Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DLR_1/DLR134
Lucie DELARUE-MARDRUS
OCCIDENT
1901
SUR LE SEUIL
SUR LE SEUIL
J'attends que vienne en moi le rire de mon âge 6+6 a
Pour te donner tous mes fruits mûrs, plus savoureux 6−6 b
Que les pêches tombant sans effort au passage 6+6 a
De la paume qui veut leur rondeur à son creux, 6+6 b
5 Lourde de chair jutant à fleur de leur peau moite. 6+6 a
Car déjà, quoique bien vierge, chaste et benoîte, 6+6 a
J'ai la mélancolie au fond de mes iris 6+6 a
D'avoir longtemps suivi la route et d'avoir pris 6+6 a
Une à une ses fleurs dans mes mains enrichies 6+6 a
10 Qui ont tenu dans des bouquets tout le printemps 6−6 b
Et tout l'automne roux de feuilles défraîchies. 6+6 a
Et puis la mer rythmique, où j'ai rêvé longtemps, 6+6 b
A chanté toute sa signifiance profonde 6−6 a
En moi, et ses couchants furieux ont grandi 6+6 b
15 Dans mon âme toujours plus ample, et j'ai redit 6+6 b
Sa douceur qui chuchote et sa houle qui gronde. 6+6 a
J'ai senti jusqu'au fond mon cœur, et jusqu'au fond 6+6 a
Mes sens dans les douleurs, les calmes et les joies ; 6+6 b
J'ai fait prier l'amour, geindre la passion ; 6+6 a
20 Mes doigts ont déchiré des cœurs comme des proies 6+6 b
Et mon oreille fut le confessionnal 6+6 a
Où parla haut le bien et parla bas le mal. 6+6 a
Et parce que j'ai eu toute l'Intention 6+6 a
Bonne ou perverse au bord de mes instincts perplexes, 6+6 b
25 Et sue toute la vie aux canevas complexes 6+6 b
A livré son secret à ma réflexion, 6+6 a
Aucun étonnement n'atteint mes équilibres. 6+6 a
Mes nerfs se sont comptés jusqu'aux dernières fibres 6+6 a
Sous l'archet frissonnant de la sensivité ; 6+6 a
30 La musique et les vers et l'art et la beauté 6+6 a
Et le baiser qui passe à fleur d'âme et de bouche 6+6 a
Ont gonflé leurs sanglots au profond de mon cœur, 6+6 b
Et, tour à tour, de l'aube au soleil qui se couche, 6+6 a
J'ai couru mon désir et flâné ma rancœur. 6+6 b
35 L'abstraction aride a creusé ma pensée 6+6 a
D'un bout à l'autre et sans répit, comme u labour, 6−6 b
Et j'ai grandi les yeux de mon âme angoissée 6+6 a
Dans l'horreur du mystère humain, et, tour à tour, 6+6 b
Fait rire vers le ciel et sangloter mon doute. 6+6 a
40 Et maintenant je suis celle qui vient à toi 6+6 b
Qui me montres au doigts le jardin et le toit, 6+6 b
Ami aux bras ouverts en travers de la route 6+6 a
Où nous allons marcher, lents de geste pâmé. 6+6 a
Je suis celle qui, pour n'avoir jamais aimé, 6−6 a
45 Ne peut encore pas se connaître soi-même, 6+6 a
Et qui veut dans tes bras savoir comment elle aime, 6+6 a
Celle dont des vingt ans font flamboyer les yeux, 6+6 a
mais dont l'âme, ainsi qu'un violon douloureux, 6+6 a
A senti s'en aller et revenir en elle 6+6 a
50 Comme un rythme incessant la vie universelle, 6+6 a
Et qui va sur ton cœur mesurer son contour 6+6 a
Toujours fuyant, chercher où sont ses propres bornes, 6+6 b
Sonder son être tel qu'un océan d'eaux mornes, 6+6 b
L'espace d'un bonheur, l'espace d'un amour ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6−6
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