Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DLP_2/DLP37
corpus Pamela Puntel
Albert DELPIT
POÉSIES DE GUERRE
Poèmes publiés dans LA REVUE DES DEUX MONDES (1871)
1871
II. — LE VOLONTAIRE
— Chère femme, je viens | te dire un gros mystère 6+6 a
Ce matin je me suis | engagé volontaire. 6+6 a
— Tu pars ? Voyons, voyons, | je ne comprends pas bien… 6+6 b
Tu pars ?
— Oui.
— Quand ?
— Demain. | Je ne t’en disais rien. 6+6 b
5 Parce que je voulais | reculer ta souffrance ; 6+6 a
Mais…
— Et pourquoi pars-tu ? |
— Pour défendre la France, 6+6 a
Parbleu !
— Non, j’entends mal | ce que tu dis, je crois 6+6 b
Tu pars… comme soldat ? | Mais qui t’y force ?
— Moi… 6+6 b
— Mais moi, mais ton enfant ? | nous quitter ? et sans cause ? 6+6 a
10 — Tu te trompes : je pars, | et c’est pour quelque chose ! 6+6 a
Je pars pour accomplir | notre devoir à tous ! 6+6 b
Vois-tu, le temps n’est plus | de ne songer qu’à nous : 6+6 b
Au-dessus de l’amour | des enfans et des femmes, 6+6 a
Il est un mot sacré | qui fait vibrer nos âmes : 6+6 a
15 Un mot que nous avons | bafoué trop longtemps, 6+6 b
Mais qu’il faut relever, | s’il en est encor temps ! 6+6 b
— Je ne te comprends pas… |
— Écoute, ma chérie : 6+6 a
Je viens de découvrir | que j’aimais ma patrie !… 6+6 a
Ma foi, c’est vrai, j’étais | incrédule et railleur ; 6+6 b
20 C’est mon pays vaincu | qui m’a rendu meilleur, 6+6 b
C’est pourquoi j’ai pleuré | dans le fond de moi-même, 6+6 a
Comme si je perdais | un des êtres que j’aime : 6+6 a
Je m’étais endormi | ne croyant plus à rien… 6+6 b
Au réveil, je me suis | relevé citoyen ! 6+6 b
25 — Des mots que tout cela ! | des phrases de poète ! 6+6 a
Quelque rhéteur obscur | t’aura monté la tête ! 6+6 a
Ta patrie est ici ; | c’est ton enfant, c’est moi ! 6+6 b
Le reste ? que me fait | le reste, excepté toi ? 6+6 b
Pourquoi donc vouloir faire | une tâche plus grande 6+6 a
30 Que celle que la loi | du peuple te demande ? 6+6 a
N’es-tu pas marié, | n’es-tu pas père enfin ? 6+6 b
Reste ! tu dois rester ! |
— Oh ! c’est trop à la fin ! 6+6 b
Et tu ne comprends pas ! | Que veux-tu que je dise 6+6 a
Alors ? Mais c’est à nous | que l’invasion brise, 6+6 a
35 À nous dont elle vient | menacer le foyer. 6+6 b
D’être une légion | qui se lève en entier ! 6+6 b
Comment ! le prolétaire | irait pour les défendre, 6+6 a
Lui qui n’a rien à perdre, | eux dont on peut tout prendre ! 6+6 a
Comment ! étant époux, | je suis moins citoyen, 6+6 b
40 Et la France en danger, | je ne lui dois plus rien ! 6+6 b
Tiens ! écoute une voix | qui parle haut à l’âme ! 6+6 a
Entends-tu le canon | qui tonne ? Oh ! pauvre femme. 6+6 a
Pauvre mère ! Il en est | qui tombent aujourd’hui, 6+6 b
Qui, le pays mourant, | se sont levés pour lui. 6+6 b
45 Pour payer de leur sang | ta défense et la nôtre, 6+6 a
Et je n’oserais pas | me battre comme un autre ! 6+6 a
Et je resterais là, | bras croisés, sans rien voir. 6+6 b
Quand il n’en est pas un | qui n’ait fait son devoir ! 6+6 b
Car tu le veux ainsi, | toi l’une des meilleures, 6+6 a
50 Car tu me vois remplir | mon devoir, et tu pleures ! 6+6 a
Et tu ne m’as pas mis | le fusil dans la main ! 6+6 b
Et quand, après cinq mois | de jours sans lendemain, 6+6 b
Quand la France est debout | tout entière enfiévrée. 6+6 a
Je me lève à mon tour | pour la cause sacrée 6+6 a
55 Qui de chacun de nous | eût dû faire un martyr, 6+6 b
Tu dis que je suis fou | de songer à partir ! 6+6 b
Mais tu ne sens donc pas | quel courant nous entraîne ? 6+6 a
Mais tu ne sens donc pas | que l’heure est souveraine. 6+6 a
Et qu’il faut à présent | oublier un passé 6+6 b
60 Que tout le sang d’un peuple | aura vite effacé ! 6+6 b
Toi, Française, au moment | où la tempête monte. 6+6 a
Tu te mets froidement | du parti de la honte ! 6+6 a
Des mots, patriotisme, | honneur !… Eu vérité. 6+6 b
C’est avec ces mots-là | qu’on fait l’humanité. 6+6 b
65 Et si je dois mourir | en défendant ma cause, 6+6 a
Je serai mort au moins | pour sauver quelque chose ! 6+6 a
Mais tu baisses la tête | et tu comprends aussi… 6+6 b
— Oui, j’étais lâche… Tiens ! | va te battre !
— Merci ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
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