Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DLR_10/DLR868
Lucie DELARUE-MARDRUS
MORT ET PRINTEMPS
1932
DÉDICACE
Ces vers, suprême honneurde Charles Baudelaire, 6+6 a
Ces vers, au seuil desquelsvous inscrivez mon nom 6+6 b
Croyant m'enorgueillirsimplement et me plaire, 6+6 a
Doux Henri de Régnier,vous ne savez pas, non, 6+6 b
5 Vous ne saurez jamaispar quel retour étrange 6+6 a
Ils semblent répéterma destinée à moi. 6+6 b
Car si c'est un regardtombé du mauvais ange 6+6 a
Qui fit germer en vousle poétique émoi, 6+6 b
Si c'est d'avoir, enfant,aux bras de la nourrice, 6+6 a
10 « Croisé ce pas divinqui montait dans le soir » 6+6 b
Qu'entra dans votre cœurla force génitrice 6+6 a
Des pathétiques yeuxqui regardaient sans voir, 6+6 b
S'il est vrai que parfoisle souffle d'un poète 6+6 a
Dans l'air qu'il respiralaisse un pollen divin, 6+6 b
15 Je reçus comme vousl'invisible levain, 6+6 b
Et, celle que je suis,vous l'avez un peu faite. 6+6 a
Certes, au bord des eauxqui, ni fleuve ni mer, 6+6 a
Baignent notre paysen deuil de votre absence, 6+6 b
Vous avez enivréma sombre adolescence 6+6 b
20 De votre poésieau parfum doux-amer ! 6+6 a
Je n'étais que filletteet vous déjà grand homme, 6+6 a
Je n'avais jamais vumon poète admiré, 6+6 b
Mais ma mère, autrefois,vous avait rencontré 6+6 b
Tout petit, dans la ville l'embrun sent la pomme. 6+6 a
25 J'étais fière, déjà,de vous savoir d'ici, 6+6 a
Et vos vers, qui, par cœur,chantaient dans ma mémoire, 6+6 b
Aux décors coutumiersajoutaient de la gloire, 6+6 b
Et vos nymphes dansaientdans l'automne roussi. 6+6 a
Allant par des prés verts,sous des branchages jaunes, 6+6 a
30 Vers l'étang, , miré,tremblait notre manoir, 6+6 b
Que de fois j'écoutailes flûtes de vos faunes 6+6 a
Moduler pour moi seuleaux approches du soir ! 6+6 b
Que de fois l'estuaire le couchant se trne, 6+6 a
la vase s'allongeen déserts violets, 6+6 b
35 Me laissa devinerque l'Homme et la Sirène 6+6 a
Ne pouvaient être nésque parmi ces reflets ! 6+6 b
Vous n'avez pas voulude la petite ville 6+6 a
Qui tient encor deboutdepuis tant de cent ans. 6+6 b
Comme ceux des pêcheurs,grande horde incivile, 6+6 a
40 Vos pas n'ont point uséses pavés cahotants. 6+6 b
Ses deux clochers vieillotset ses étroites rues 6+6 a
Laissant filtrer partoutle large aux sept couleurs, 6+6 b
Ses fenêtres d'ardoise s'étagent des fleurs, 6+6 b
Son port tout palpitantde voiles accourues, 6+6 a
45 Sa chapelle de Grâce,en haut, qui voit venir 6+6 a
Depuis près de mille ansles longs pèlerinages, 6+6 b
Et le cri des bateauxet l'odeur des voyages, 6+6 b
Tant de charmes, pour vous,se sont que souvenir ! 6+6 a
Vous n'avez pas voulud'une telle patrie, 6+6 a
50 Riche comme un royaumeet noble comme un parc, 6+6 b
Dont les châteaux, perdussous leurs hêtres en arc, 6+6 b
Ouvraient leur cour d'honneurà votre seigneurie. 6+6 a
Et cependant, roulédans ses bleus et ses verts, 6+6 a
Ses jaunes et ses roux,fastueuses étoffes, 6+6 b
55 Ce pays que la merrythme comme des strophes, 6+6 b
Ce pays tout entierressemblait à vos vers. 6+6 a
Ces arbres de printemps «bouquets de mariées » 6+6 a
Qui devaient refleurirdans votre œuvre, plus tard, 6+6 b
C'étaient nos pommiers rondset leurs branches, pliées 6+6 a
60 Sous les blancheurs de maiteintes d'un peu de fard. 6+6 b
Vos automnes chantantde douces odelettes, 6+6 a
Tel grand vers éclatantau bout de tel sonnet, 6+6 b
Et toutes les couleursde toutes vos palettes, 6+6 a
La marque du pays,certes, s'y reconnt ! 6+6 b
65 La brume qui, parfois,trne son long suaire 6+6 a
A travers vos écrits,mélancoliquement, 6+6 b
C'est celle qui, le soir,monte de l'estuaire 6+6 a
Quand le ciel et la merstagnent sans mouvement. 6+6 b
Les nuages, les vents,les écumes, les lames 6+6 a
70 Qui roulent dans vos motsentrechoqués, parfois, 6+6 b
Aux grands jours de tempêteen mer, je les revois, 6+6 b
Comme, au fond des bois roux,vos vestiges de flammes. 6+6 a
C'est d'avoir, tout enfant,par-dessus ce vieux mur, 6+6 a
Contemplé l'abandonde mortes avenues 6+6 b
75 Que vos proses de rêveaussi vous sont venues, 6+6 b
-Et vos malices rientau fond du cidre sur. 6+6 a
Dans son hautain lyrismeou sa gaieté hardie, 6+6 a
Guêpe piquante au creuxvelouté d'une fleur, 6+6 b
Oui, votre œuvre, poète,elle est de Normandie, 6+6 a
80 Elle vient, malgré tout,du pays de Honfleur. 6+6 b
Reviendrez-vous ici,rêveur chargé de gloire ? 6+6 a
Reviendrez-vous ici,déserteur triomphant, 6+6 b
Remettre, las un peud'être entré dans l'Histoire, 6+6 a
Les pas de l'homme mûrdans les pas de l'enfant ? 6+6 b
85 Revenez ! Les flots grisrapporteront la lyre 6+6 a
s'essayaient vos doigtsenfantins de jadis. 6+6 b
Revenez ! Et partout,vous croirez vous relire, 6+6 a
Et le pays, tout bas,murmurera : « Mon fils ! » 6+6 b
Revenez ! Les matins,les midis, les vesprées 6+6 a
90 Inspireront encorvos yeux remplis de soir, 6+6 b
Et la sirène en pleursque roulent nos marées 6+6 a
Viendra crisper ses mainsà votre manteau noir. 6+6 b
C'est dans le jour tombant.Vous montez la colline. 6+6 a
Ma petite maisonattend à mi-chemin. 6+6 b
95 C'est l'automne. Un brouillard,légère mousseline, 6+6 a
Flotte ; et, d'en haut, je faisun signe de la main. 6+6 b
On a tout allumé :le lustre et les bougies, 6+6 a
Comme pour quelque baldu conte de Perrault. 6+6 b
Aux fenêtres d'antan,chaque petit carreau 6+6 b
100 Est bleu de jour. Dehors,les feuilles sont rougies. 6+6 a
Dans l'ample cheminée,un feu de la Saint-Jean 6+6 a
Fait descendre et monterdes chimères mouvantes. 6+6 b
On vous attend. Le gesteaffairé des servantes 6+6 b
Soigne encore, au salon,quelque détail urgent. 6+6 a
105 Vous voici ! Vous entrez !O face bienvenue ! 6+6 a
O fleurs ! Parfumez bience soir entre les soirs ! 6+6 b
Tout à l'heure vos pascraquaient sur l'avenue, 6+6 a
L'estuaire était clairentre les tilleuls noirs. 6+6 b
Ma petite maison,vous l'aimez, Elle est belle ! 6+6 a
110 Certains contes de vousl'avaient prévue aussi. 6+6 b
Je vous avais bien ditque rien n'était comme elle. 6+6 a
Des livres ?… Oui. Voyez !Les vôtres sont ici. 6+6 b
Nous voici tous les deuxassis au coin de l'âtre, 6+6 a
Fantômes revenussous un toit d'autrefois, 6+6 b
115 No rêves s'effeuillantcomme une rose aux doigts… 6+6 b
La nuit vient. L'avenueest encore bleuâtre. 6+6 a
Oh ! lorsque je songeais,presque une enfant encor, 6+6 a
Quand, obscure inspiréeet fillette inconnue, 6+6 b
Vos vers étaient pour moicomme un divin miel d'or, 6+6 a
120 Aurais-je jamais cruque l'heure fût venue, 6+6 b
Cette heure j'aurais vule personnage ailé 6+6 a
S'asseoir devant le feuprès de moi, simple et sage, 6+6 b
d'égal à égalje vous aurais parlé, 6+6 a
Portant un tel passésur mon pâle visage ! 6+6 b
125 Vous viendrez à Honfleur.Vous me l'avez promis. 6+6 a
Et ces minutes-là,certes, seront réelles, 6+6 b
Et, devant ce feu-ciqui fait ce doux bruit d'ailes, 6+6 b
Nous causerons tous deuxcomme de vieux amis. 6+6 a
Or donc, — vous l'avez dit —si Charles Baudelaire 6+6 a
130 Vous fit poète alorsque vous étiez petit, 6+6 b
Si moi-même, plus tard,comme aussi je l'ai dit, 6+6 b
J'ai respiré, dans l'aird'ici, votre œuvre claire, 6+6 a
S'il est vrai qu'un pouvoirsecret d'enfantement 6+6 a
Appartient aux espritstourmentés que nous sommes, 6+6 b
135 Si d'un regard de nousdes femmes et des hommes 6+6 b
Peuvent ntre et reprendreen eux notre tourment, 6+6 a
Qui sait, lorsque je passeaujourd'hui dans les rues 6+6 a
De la petite ville tous deux sommes nés, 6+6 b
Qui sait, sous mes yeux noirsun instant détournés, 6+6 b
140 Si des âmes, déjà,ne sont pas apparues ? 6+6 a
Sais-je ce que mon souffleengendre dans le vent 6+6 a
Et quelle âme enfantineou maudite ou bénie 6+6 b
Fut par moi suscitéeen passant et rêvant ? 6+6 a
Ai-je fait au hasardun enfant de génie ? 6+6 b
145 Que celui-là, plus tard,quand il sera l'élu, 6+6 a
Ainsi que vous et moisache à qui rendre hommage. 6+6 b
Car Charles Baudelairea de vous cette page, 6+6 b
Mais vous, à votre tour,vous avez ce salut. 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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