Métrique en Ligne
P = préposition
C = clitique
M = voyelle masculine
F = "e" féminin
| = césure
DES_4/DES417
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
ENFANTS ET JEUNES FILLES
LE PETIT MÉCONTENT
Mère, je veux crier et faire un grand tapage. 6+6 a
Comment, je ne peux pas tous les jours être sage ! 6+6 a
Non, mère, c’est trop long tous les jours, tous les jours ! 6+6 b
Le monsieur l’a bien dit : « Rien ne dure toujours. » 6+6 b
5 Tant mieux ! je vais m’enfuir et crier comme George. 6+6 a
Qui m’en empêchera ?
— Personne. À pleine gorge, 6+6 a
Vous pouvez, cher ami, vous donner ce régal. 6+6 b
Mais vous serez malade…
— Oh ! cela m’est égal : 6+6 b
George ne meurt jamais.
— George afflige sa mère. 6+6 a
10 Un enfant mal appris est une joie amère. 6+6 a
— Je reviendrai t’aimer.
— M’aimer sans m’obéir ? 6+6 b
Déserter ton devoir, enfant, c’est me trahir. 6+6 b
Je crains, moi, qu’avant peu personne ne vous aime, 6+6 a
Et vous vous ferez peur tout seul avec vous-même. 6+6 a
15 — Non ! George n’a pas peur dans le cabinet noir. 6+6 b
Il dit que c’est tout brun comme quand c’est le soir ; 6+6 b
Pas plus. Et puis il chante à travers la serrure ; 6+6 a
Il se moque des grands, il fait le coq, il jure. 6+6 a
C’est brave de chanter sans jour et sans flambeau ! 6+6 b
Je veux être méchant pour voir.
20 — Ce sera beau ! 6+6 b
— Je veux être grondé : gronde donc.
— Pourquoi faire ? 6+6 a
Vous me faites pitié.
— Je suis las de me taire ! 6+6 a
J’ai cassé mon cheval ; j’ai mis de l’encre à tout ; 6+6 b
Regarde ma figure !
— Oui, c’est laid jusqu’au bout. 6+6 b
25 Mais qui vous a donné ce faux air de courage ? 6+6 a
Hier encor, priant Dieu qu’il vous rendît bien sage, 6+6 a
Vous vouliez ressembler à notre vieux cousin. 6+6 b
— Je n’avais pas é chez le petit voisin. 6+6 b
Il bat des pieds très-bien quand on le contrarie ; 6+6 a
30 Il ne dit pas bonjour, même quand on l’en prie !… 6+6 a
Ah ! ah ! c’est qu’on est fier d’être mis en prison ! 6+6 b
— Beaucoup de grands enfants y perdent la raison. 6+6 b
Pour leurs mères surtout c’est une triste gloire ! 6+6 a
Restez libre et soumis, si vous voulez m’en croire. 6+6 a
35 Moi, je n’ai point de cage où mettre mon enfant ; 6+6 b
Pas même les oiseaux, mon cœur me le défend. 6+6 b
Vous n’obtiendrez de moi ni prison, ni colère, 6+6 a
Et j’attendrai, de loin, que le temps vous éclaire. 6+6 a
— De loin ?
— Battez des pieds, poussez des cris affreux, 6+6 b
40 Devenez comme George un petit malheureux. 6+6 b
Vous en aurez la honte au grand jour.
— Quelle honte ? 6+6 a
George rit ; je rirai…
— Nous voici loin de compte. 6+6 a
Si vous ne craignez pas de rougir devant Dieu, 6+6 b
Il faudra, mon enfant, bientôt nous dire adieu. 6+6 b
45 À vivre sans honneur, moi, je ne puis prétendre, 6+6 a
Et si vous n’étiez pas ma gloire la plus tendre, 6+6 a
À la mère de George il faudrait ressembler. 6+6 b
— Oh ! non, ressemble-toi !
— Son sort me fait trembler. 6+6 b
Loin de la saluer, quand cette femme passe. 6+6 a
50 On se détourne d’elle, on lui fait de l’espace, 6+6 a
On va de porte en porte en chuchotant tout bas : 6+6 b
«Elle a gâté son fruit, ne la saluons pas ! » 6+6 b
Le fruit accuse l’arbre, et l’on juge, et le blâme 6+6 a
Tombera sur la mère et non sur la jeune âme 6+6 a
55 Qu’elle a laissé corrompre. On est plein de rigueur. 6+6 b
— Que dit-on de la dame ?
On dit qu’elle est sans cœur 6+6 b
Voyez comme elle est triste au fond de sa faiblesse ! 6+6 a
Le monde la méprise et son enfant la blesse ! 6+6 a
Ô mère humiliée en votre unique amour, 6+6 b
60 Je vous plaignis souvent : me plaindrez-vous un jour ? 6+6 b
— Pardon !… je ne veux pas te voir humiliée 6+6 a
Pardon ! pardon ! Je veux que tu sois saluée ! 6+6 a
Mère, je serai bon comme le vieux cousin ! 6+6 b
Mère, je n’irai plus chez le petit voisin ! » 6+6 b
65 La mère tressaillit dans une vive étreinte ; 6+6 a
L’enfant ne cria plus ; il fut bon sans contrainte. 6+6 a
Et quand on saluait cette mère en chemin, 6+6 b
Il rougissait de joie et lui serrait la main ! 6+6 b
mètre profil métrique : 6+6
logo du CRISCO logo de l'université