Métrique en Ligne
DLR_4/DLR420
Lucie DELARUE-MARDRUS
LA FIGURE DE PROUE
1908
DE FRANCE
EN PARTANCE
Pourquoi prétendaient-ils qu’on n’arrive jamais ? 6+6 a
Le voyage pour moi n’est pas ce grand mensonge. 6+6 b
Chaque nouveau pays est celui que j’aimais, 6+6 a
Je reconnais partout la couleur de mes songes. 6+6 b
5 Quand le sifflet des trains m’a lézardé le cœur, 6+6 a
Je me sentais sortir de moi par tous les pores. 6+6 b
Les bateaux ont crié ma joie et ma douleur 6+6 a
D’océans inconnus et de nouvelles flores. 6+6 b
Que si parfois je perds de moi-même, en passant, 6+6 a
10 Gomme un agneau sa laine aux ronces acérées. 6+6 b
Le large étonnement des terres ignorées 6+6 b
Me refera peut-être un regard innocent. 6+6 a
Je poserai des yeux différents sur les choses 6+6 a
D’avoir, entre mes cils, tenu tant d’horizons. 6+6 b
15 Je possède déjà plus que notre raison 6+6 b
D’Europe, ayant dormi certaines nuits de roses. 6+6 a
Le monde reste grand pour qui le voit de près. 6+6 a
On lève vers le ciel une face accueillie 6+6 b
Aux jours qu’on s’accompagne, à travers les forêts. 6+6 a
20 D’une traîne de Heurs et de branches cueillies. 6+6 b
L’esprit vole aussi haut qu’un grand archange clair 6+6 a
Quand on ouvre les bras vers des mers ineffables. 6+6 b
Qu’on va, sur une bête emportée au désert, 6+6 a
Éventrer le soleil qui se meurt dans le sable. 6+6 b
25 On goûte plus avant, le cœur gonflé d’adieu, 6+6 a
La couleur, le parfum, la musique des villes, 6+6 b
Et leurs femmes d’un soir, belles comme des dieux. 6+6 a
Secouant sur leurs bras des bracelets serviles. 6+6 b
Gomme j’ai soif encor de couchants ensablés. 6+6 a
30 De cités au soleil, d’ardentes forêts vertes ! 6+6 b
Que je sens tous les lieux où je voudrais aller 6+6 a
Me fasciner du fond de l’étendue offerte ! 6+6 b
Je suis partie ! Au jour de revoir mon pays, 6+6 a
Ma ville capitale et ma native plage. 6+6 b
35 Mes hivers trépidants, mes automnes rouis. 6+6 a
Je veux que ce retour soit encore un voyage. 6+6 b
L’univers est à moi, tout pays est le mien. 6+6 a
Je suis chez moi partout et partout étrangère. 6+6 b
D’exister sans foyer, de ne compter sur rien, 6+6 a
40 M’a donné le secret d’avoir Lame légère. 6+6 b
On rêvait de mourir, mais voyager vaut mieux 6+6 a
Je me suis pour toujours arrachée à mes fibres. 6+6 b
Quelle terre me peut retenir, ou quels yeux ? 6+6 a
Mon être s’est enfin dispersé : je suis libre ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
forme globale type : suite de strophes
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