Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DLP_1/DLP33
corpus Pamela Puntel
Albert DELPIT
L'INVASION
1870
1870
XXXIII
LA HAINE
France, rappelle-toi ! |
C'était après Sedan. 6+6 a
Sous les obus vomis | par le canon grondant, 6+6 a
Tes enfants terrassés | avaient plié la tête, 6+6 b
Devant l'épouvantable | et terrible défaite, 6+6 b
5 Où la Honte abattant | les drapeaux effarés, 6+6 a
Envoyait en exil | tes fils déshonorés ! 6+6 a
Ils marchaient, en jetant | leurs armes sur la terre, 6+6 b
Aux pieds de ton vainqueur | qui les regardait faire, 6+6 b
Et Guillaume passait, | avec ses rois chrétiens, 6+6 a
10 La sinistre revue | où défilaient les tiens ! 6+6 a
Vae victis ! Tes soldats | marchaient entre deux haies ! 6+6 b
Le blessé, de sa main | voulant cacher ses plaies, 6+6 b
L'officier, étreignant | son cœur qui bondissait, 6+6 a
El près d'eux, les maudits, | lorsque chacun passait, 6+6 a
15 D'un mot ou d'un sourire | à leur lèvre étonnée 6+6 b
Insultaient les vaincus | de la sombre Journée. 6+6 b
— Oh ! ces insultes-là, | nous nous eu souviendrons ! 6+6 a
C'est alors que la voix | sonore des clairons. 6+6 a
Pour lancer, eux aussi, | leur outrage à ta face, 6+6 b
20 Comme un cachet haineux | que jamais rien n'efface, 6+6 b
Chanta la Marseillaise | à tes héros bridés, 6+6 a
Jusqu'à ce que près d'eux | ils eussent tous passés ! 6+6 a
France, rappelle-toi ! |
C'était dans la campagne. 6+6 b
On aurait reconnu | les uhlans d'Allemagne. 6+6 b
25 El leurs beaux officiers, | leurs gants blancs à la main, 6+6 a
Rien qu'au sang qui par eux | coulait sur le chemin ! 6+6 a
Or, comme il leur fallût | de l'argent pour leurs filles, 6+6 b
Après avoir volé | le pain de cent familles, 6+6 b
Sais-tu ce qu'ils ont fait ? | Ils ont lié les bras 6+6 a
30 Aux hommes, aux blessés | ne se défendent pas ; 6+6 a
Aux femmes, aux enfants, | aux vieillards, puis ensuite 6+6 b
Ils les ont brûlés tous | pour se payer plus vite ! 6+6 b
Oui ! pensez à cela ! | Tous jetés au bûcher ! 6+6 a
Et Dieu, Dieu n'a rien dit | qui pût les empêcher ! 6+6 a
35 Et le vent attisait | cet incendie infâme ! 6+6 b
Et l'on pouvait entendre | à travers cette flamme, 6+6 b
Tourbillonnant dans l'air | en anneaux étouffants, 6+6 a
Sortir des cris de femme | et des sanglots d'enfant ! 6+6 a
France, rappelle-toi ! |
Le temps marche et sans cesse 6+6 b
40 Comme grandit dans l'ombre | une œuvre vengeresse, 6+6 b
Augmente plus, terrible | encore qu'autrefois 6+6 a
La guerre de Titans | plus vieille de deux mois, 6+6 a
Tout à coup on entend | une rumeur étrange : 6+6 b
La mort pour eux trop lente | a besoin qu'on la change 6+6 b
45 Contre un raffinement | plus fort de cruauté, 6+6 a
Et l'on punit Paris | d'avoir trop résisté ! 6+6 a
Vous les rappelez-vous | ces vingt jours, ô mes frères ! 6+6 b
Vous les rappelez-vous | quelles saintes colères 6+6 b
Empoignaient tous les cœurs | de rage et de dégoût 6+6 a
50 En voyant les obus | assassinant partout ! 6+6 a
Oh ! tout cela grandit | par le temps qui s'augmente ! 6+6 b
Et comme il faut pour eux | que leur histoire mente, 6+6 b
Pour nous, no regardons | que les faits accomplis, 6+6 a
Et laissons retomber | dans l'ombre des oublis 6+6 a
55 Ce qui ne sera pas | les tableaux de la honte, 6+6 b
Dont un jour, nous pourrons | leur demander le compte ! 6+6 b
France, rappelle toi ! |
Gloire au vieil empereur ! 6+6 a
Le sceptre du grand Charle | a payé sa fureur ! 6+6 a
Il triomphe, et l'on dit | que Paris capitule ! 6+6 b
60 L'honneur français se voile | en pleurant et recule ! 6+6 b
C'est la fin : or, voici | comment tout s'est passé. 6+6 a
Je m'arrête un moment, | frères, le cœur brisé : 6+6 a
Écoulez-moi, sur Dieu | qui m'entend, je vous jure ; 6+6 b
Je n'ai rien inventé | de cette forfenture, 6+6 b
65 Que je voudrais pouvoir | laver avec du sang. 6+6 a
Écoutez-moi, je fais | de l'histoire, à présent ! 6+6 a
Les généraux étaient | réunis à Versaille : 6+6 b
L'un d'eux leur dit : Messieurs, | le chancelier travaille : 6+6 b
C'est le traité de paix | qu'on va signer demain ; 6+6 a
70 Le ministre paraît, | un papier à la main : 6+6 a
— Eh bien ! demande-t-on | partout : pas de réponse. 6+6 b
Le dos au feu, le front | qui dans ses mains s'enfonce, 6+6 b
Le ministre se tait | devant l'avidité 6+6 a
De cet état-major | qu'il aurait acheté. 6+6 a
75 — Eh bien ? demande encor | la foule impatiente. 6+6 b
Lui, marche vers la porte, | et d'une façon lente 6+6 b
L'ouvrant pour croître encor | le trouble autour de lui, 6+6 a
Il se retourne alors, | et prenant un appui 6+6 a
Sur le mur, il leur dit | en refermant la porte : 6+6 b
80 — Hallali ! hallali ! | Messieurs, la bête est morte ! 6+6 b
France, rappelle-toi ! |
C'est la fin aujourd'hui. 6+6 a
Dans l'histoire pour nous | de nouveaux jours ont lui ! 6+6 a
Eh bien ! pleurons tout bas, | frères, courbons la tête ; 6+6 b
Oui, nous sommes vaincus, | oui, c'est bien la défaite, 6+6 b
85 Oui, nous reconnaissons | que nous ne pouvons rien, 6+6 a
Oui, rien que nous venger | si nous le voulons bien ! 6+6 a
Que chacun de nos jours | ait pour but la vengeance, 6+6 b
Soyons un peuple fort | qui meurt, mais recommence ! 6+6 b
Gravons en lettres rouges à tous nos monuments 13 a
90 L'histoire où on lira | tous nos événements ; 6+6 a
Pour ne rien oublier | du passé qui s'écoule, 6+6 b
Que tout vienne parler | de haine à cette foule ! 6+6 b
Rompons d'un coup avec | nos erreurs d'autrefois, 6+6 a
Car nous avons un but | à toucher celte fois ! 6+6 a
95 Qu'on ne puisse jamais | détourner de votre âme, 6+6 b
Les outrages sans nom | qu'a faits le peuple infâme ! 6+6 b
Pour cela, travaillons | dans l'ombre et dans la paix, 6+6 a
Aiguisons notre épée | et n'oublions jamais 6+6 a
Que chaque jour parti, | qui vers le ciel remonte, 6+6 b
100 Ait rappelé pour nous | nos douleurs et leur honte ! 6+6 b
Chacun doit apporter | sa part à ce labeur : 6+6 a
Le peintre son pinceau | et la femme son cœur ; 6+6 a
Le laboureur, le blé | qu'il jette dans sa plaine ; 6+6 b
L'ouvrier son outil | qui se brise à la peine ; 6+6 b
105 Le poëte sera | le chantre du passé, 6+6 a
Tant qu'il ne sera pas | grandement effacé ! 6+6 a
La France est à présent | une vaste fournaise, 6+6 b
Et tout ce que l'on jette | à la fonte française, 6+6 b
Nourrie incessamment | par le souffle puissant. 6+6 a
110 D'un peuple qui partout | a vu couler son sang, 6+6 a
Doit en faire jaillir | à la lumière humaine, 6+6 b
Une statue armée, | ayant au cœur la haine, 6+6 b
Forte pour écraser | les maudits et leur roi !… 6+6 a
France, rappelle-toi ! | France, rappelle-toi ! 6+6 a
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