Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DLP_1/DLP10
corpus Pamela Puntel
Albert DELPIT
L'INVASION
1870
1870
X
LE DÉPART DU BRETON
Les mobiles bretons ont pris rendez-vous là. 6+6 a
A l'appel de Paris, la Bretagne trembla, 6+6 a
Et, déchirant son cœur qui sait briser les chaînes, 6+6 b
Pêle-mêle, en jeta des hommes et des chênes. 6+6 b
5 Du chêne, l'homme fait des crosses de fusil 6+6 a
Pour aller conquérir notre gloire en exil ; 6+6 a
Et le chêne à son tour féconde de sa sève 6+6 b
Le cœur chaud et puissant de l'homme qui se lève. 6+6 b
On les voit arriver en bataillons serrés, 6+6 a
10 A travers la bruyère et les genêts dorés. 6+6 a
Ils n'ont jamais quitté leur terre bien-aimée : 6+6 b
Quand le soleil couchant sur la lande enflammée 6+6 b
Jetait son manteau rouge à travers le ciel bleu, 6+6 a
Ces hommes, grands et forts parce qu'ils croient en Dieu, 6+6 a
15 Ne se demandaient pas si l'horizon immense 6+6 b
A leur calme regard cachait une autre France. 6+6 b
Où l'aïeul était mort, ils vivaient à leur tour ; 6+6 a
Leur monde s'étendait dans les bois d'alentour, 6+6 a
Et leur maison c'était la petite chaumière 6+6 b
20 Qu'agrandissaient toujours l'Honneur et la Prière. 6+6 b
Un matin, on a dit au jeune laboureur : 6+6 a
— La France est en danger : prends ton arme et ton cœur 6+6 a
Aujourd'hui, c'est en toi que la Pairie espère ; 6+6 b
Quitte la fiancée et ta vieille grand'mère, 6+6 b
Et viens.
25 Le laboureur ne s'étonna de rien, 6+6 a
Mit la pelle à l'épaule, et répondit :
— C'est bien. 6+6 a
Merci d'avoir compté que j'aurais du courage, 6+6 b
Le temps d'aller-passer un quart d'heure au village, 6+6 b
Pour faire mes adieux à ceux qui restent là, 6+6 a
30 Pauvres gens qui m'aimaient si fort, et me voilà. 6+6 a
Il s'éloigna, suivant un sentier dans la lande. 6+6 b
— Pauvre Yvonne ! elle attend là-bas que je descende… 6+6 b
Je devais l'épouser quand viendrait la Noël… 6+6 a
Rêveur, il éleva son clair regard au ciel : 6+6 a
35 — Mon bon Dieu, reprit-il, faites que j'en revienne ; 6+6 b
Chacun a son aïeule ainsi que j'ai la mienne, 6+6 b
Mais vous le savez bien, je n'ai qu'un petit champ 6+6 a
Pour nous deux : or, elle est plus faible qu'un enfant ; 6+6 a
C'est moi qui la nourris en cultivant la terre ; 6+6 b
40 J'étais son petit-fils, et suis presque son père ! 6+6 b
Après tout, mon bon Dieu, je serai satisfait, 6+6 a
Car ce que vous ferez sera toujours bien fait. 6+6 a
Puis, quand il arriva, prenant la jeune fille 6+6 b
Par la main, pour aller au foyer de famille, 6+6 b
45 Il se mit à genoux au pied du grand fauteuil 6+6 a
Où l'aïeule dormait dans ses habits de deuil. 6+6 a
— Mère, dit-il, voilà ce qu'il me faut te dire… 6+6 b
Il s'arrêta soudain : avec un doux sourire, 6+6 b
Son Yvonne, ignorant tout ce qui se passait, 6+6 a
50 Regardait ce tableau, croyant qu'il s'agissait 6+6 a
D'avancer l'union dès longtemps décidée ; 6+6 b
Et devant le bonheur où cette douce idée 6+6 b
Jetait la pauvre enfant si joyeuse aujourd'hui, 6+6 a
En songeant à demain, il avait peur pour lui. 6+6 a
— Mère, je vais partir.
55 — Yvonne devint blanche. 6+6 b
— C'est aujourd'hui jeudi, je serai loin dimanche. 6+6 b
Nous allons à Paris qu'on veut prendre et brûler. 6+6 a
Ma mère, écoute-moi, tu n'as pas à trembler, 6+6 a
Dieu me protégera, tu peux être tranquille… 6+6 b
60 Au moins que mon départ ne soit pas inutile ; 6+6 b
Quand nous aurons chassé l'ennemi loin d'ici, 6+6 a
A genoux près de toi tu me verras, ainsi 6+6 a
Qu'un jour je m'y mettrai pour notre mariage, 6+6 b
Te dire : Bénis-moi, je reviens au village. 6+6 b
65 L'aïeule regarda le ciel et se leva, 6+6 a
Mit les mains sur le front du jeune homme et dit : — Va ! 6+6 a
— Ne pleure pas, Yvonne, il faut que je m'en aille. 6+6 b
Tu sais, il ne faut pas que la mère travaille, 6+6 b
Je te la recommande ; adieu, je reviendrai ! 6+6 a
70 — Pars, dit-elle, va-t-en, et moi je t'attendrai. 6+6 a
Si tu ne reviens pas, je prierai pour ton âme. 6+6 b
En tous cas, au pays tu laisses une femme, 6+6 b
Et tu la reverras, si tu dois la revoir : 6+6 a
Pour moi, je t'attendrai ; pour toi, fais ton devoir ! 6+6 a
75 Il s'est tenu parole, et lui comme les autres : 6+6 b
Nous les avons vus hier luttant avec les nôtres ; 6+6 b
Et les Maudits, voyant comme nous combattons, 6+6 a
Se souviennent des coups des mobiles bretons ! 6+6 a
Quand le combat commence, à genoux sur la terre, 6+6 b
80 Chacun de ces héros murmure sa prière, 6+6 b
Et le pauvre curé d'un village inconnu, 6+6 a
Qui du fond de sa lande avec eux est venu, 6+6 a
Bénit au nom de Dieu, du Christ et de Marie, 6+6 b
Ces paysans tombés pour sauver la Patrie, 6+6 b
85 Avec ces deux guidons qui les mènent au feu, 6+6 a
Le drapeau pour leur France, et la croix pour leur Dieu ! 6+6 a
mètre profil métrique : 6+6
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