Métrique en Ligne
a voyelle stable
er voyelle ambigüe
e "e" masculin
e "e" féminin
e "e" élidé
e "e" ignoré
e "e" écarté
12 longueur métrique
6-6 mètre
DES_4/DES406
Marceline DESBORDES-VALMORE
POÉSIES INÉDITES
1860
FOI
LES SANGLOTS
À Pauline Duchambge.
Ah ! l’enfer est ici ;l’autre me fait moins peur : 6+6 a
Pourtant le purgatoireinquiète mon cœur. 6+6 a
On m’en a trop parlépour que ce nom funeste 6+6 a
Sur un si faible cœurne serpente et ne reste ; 6+6 a
5 Et quand le flot des joursme défait fleur à fleur. 6+6 a
Je vois le purgatoireau fond de ma pâleur. 6+6 a
S’ils ont dit vrai, c’est làqu’il faut aller s’éteindre, 6+6 a
Ô Dieu de toute vie,avant de vous atteindre ! 6+6 a
C’est là qu’il faut descendreet sans lune et sans jour, 6+6 a
10 Sous le poids de la crainteet la croix de l’amour, 6+6 a
Pour entendre gémirles âmes condamnées, 6+6 a
Sans pouvoir dire : « Allez,vous êtes pardonnées ! » 6+6 a
Sans pouvoir les tarir,ô douleur des douleurs ! 6+6 a
Sentir filtrer partoutles sanglots et les pleurs ; 6+6 a
15 Se heurter dans la nuitdes cages cellulaires 6+6 a
Que nulle aube ne teintde ses prunelles claires ; 6+6 a
Ne savoir crierau sauveur méconnu : 6+6 a
« Hélas ! mon doux Sauveur,n’étiez-vous pas venu ? » 6+6 a
Ah ! j’ai peur d’avoir peur,d’avoir froid ; je me cache 6+6 a
20 Comme un oiseau tombéqui tremble qu’on l’attache. 6+6 a
Je rouvre tristementmes bras au souvenir… 6+6 a
Mais c’est le purgatoireet je le sens venir ! 6+6 a
C’est là que je me rêveaprès la mort menée, 6+6 a
Comme une esclave en fauteau bout de sa journée. 6+6 a
25 Cachant sous ses deux mainsson front pâle et flétri, 6+6 a
Et marchant sur son cœurpar la terre meurtri. 6+6 a
C’est là que je m’en vaisau devant de moi-même, 6+6 a
N’osant y souhaiterrien de tout ce que j’aime. 6+6 a
Je n’aurai donc plus riende charmant dans le cœur 6+6 a
30 Que le lointain échode leur vivant bonheur. 6+6 a
 Ciel ! ou m’en irai-je 5 a
 Sans pieds pour courir ! 5 b
 Ciel ! frapperai-je 5 a
 Sans clé pour ouvrir ? 5 b
35 Sous l’arrêt éternelrepoussant ma prière 6+6 a
Jamais plus le soleiln’atteindra ma paupière. 6+6 a
Pour l’essuyer du mondeet des tableaux affreux 6+6 a
Qui font baisser partoutmes regards douloureux. 6+6 a
Plus de soleil ! Pourquoi ?Cette lumière aimée 6+6 a
40 Aux méchants de la terreest pourtant allumée. 6+6 a
Sur un pauvre coupableà l'échafaud conduit 6+6 a
Comme un doux : « Viens à moi !» l’orbe s’épanche et luit. 6+6 a
Plus de feu nulle part !Plus d’oiseaux dans l’espace ! 6+6 a
Plus d’Ave Mariadans la brise qui passe. 6+6 a
45 Au bord des lacs tarisplus un roseau mouvant, 6+6 a
Plus d’air pour soutenirun atome vivant. 6+6 a
Ces fruits que tout ingratseul fondre sous sa lèvre, 6+6 a
Ne feront plus coulerleur frcheur dans ma fièvre ; 6+6 a
Et de mon cœur absentqui viendra m’oppresser 6+6 a
50 J’amasserai les pleurssans pouvoir les verser. 6+6 a
 Ciel ! m’en irais-je 5 a
 Sans pieds pour courir ? 5 b
 Ciel ! frapperais-je 5 a
 Sans clé pour ouvrir ? 5 b
55 Plus de ces souvenirsqui m’emplissent de larmes, 6+6 a
Si vivants que toujoursje vivrais de leurs charmes ; 6+6 a
Plus de famille au soirassise sur le seuil, 6+6 a
Pour bénir son sommeilchantant devant l'aïeul ; 6+6 a
Plus de timbre adorédont la grâce invincible 6+6 a
60 t forcé le néantà devenir sensible ! 6+6 a
Plus de livres divinscomme effeuillés des cieux, 6+6 a
Concerts que tous mes sensécoutaient par mes yeux. 6+6 a
Ainsi, n’oser mourirquand on n’ose plus vivre. 6+6 a
Ni chercher dans la mortun ami qui délivre ! 6+6 a
65 Ô parents ! pourquoi doncvos fleurs sur nos berceaux 6+6 a
Si le ciel a mauditl’arbre et les arbrisseaux ? 6+6 a
 Ciel ! m’en irai-je 5 a
 Sans pieds pour courir ? 5 b
 Ciel ! frapperai-je 5 a
70  Sans clé pour ouvrir ? 5 b
Sans la croix qui s’inclineà l’âme prosternée, 6+6 a
Punie après la mortdu malheur d’être née ! 6+6 a
Mais quoi, dans cette mortqui se sent expirer, 6+6 a
Si quelque cri lointainme disait d’espérer ! 6+6 a
75 Si dans ce ciel éteintquelque étoile pâlie 6+6 a
Envoyait sa lueurà ma mélancolie ! 6+6 a
Sous ses arceaux tendusd’ombre et de désespoir, 6+6 a
Si des yeux inquietss’allumaient pour me voir ! 6+6 a
Ah ! ce serait ma mèreintrépide et bénie 6+6 a
80 Descendant réclamersa fille assez punie ! 6+6 a
Oui ! ce sera ma mèreayant attendri Dieu, 6+6 a
Qui viendra me sauverde cet horrible lieu. 6+6 a
Et relever au ventde la jeune espérance 6+6 a
Son dernier fruit tombémordu par la souffrance. 6+6 a
85 Je sentirai ses brassi doux, si beaux, si forts, 6+6 a
M’étreindre et m’enleverdans ses puissants efforts 6+6 a
Je sentirai coulerdans mes naissantes ailes 6+6 a
L’air pur qui fait monterles libres hirondelles, 6+6 a
Et ma mère en fuyantpour ne plus revenir 6+6 a
90 M’emportera vivanteà travers l’avenir ! 6+6 a
Mais, avant de quitterles mortelles campagnes. 6+6 a
Nous irons appelerdes âmes pour compagnes. 6+6 a
Au fond du champ funèbre j’ai mis tant de fleurs, 6+6 a
Nous abattre aux parfumsqui sont nés de mes pleurs ; 6+6 a
95 Et nous aurons des voix,des transports et des flammes, 6+6 a
Pour crier : « Venez-vous !» à ces dolentes âmes. 6+6 a
« Venez-vous vers l’étéqui fait tout refleurir 6+6 a
nous allons aimersans pleurer, sans mourir ! 6+6 a
Venez, venez voir Dieu !nous sommes ses colombes ; 6+6 a
100 Jetez-là vos linceuls,les cieux n’ont plus de tombes ; 6+6 a
Le sépulcre est rompupar l’éternel amour : 6+6 a
Ma mère nous enfanteà l’éternel séjour ! » 6+6 a
mètre profils métriques : 5, 6+6
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