AU DELÀ |
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Je me levai du fond des ténèbres sans formes, |
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En écartai l'inconsistante pesanteur, |
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Et j'allais, tâtonnante, à la vague lueur |
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Qui commençait au bout de leurs replis énormes. |
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Depuis quand, dans la nuit de mon caveau natal, |
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S'était ouverte ainsi la confuse lézarde ? |
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Mes mains, en s'y portant toutes deux, eurent mal |
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Au choc de la muraille où l'ombre s'acagnarde. |
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Sortir ! Mes doigts blessés se mouillent, dans le noir, |
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D'un invisible sans que je sais être rouge. |
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Peut-être est-il ici quelque pierre qui bouge ? |
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Je travaillais, je travaillais — O désespoir ! |
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Minutes, heures, jours, semaines, mois, années, |
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Comment savoir quel temps s'écoula dans l'horreur, |
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Jusqu'à ce qu'aient senti mes mains hallucinées |
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Et vu mes yeux déments s'agrandir la lueur ? |
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Je passai. ce n'était qu'un étroit couloir d'ombre |
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Mais dont je discernais maintenant les contours, |
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Et j'y marchai des jours et puis encor des jours |
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Et peut-être la nuit était-elle moins sombre, |
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Et peut-être la nuit laissait-elle passer |
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Doucement, doucement, ô bonheur ! quelque chose, |
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Quelque chose d'étrange et qui deviendrait rose : |
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Un peu de jour ? mon pas se faisait plus pressé. |
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Oui, le jour ! Je voyais se dessiner l'issue, |
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Tout au bout, tout au bout de ce couloir sans fin. |
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Et je criai devers la merveille aperçue, |
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Et je courais, et je courais. L'atteindre enfin ! |
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Je l'atteins ! Me voici tout à coup à la porte |
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Qui s'ouvre de la nuit sur un monde vermeil. |
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Je sors ! Les brouillards blancs où ma course me porte |
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Sont déjà, pour mes yeux, beaux comme le soleil. |
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J'avance encor, toujours, écartant des nuages |
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Avec mes mains, avec mon front, sauvagement. |
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Je vais y voir. Je vois ! Quelque part, un aimant |
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Me dirige. Je vois. Un ciel ! Des paysages ! |
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Tout se sculpte, tout sort des brumes de coton. |
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Une rivière ici. Là, c'est une colline. |
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Voici l'eau, voici l'air, et voici le feston |
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Des arbres, sous le ciel où l'ombre est opaline. |
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Je cours, encor, toujours. Mes pieds sont furieux. |
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L'aube ! Fera-t-il jour vraiment dans mes prunelles ? |
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A genoux je voudrais l'attendre. Je ne peux. |
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Pour aller vers le jour il me faudrait des ailes. |
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De la lumière ! Où donc ? Là-bas ! J'y vais ! J'y vais ! |
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Maintenant que j'ai vu je veux voir plus encore. |
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Et voici ! Le soleil va naître. C'est l'aurore. |
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Et plus vite je cours avec des bras levés. |
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Il naît. C'est lui, c'est lui dans son horreur sacrée ! |
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Le moment est venu de tomber à genoux. |
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Non ! L'aimant qui me guide est là. Je suis tirée |
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Plus loin, vers le soleil et ses horizons fous. |
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Ai-je jamais connu la nuit initiale |
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Où jadis la fissure ouverte dans le mur |
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A lentement mené mon pas tremblant mais sûr ? |
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J'y vais ! Et le soleil lui-même semble pâle. |
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Il semble pâle. Il est derrière moi. Courons ! |
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Une sphère inconnue est ouverte. Je passe. |
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Où suis-je ? Le contour des choses, qui s'efface, |
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Ne s'efface à présent qu'à force de rayons. |
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De la lumière ! Oui ! Prunelles éblouies, |
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Allant toujours, sans force et le cœur éperdu, |
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Je regarde. Je suis comme un enfant perdu, |
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Je ne vois rien, plus rien que clartés infinies. |
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Partout, derrière moi, devant moi, tout autour, |
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Illimité, l'espace irradie et s'allume. |
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Près de ce bain de flamme et de douceur, le jour |
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Même équatorial, ne serait plus que brume. |
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Je marche sur du jour. Plus de sol sous mes pas. |
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Et j'écarte à ma droite, et j'écarte à ma gauche |
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Pour voir si, quelque part, quelque contour s'ébauche |
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Mais non ! Rien que lumière ici, en haut, en bas. |
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Elle me noie. Elle est comme une mer divine ! |
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Sans aveugler mes yeux et ne me brûlant point, |
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Elle me porte, errante et de plus en plus loin, |
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Perdant ma pesanteur ainsi qu'une racine. |
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Je cherche, cherche. Il faut en retrouver le fond. |
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Il faut reprendre pied dans la mer lumineuse. |
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Mais je suis dans un monde insaisissable et blond, |
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Un immense néant de clarté bienheureuse. |
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Un néant ? J'avançais toujours, prise d'effroi, |
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Et toujours se faisait plus fulgurant le vide, |
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Et toujours déferlait, plus clair autour de moi, |
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Me serrait de plus près l'océan d'or liquide. |
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Je pus, vainquant la lumineuse cécité, |
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Voir encore un instant mon corps : puis la lumière |
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Fît invisible enfin mon image première, |
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Et je n'eus plus de forme et plus d'identité. |
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