute l’humanité. 6+6 a
N’accueillez pas dans vos esprits l’oubli du crime ; 6−6 b
Que ne s’y taise point la clameur unanime, 6+6 b
60 Le cri d’accouchement de votre liberté. 6+6 a
Craignez pour lendemain le jour-le-jour infâme, 6+6 a
La routine de ceux que vous avez jugés, 6+6 b
Leurs maisons, leurs soucis, leurs livres et leurs femmes, 6+6 a
L’ornière de leur vice et de leurs préjugés. 6+6 b
65 Que le quotidien forfait de l’égoïsme. 6+6 a
Que la honte des lois et des religions 6+6 b
Ne vous atteignent pas de leur contagion, 6+6 b
N’abâtardissent pas votre rouge lyrisme. 6+6 a
Mais quand tout sera coi sous des gazons épais. 6+6 a
70 Bâtissez sur le plan des rêveurs que nous sommes. 6+6 b
Aimez-vous. Travaillez. Pensez. Soyez en paix, 6+6 a
Soyez dignes, soyez simples. Soyez des hommes. 6+6 b
III
VOIX DU PEUPLE
Ceux-là, leur foi, leur loi, leurs livres, leurs maisons. 6+6 a
Ceux-là, contre lesquels nos vagues se soulèvent. 6+6 b
75 Ceux-là qui font rugir nos cœurs et nos raisons. 6+6 a
Ceux-là que nous avons jugés, c’est notre rêve. 6+6 b
C’est le lendemain vrai de notre liberté. 6+6 a
Le mur neuf reconstruit sur le mur millénaire, 6+6 b
Nos fils, le sang du sang révolutionnaire 6+6 b
80 Sur les chemins de boue ou de neige égoutté. 6+6 a
Aujourd’hui, le beau souffle rauque, hommes ou femmes. 8+4 a
Passe en nous. Mais ce n’est que le moment d’un cri. 6+6 b
Demain, pour reposer notre grand corps meurtri, 6+6 b
Nous nous endormirons pour nous lever infâmes. 6+6 a
85 Notre soc indigné retournant le sillon 6+6 a
Humain, croit s'attaquer à la mauvaise graine, 6+6 b
Mais déjà la moisson d’injustice et de haine 6+6 b
Repousse au dur labour de nos rébellions. 6+6 a
Donc, ayant dit tout haut ce que nous voulions dire, 6+6 a
90 Réclamé devant tous ce qui nous était dû. 6+6 b
Notre foule, poète en feu, ne sera plus. 6+6 b
Et dans l’oubli muet se détendra la lyre. 6+6 a
C’est pourquoi, de nos mains sanglantes, nous mettrons 6+6 a
L’huile rance des rois au front des Républiques, 6+6 b
95 Et livrerons le monde aux nations obliques 6+6 b
Que nous aurons laissé couver dans nos girons. 6+6 a
Pour que la Ville avec son masque de façades, 6+6 a
Avec son monstrueux et morne jour-le-jour, 6+6 b
Stupide, dans l’orgueil des prisons et des tours, 6+6 b
100 Renaisse lentement du cœur des barricades. 6+6 a
mètre profil métrique : 6=6
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