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| = césure
DLP_1/DLP2
corpus Pamela Puntel
Albert DELPIT
L'INVASION
1870
1870
II
LA LÉGENDE DU DRAPEAU
On se battait depuis cinq heures du matin, 6+6 a
Et nos soldats pliaient, vaincus par le destin ; 6+6 a
Mais tels qu'un aigle altier accroupi dans son aire, 6+6 b
Ils voulaient regarder en face le tonnerre. 6+6 b
5 Les Prussiens étaient quatre fois plus nombreux : 6+6 a
La mitraille de fer qu'ils vomissaient contre eux, 6+6 a
Fauchait les rangs français comme en juillet l'orage 6+6 b
Courbe les épis d'or debout sur son passage 6+6 b
Rien n'y faisait : toujours, froidement, pas à pas, 6+6 a
10 Ces glorieux vaincus qu'on n'épouvante pas, 6+6 a
Pour sauver la retraite où reculaient les nôtres, 6+6 b
Calmes, se regardaient mourir les uns les autres. 6+6 b
Ils allaient, sachant bien qu'ils étaient condamnés. 6+6 a
Tout à coup un conscrit dit : — Nous sommes cernés ! 6+6 a
15 En effet, parallèle à notre infanterie, 6+6 b
Les Prussiens avaient mis leur artillerie, 6+6 b
Afin de nous couper la retraite du pont ! 6+6 a
En tordant sa moustache un commandant répond : 6+6 a
— Va bien ! Allons toujours, enfants, c'est la consigne. 6+6 b
20 Ils vont : et dans les rangs, pas un cri, pas un signe, 6+6 b
Qui montre que ces gens décimés par la mort , 6+6 a
Vaincus, aient abju l'espoir de vaincre encor. 6+6 a
Un petit lieutenant de dix-neuf ans à peine 6+6 b
Dit :
— Commandant ! j'en vois dix mille dans la plaine ! 6+6 b
25 Et le commandant dit une seconde fois : 6+6 a
— Va bien ! Allons toujours : je vois ce que tu vois… 6+6 a
Ils vont.
Les Prussiens redoublent la mitraille, 6+6 b
Croyant pouvoir d'un coup terminer la bataille, 6+6 b
Quand un vieux capitaine, un ancien de l’Alma, 6+6 a
30 Dont la poudre a bruni la peau qu'elle enflamma, 6+6 a
Dit :
— Commandant, ils vont nous prendre par derrière ! 6+6 b
La commandant répond :
— Va bien ! qu'y veux-tu faire ? 6+6 b
Allons toujours !…
Ils vont.
Le canon ennemi 6+6 a
Fait sa trouée énorme et les fauche à demi. 6+6 a
35 Tout à coup, au lointain, viennent au pas de charge 6+6 b
Dix régiments, tenant mille mètres de large, 6+6 b
Et faisant sur la droite un obstacle contre eux. 6+6 a
Les Prussiens étaient douze fois plus nombreux. 6+6 a
C'était comme une mer d'hommes et de fue 6+6 b
40 Se resserrant toujours autour de notre armée. 6+6 b
Alors le commandant lorgne les alentours, 6+6 a
Et dit tout bas :
Va mal ! — N'importe !… allons toujours !… 6+6 a
Ils vont.
Mais cette fois ils retournent la tête, 6+6 b
Et, chargeant en avant avec la baïonnette, 6+6 b
45 Cherchent à se frayer un passage sanglant 6+6 a
A travers ce réseau de fer étincelant. 6+6 a
Oh ! les lions français terribles et superbes ! 6+6 b
Comme le vent qui fait courber les hautes herbes, 6+6 b
A travers les boulets, les obus et le fer 6+6 a
50 Qui tombent sur leur front avec un bruit d'enfer, 6+6 a
Ils vont, amoncelant les morts sur les ruines, 6+6 b
Pour creuser un sillon à travers des poitrines ! 6+6 b
Tout à coup, au milieu du terrible chemin, 6+6 a
Un cri sort, effrayant, de ce charnier humain : 6+6 a
55 C'est le drapeau français qui tombe, et qu'on menace 6+6 b
Non ! un jeune conscrit s'élance, et le ramasse 6+6 b
Une balle le tue !un deuxième le prend… 6+6 a
Un biscayen l'écrase !
Alors, de rang en rang, 6+6 a
Et toujours en chargeant en avant, tête basse, 6+6 b
60 Toujours de main en main le drapeau français passe, 6+6 b
Prenant pour défenseurs ceux qui veulent s'offrir : 6+6 a
Après celui qui meurt, celui qui va mourir ! 6+6 a
Trois frères étaient là. Pour défendre leur France 6+6 b
Ils s'étaient engagés, n'ayant d'autre espérance 6+6 b
65 Que de mourir pour elle en faisant leur devoir : 6+6 a
Vraiment, on aurait dit trois enfants à les voir. 6+6 a
Le plus vieux a vingt ans, le plus jeune en a seize. 6+6 b
L'né prend le drapeau dans ses mains et le baise, 6+6 b
Puis, regardant le ciel comme un martyr chrétien, 6+6 a
70 Il dit, en élevant le bras qui le soutient : 6+6 a
— Dieu me garde ! en avant !
Il est tué.
Son frère, 6+6 b
Fait le signe de croix, une courte prière, 6+6 b
Et le prend à son tour en disant :
— En avant ! 6+6 a
Il est tué.
Derrière, arme au poing, le suivant, 6+6 a
75 Le troisième relève avec sa main meurtrie 6+6 b
Ce chiffon glorieux, âme de la patrie, 6+6 b
Et répète :
— En avant !
Il est tué.
Grand Dieu ! 6+6 a
Sous cette pluie ardente où l'ondée est du feu, 6+6 a
Toujours pour relever le drapeau qui frissonne, 6+6 b
80 Toujours quelqu'un, avant qu'il n'y ait plus personne ! 6+6 b
Le conscrit volontaire ou le vieux vétéran 6+6 a
Tour à tour le relève et le sauve en mourant : 6+6 a
Vingt-huit fois le drapeau qui tombe, se redresse, 6+6 b
Agitant dans ses plis son ombre vengeresse ! 6+6 b
85 On nous parle beaucoup des vieux Léonidas : 6+6 a
Qu'ont-ils fait de plus beau que ces vingt-huit soldats ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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